Dans le camp de transit d'Adré, les systèmes d'approvisionnement en eau construits par MSF ont produit 654 m³ d'eau par jour rien qu'en mai.
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Tchad : la crise de l’eau s’aggrave alors que les températures montent et les financements se réduisent

Le vendredi 11 juillet 2025

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Face à l’augmentation des besoins et l’insuffisance de l’aide internationale, Médecins Sans Frontières (MSF) s’engage pour fournir des services vitaux d’eau et d’assainissement à des centaines de milliers de réfugiés et de communautés locales dans l’est du Tchad.

Avec des températures particulièrement élevées ces derniers mois, trouver de l’eau potable représente une lutte quotidienne pour la majorité des 860 000 réfugiés soudanais1 et les communautés qui les accueillent. À l’approche de la saison des pluies, la situation pourrait se détériorer davantage ; en effet les risques d’inondation, et par conséquent de contamination d’eau, sont tous deux très élevés, ce qui augmentera encore la pression sur les services de santé. MSF collabore étroitement avec les autorités tchadiennes, qui organisent la réponse aux besoins des réfugiés et qui sont lourdement touchées par la réduction des financements internationaux.

Deux ans de guerre et des vagues de déplacements

Après plus de deux ans de guerre entre les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide, des dizaines de milliers de personnes continuent de franchir la frontière. Selon le Haut Commissariat des nations unies pour les réfugiés (HCR), depuis le 23 avril 2025, plus de 85 000 nouveaux arrivants ont été recensés dans les provinces du Wadi Fira et de l’Ennedi Est. Chaque nouvelle vague de déplacement met davantage de pression sur les systèmes d’eau et d’assainissement déjà fragiles des camps et leurs environs.

Fournir des services d’eau et d’hygiène à grande échelle dans ces conditions est à la fois coûteux et complexe. Peu d’organisations humanitaires disposent des ressources nécessaires, et les récentes coupes de financements réduisent encore leur capacité d’intervention. MSF, déjà largement mobilisée au-delà de sa mission médicale est contrainte de prendre en charge une part toujours plus importante de cette réponse.

La crise des réfugiés au Tchad se déroule dans un contexte de réduction des financements mondiaux. Début 2025, les États-Unis ont réduit leur aide étrangère, suivie par l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Royaume-Uni et la France.

Pas assez d’eau potable, pas assez de latrines

Dans les camps de réfugiés répartis dans les provinces du Ouaddaï, du Wadi Fira et de l’Ennedi Est, la majorité des personnes reçoivent toujours bien moins que les 20 litres d’eau potable recommandés par jour. La crise de l’eau touche particulièrement les femmes et les enfants. Avec de longues files d’attente et une offre limitée, beaucoup passent des heures sous le soleil pour obtenir de l’eau.

J’ai ajouté mes trois jerrycans à la file d’attente il y a neuf jours. Et regardez : ils n’ont toujours pas atteint la fontaine, raconte Leïla, réfugiée dans le camp de Metché. Je dois les surveiller en permanence. Si je ne les fais pas avancer, on les met de côté. Trois bidons d’eau ne suffisent pas pour ma famille de neuf personnes. J’en achète en plus avec mes bons alimentaires », ajoute-t-elle.

Les latrines manquent également, la plupart des camps n’atteignent pas la norme minimale d’une latrine pour 50 personnes. Les mauvaises conditions d’hygiène et l’eau insalubre augmentent les risques d’infections cutanées, d’hépatite E, de typhoïde, de polio, de choléra, ainsi que de maladies diarrhéiques. Ces maladies empêchent le corps d’absorber les nutriments essentiels, aggravant ou provoquant la malnutrition. Ces deux dernières années, MSF a soigné 43 908 patients souffrant de malnutrition aiguë et a répondu à des épidémies d’hépatite E et de typhoïde à Adré, Aboutengue et Metché.

« Quand les pluies arriveront, les gens commenceront à boire directement dans les wadis (rivières) contaminés qui servent aussi de latrines, explique Yasmina, une responsable communautaire de la zone 3 du camp de Metché. Le risque de propagation des maladies va augmenter. »

Dans le camp de transit d’Adré, les systèmes d’eau construits par MSF ont produit 654 m³ d’eau par jour rien qu’en mai.

