Au 21 décembre, Médecins Sans Frontières (MSF) a enregistré plus de 2 000 cas suspects dans ses établissements de santé et ce nombre continue d'augmenter chaque jour. La majorité des patients ont entre 5 et 14 ans.
La diphtérie est une infection bactérienne contagieuse qui provoque souvent l'accumulation d'une membrane de couleur gris-blanc, collante, dans la gorge ou le nez. L'infection est connue pour causer une obstruction des voies respiratoires et des dommages au cœur et au système nerveux. Le taux de mortalité est diminué par l'utilisation d'antitoxines diphtériques, mais il y a une pénurie mondiale de ce traitement et la dernière livraison au Bangladesh était largement insuffisante.
Si un patient ne reçoit pas d'antitoxines au début de la progression de sa maladie, la toxine restera dans l'organisme. Cela peut causer des dommages aux systèmes nerveux, cardiaque et rénal, quelques semaines après la période de récupération initiale.
«Le premier cas suspecté que nous avons identifié était une femme d'environ 30 ans», explique Crystal VanLeeuwen, coordinatrice médicale d'urgence de MSF au Bangladesh. «Elle est venue à la clinique début novembre, et nous l'avons traitée avec des antibiotiques. Elle a quitté la clinique, mais est revenue chez nous cinq semaines plus tard. Elle avait des engourdissements dans les bras, pouvait à peine se tenir debout ou marcher et avait des difficultés à avaler. Il était trop tard pour lui donner des antitoxines à ce stade».
Il n’y a pas assez de médicaments pour soigner tout le monde et nous sommes obligés de prendre des décisions extrêmement difficiles.
À l'heure actuelle, il y a moins de 5 000 doses d'antitoxines diphtériques dans le monde. «Il n’y a pas assez de médicaments pour soigner tout le monde et nous sommes obligés de prendre des décisions extrêmement difficiles», dit VanLeeuwen, «Ça devient une question d'éthique et d'équité.»
L'émergence et la propagation de la diphtérie montrent à quel point les réfugiés rohingyas sont vulnérables. La majorité d'entre eux ne sont vaccinés contre aucune maladie, car ils n'ont eu qu'un accès très limité aux soins de santé de routine, y compris les vaccinations, au Myanmar. La diphtérie se propage facilement dans les camps de réfugiés où les abris sont surpeuplés.
MSF a réagi à la propagation rapide de la diphtérie en transformant la clinique mère-enfant de Balukhali et l’hôpital de Moynarghona en centres de traitement de la diphtérie.
Parallèlement, MSF a mis en place un centre de traitement à Rubber Garden, qui était auparavant un centre de transit pour les nouveaux arrivants. Pour prévenir la propagation de la maladie, nos équipes s'emploient également à retracer et à traiter les personnes qui auraient pu être en contact avec la maladie dans la communauté. Dès qu'un cas est identifié, une équipe rend visite à la famille, leur donne des antibiotiques et recherche d'autres cas pour les orienter et les traiter.
Pour endiguer la propagation des maladies, la mesure la plus importante est d'assurer une couverture vaccinale dans les plus brefs délais. Le ministère de la Santé et de la Famille, avec le soutien d'autres organisations, vient de lancer une campagne de vaccination de masse, soutenue par MSF à travers la mise en place de points de vaccination fixes dans ses postes de santé, mais les défis demeurent.
Une personne non vaccinée obtient l'immunité après au moins deux vaccins administrés à quatre semaines d'intervalle. Il s'agit d'une population qui connaît peu ou pas du tout les bienfaits des vaccins. Il y a moins d'un mois, les Rohingyas ont déjà participé à une campagne de vaccination massive contre la rougeole. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi ils ont besoin d'un autre vaccin. La communication avec la population est essentielle pour garantir une bonne couverture vaccinale. MSF essaie également de s'assurer que tous les réfugiés nouvellement arrivés soient vaccinés avant d'être réinstallés dans les camps. Mais étant donné le temps nécessaire pour achever le processus de vaccination, et en l'absence d'un endroit où ils peuvent être logés temporairement, c'est un grand défi.
«Même avant la diphtérie, il n'y avait pas assez de lits pour les malades hospitalisés. Aujourd'hui, nous avons dû transformer ces lits à peine disponibles en zones de traitement et d'isolement réservées aux patients atteints de diphtérie», explique Crystal VanLeeuwen. «Les patients qui avaient auparavant accès à l'établissement n'ont plus cette possibilité. Les équipes s'adaptent à l'évolution rapide de la situation, mais nous sommes confrontés chaque jour à de nouveaux défis».
Ces cas de diphtérie viennent s'ajouter à une épidémie de rougeole et aux énormes besoins sanitaires de ces personnes.
«Ces cas de diphtérie viennent s'ajouter à une épidémie de rougeole et aux énormes besoins sanitaires de ces personnes», explique Pavlos Kolovos, chef de mission MSF au Bangladesh. «Elles sont déjà vulnérables et n'ont pratiquement pas de couverture vaccinale. Aujourd'hui, elles vivent dans des camps densément peuplés, avec de mauvaises conditions d'hygiène. Tant que ces problèmes ne seront pas résolus et améliorés, nous continuerons de faire face à d'autres épidémies et pas seulement de diphtérie.»
MSF a d'abord travaillé au Bangladesh en 1985. Depuis 2009, près du camp de réfugiés de Kutupalong, dans le district de Cox's Bazar, MSF gère un centre médical et une clinique offrant des soins de santé de base et d'urgence complets, ainsi que des services hospitaliers et de laboratoire aux réfugiés rohingyas et à la communauté locale. En réponse à l'afflux de réfugiés à Cox's Bazar, MSF a considérablement accru sa présence dans la région, avec des opérations élargies couvrant l'eau, l'assainissement et les activités médicales pour la population réfugiée.
Ailleurs au Bangladesh, MSF travaille dans le bidonville de Kamrangirchar, à Dhaka, où elle fournit des services de santé mentale, de santé reproductive, de planification familiale et de consultations prénatales, ainsi qu'un programme de santé au travail pour les ouvriers d'usine.