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Covid-19, épidémie, épidémiologie, Cameroun, Yaoundé

Cameroun

L'accès aux outils de diagnostic est essentiel dans la réponse au coronavirus

Personnel médical de l'hôpital de Djoungolo à Yaoundé. Cameroun. Juillet 2020. © MSF/Vanessa Fodjo
Témoignages 
Cinq mois après la confirmation d’un premier cas de coronavirus (Covid-19) au Cameroun, on en sait un peu plus sur la façon dont la maladie s’est répandue dans le pays et sur la réponse à apporter. Pour arriver à cela, le travail des épidémiologistes de MSF, qui étudient et retracent comment une maladie se propage, a été essentiel.

    Franck Ale, épidémiologiste régional pour MSF à Dakar, et Yap Boum, représentant d’Epicentre, la branche de recherche et d’épidémiologie de MSF, à Yaoundé,  reviennent notamment sur l’importance des outils de diagnostics.   

    Les premiers cas de Covid-19 ont été enregistrés au Cameroun début mars 2020. Comment la pandémie a-t-elle évolué dans le pays et dans la région depuis ?

    Covid-19, épidémie, épidémiologie, Cameroun, YaoundéFranck Ale : La totalité des premiers cas de coronavirus dans les pays de la région ont été importés par des voyageurs qui revenaient de pays déjà touchés par la Covid-19.
    Puis, on a commencé à voir davantage de transmissions locales, à identifier des cas « communautaires » : des cas confirmés en laboratoire mais dont on n'arrive pas à remonter la chaîne de transmissions. Or, cet indicateur nous permet de savoir si une épidémie est maîtrisée ou non.
    L’Afrique compte 3 % du nombre total de cas de Covid-19 enregistrés dans le monde et seulement 1 % des décès. Nous sommes désormais dans une phase de « normalisation », une transmission accrue et durable du virus dans la population, à laquelle nous devons faire face jusqu'à l'obtention d'un vaccin ou d'un traitement accessible, disponible et abordable dans les pays africains. 

    Covid-19, épidémie, épidémiologie, Cameroun, YaoundéYap Boum : Plus de 16 000 cas positifs au Covid-19 ont été recensés dans les 10 régions du Cameroun. La transmission est accrue à Yaoundé, la capitale, où MSF prend en charge des patients atteints de la maladie à l’hôpital de Djoungolo.
    Entre le 25 avril et le 30 juin 2020, 313 patients y ont été soignés. Le nombre de décès demeure relativement faible, avec un taux de mortalité d’environ 2 à 3 %. 

    Les ressources humaines et matérielles du système de santé camerounais ont été principalement dirigées vers le Covid-19, alors que d'autres risques épidémiologiques existent, comme celui du choléra ou de la rougeole, des maladies endémiques au Cameroun. 

    Nous devons entrer dans une phase d’intégration de la réponse pour pouvoir assurer la continuité des services de santé pour les patients et les communautés affectés par ces autres maladies. C’est notamment pour cela que des centres de prise en charge dédiés aux soins du Covid-19 sont mis en place : pour permettre aux autres hôpitaux de continuer à répondre aux autres épidémies.

    Quelle lecture l'épidémiologie nous donne-t-elle du contexte actuel ?

    Yap Boum : MSF a mis en place de nombreuses initiatives dans ses projets pour lutter contre la propagation du Covid-19 au Cameroun. On s’est rendu compte qu’il y avait moins de personnes qui venaient à l’hôpital, d’où la nécessité d’assurer un meilleur accès aux soins et mettre en place des activités communautaires. Les équipes se rendent dans les communautés pour les sensibiliser à la maladie et font du suivi à domicile pour les cas confirmés et modérés de coronavirus. Les patients atteints de formes plus sévères de la maladie sont eux référés vers les centres de prise en charge spécialisés. 

    Franck Ale : Le rôle de l’épidémiologiste est d’aider à détecter les cas, en mettant en place une stratégie d’identification et d’investigation des foyers épidémiques quand des cas ont été dépistés. Puis, il collecte, compile et analyse les données de l'ensemble des cas positifs pour orienter des politiques de santé publique et contenir ainsi l’épidémie. Toutefois, les données dont on dispose sur la pandémie actuelle sont incomplètes, à la fois du fait des capacités de testing existantes, mais aussi des stratégies mises en œuvre, partout dans le monde. Par exemple, selon si les pays décident de tester de façon massive ou seulement les voyageurs entrant sur leur territoire, pour éviter tout nouveau cas importé.

    Point de lavage des mains à l'entrée principale de l'hôpital de Djoungolo, Yaoundé. Cameroun. Juillet 2020. © MSF/Vanessa Fodjo

    Les limites des laboratoires ne sont pas nouvelles dans le système de surveillance. Mais depuis le début de la pandémie de coronavirus, les pays ont largement augmenté leurs capacités de tests et d'analyse en laboratoires. Au début de l’épidémie, en Afrique de l’Ouest par exemple, le Sénégal était le seul pays à disposer de tests de dépistage du Covid-19. Aujourd’hui, presque tous les pays de la région s'en sont procurés. 

    Les tests de diagnostic rapide (TDR) ont été évalués au Cameroun. Quels sont les résultats ?

    Yap Boum : Différents tests de diagnostic sont disponibles et répondent à des questions différentes. La première est de savoir si le virus est présent dans l'organisme de la personne dépistée au moment où on la dépiste. La deuxième est de savoir si la personne a déjà été exposée à la maladie. Pour cela, les anticorps contre le Covid-19 sont recherchés dans le sang des personnes testées. Cela nous permet d’évaluer le degré de transmission du virus dans la communauté.

    Au Cameroun, l’équipe de coordination de la réponse nationale a voulu expérimenter la pertinence du TDR, en comparaison au PCR. Épicentre et MSF ont travaillé avec le Centre des Opérations des urgences de santé publique (COUSP) pour la mise en place d’un projet d’évaluation des différents tests disponibles dans les centres de dépistage et de prise en charge. Cette évaluation intégrait l’hôpital de Djoungolo à Yaoundé, dans lequel MSF prend en charge les patients Covid-19. 

    À la suite de cette étude, il est devenu possible de faire des tests dans tous les districts de santé, tout en ayant un résultat dans un délai relativement rapide. Nous sommes aujourd’hui en train de travailler sur une stratégie de dépistage mobile, qui permettrait de déployer des équipes mobiles de testing sur les marchés, universités et lieux à haute fréquentation.