MSF, acteur majeur de l’eau et de l’assainissement face aux besoins grandissants

Depuis le début de la crise, MSF est un important fournisseur d’eau potable dans trois camps de réfugiés de la région du Ouaddaï, à Adré, Aboutengue et Metché.

À Aboutengue et Metché, MSF a d’abord installé des systèmes d’approvisionnement en eau d’urgence, ensuite transférés à des organisations partenaires. Depuis, l’approvisionnement à Aboutengue est passé de 12 à 9 litres par personne par jour, en partie à cause de contraintes géologiques : certains forages ne sont pas assez profonds pour répondre à la demande croissante.

Alors que les besoins en eau des 46 000 réfugiés soudanais d’Aboutengue ne sont toujours pas satisfaits – et que 5 000 personnes supplémentaires doivent y être relogées – MSF travaille avec ses partenaires à l’installation d’un nouveau réseau d’approvisionnement en eau fonctionnant à l’énergie solaire.

Dans le camp de transit d’Adré, les systèmes d’approvisionnement construits par MSF ont produit 654 000 litres d’eau par jour rien qu’en mai. Depuis mars, un des dix forages fonctionne grâce à une pompe solaire. MSF investit dans des forages solaires pour assurer autonomie et durabilité.

« Cette infrastructure, bientôt transférée à un autre acteur, permet une gestion durable des ressources en connectant réfugiés et communautés hôtes au même réseau d’eau, renforçant ainsi la résilience locale », explique Toussaint Kouadio, référent eau et assainissement MSF au Tchad.

Avant la saison des pluies, moment critique pour les maladies hydriques, MSF a réhabilité 229 latrines à Adré et en a construites 80 nouvelles à usage durable. En collaboration avec d’autres acteurs de l’aide, 539 latrines ont également été vidangées. Pour traiter les eaux usées, MSF met en place une station de traitement des boues fécales, semblable à celle construite à Aboutengue. Cette infrastructure vise à assurer des services d’assainissement durables pour toute la ville, avec des retombées économiques locales possibles. Pour lutter contre les maladies et améliorer l’hygiène, MSF a distribué du savon et des jerrycans dans le camp d’Aboutengue. Au total, plus de 26 000 jerrycans ont été distribués durant la première semaine de juillet, ainsi que 400 g de savon par personne et par mois.

À Metché, où 41 000 réfugiés n’ont toujours pas accès à assez d’eau, aucun autre acteur n’a pris le relais pour améliorer l’infrastructure. MSF prépare donc un nouveau réseau pour soutenir à la fois les réfugiés et la population locale.

Alors que des milliers de réfugiés arrivent dans la province aride du Wadi Fira, dans le nord, où l’eau potable est extrêmement rare, MSF a construit 50 latrines d’urgence et distribue 60 000 litres d’eau par jour dans le camp de transit de Tiné, en plus de fournir des soins de santé de base. Les relocalisations de réfugiés vers des camps déjà sous-équipés en eau et en infrastructure d’assainissement exercent une pression croissante sur les ressources limitées.

Dans le camp de transit d'Adré, les systèmes d'approvisionnement en eau construits par MSF ont produit 654 m³ d'eau par jour rien qu'en mai.

Des besoins croissants face aux déplacements massifs, à l’urgence climatique et aux coupes dans l’aide humanitaire

Le Tchad est vulnérable aux cycles récurrents de sécheresse et d’inondations, de plus en plus extrêmes à cause du changement climatique. Les prévisions de fortes pluies cette année suscitent des inquiétudes, et le gouvernement, avec ses partenaires, envisage un plan de contingence national.

En parallèle, la situation des réfugiés au Tchad s’inscrit dans un contexte de réduction mondiale des financements. Début 2025, les États-Unis ont supprimé presque toute leur aide extérieure. Des agences clés comme le HCR et UNICEF, essentielles dans les secteurs de l’eau et de l’assainissement, font face à des déficits budgétaires.

Pour les organisations capables de fournir des services d’eau à grande échelle, la réduction des budgets limite leur capacité d’action, obligeant MSF à assumer une part toujours plus importante.

Nous intervenons parce que l’accès à l’eau potable et l’assainissement est essentiel, surtout à l’approche des pluies, conclut Toussaint Kouadio. Mais chaque centime dépensé ici est un centime de moins pour les soins médicaux. MSF ne peut pas tout faire seule : d’autres acteurs doivent se mobiliser grâce à des moyens adéquats pour répondre à ces besoins toujours plus grands. »

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