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Nashwan est préparé pour son opération au centre de soins postopératoires de MSF dans l'est de Mossoul. Mai 2018. © MSF/Sacha Myers

Irak

Un an après le conflit à Mossoul, les blessés de guerre souffrent toujours de leurs traumatismes et de dépression

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La frustration et la douleur sont gravées sur le visage de Nashwan. Le fixateur externe qui maintient ses os cassés dépasse de sa jambe et le gêne. En mars 2017, un tireur embusqué lui a tiré dans le dos et la jambe alors que les combats éclataient à Mossoul entre le groupe État islamique (EI) et les forces irakiennes. Nashwan est originaire de l’ouest de Mossoul et lutte depuis plus d’un an afin de bénéficier de soins pour sa jambe. Il est actuellement soigné dans l’unité de soins post-opératoires de MSF à Mossoul-Est.

    «Je m’appelle Nashwan et je suis né en 1976. J’ai trois enfants et suis marié depuis quinze ans. J’ai un diplôme en technologie de l’information, mais après mes études, je n’ai pas trouvé de travail dans le secteur public, donc j’ai travaillé à mon compte. Puis je suis devenu chauffeur de taxi. Nous avions un train de vie agréable.

    Nous vivons toujours à Mossoul, dans la même maison et la même zone. Même aux heures les plus sombres du conflit, nous n’avons pas fui.

    Le 11 mars 2017, notre quartier a été repris au groupe État islamique. Deux jours plus tard, nous sommes sortis pour faire les courses, nous étions heureux. Mais les combats continuaient dans les quartiers alentour. Il y avait un grand bâtiment à proximité, au sommet duquel se trouvait un tireur embusqué. Il a commencé à nous prendre pour cible. Mon voisin a reçu une balle dans la tête et est mort. Mon frère a été blessé à la jambe. Le tireur m’a tiré dans le dos et la jambe.

    Les gens du quartier nous ont aidés et nous ont remis aux forces irakiennes. Les soldats ont vérifié nos papiers et nous ont amenés à l’hôpital de Hamam al-Alil (à trente kilomètres au sud de Mossoul). Sur place, les médecins m’ont examiné, puis envoyé à Qayyarah. À l’hôpital de Qayyarah, ils m’ont retiré la balle du dos, mais ils n’avaient pas les moyens de soigner ma jambe. Ils m’ont donc envoyé à Erbil.

    À Erbil, ils ont placé les fixateurs externes sur ma jambe et m’ont dit que j’allais me remettre, qu’il fallait juste être patient. Cinq jours plus tard, je suis retourné à l’est de Mossoul. Je vis à l’ouest, mais toutes les routes étaient toujours fermées ou détruites à cause des combats, donc ma famille m’a placé sur une brouette et m’a poussé jusqu’à la maison. Puis j’ai attendu que les bombardements cessent.

    Au cours des sept mois à la maison, la douleur a commencé à se faire de plus en plus vive dans ma jambe et dans la hanche, jusqu’à devenir insupportable. En octobre 2017, je me suis donc rendu à l’hôpital général de l’ouest de Mossoul. Ils ont fait une radio et des examens, et m’ont dit que je devais subir une opération importante. Mais ils n’avaient pas les moyens de la faire eux-mêmes.

    Par la suite, je suis allé voir un médecin privé. Il m’a dit qu’il s’agissait d’une opération majeure, et que cela me coûterait deux millions de dinars irakiens (1 411 euros). Ma situation économique était mauvaise à l’époque, et nous avions de jeunes enfants. Mes voisins se sont cotisés et ont récolté la somme nécessaire pour l’opération. Je suis allé dans un hôpital privé. Ils m’ont installé un fixateur externe.

    Après l’opération, je suis rentré six mois à la maison. J’avais toujours mal, et la douleur allait crescendo. Elle est devenue si insupportable que je ne pouvais plus me tenir debout. Mais je n’avais pas le moindre argent. La blessure a commencé à s’ouvrir et du liquide en est sorti. Je suis donc retourné à l’hôpital général.

    L’hôpital général m’a référé à la structure de soins post-opératoires de MSF, où je suis arrivé le 11 avril 2018. J’étais l’un des premiers patients. Depuis que je suis arrivé ici, j’ai subi trois opérations. Ils ont d’abord ouvert la plaie et l’ont nettoyée. Ils étaient inquiets du liquide qui s’en échappait, donc ils ont fait des examens. Ils ont fait un prélèvement dans la plaie et m’ont prescrit un certain type de médicament.

    Ma vie a vraiment été très difficile ces derniers temps. Cette blessure a eu un impact négatif sur ma vie, ma famille, la façon dont j’interagis avec mes enfants. Je ne peux pas jouer avec eux. Je ne peux pas travailler, donc nous n’avons plus de revenu. J'ai été très déprimé et ne voulais parler à personne. Même pour aller aux toilettes, j’ai besoin que quelqu’un m’accompagne. Et j’ai besoin de béquilles pour faire le moindre déplacement. Ce fut vraiment difficile pour moi. Mais heureusement, le plus dur est derrière moi maintenant que je suis ici.»

    Cela fait un an que le conflit a officiellement cessé à Mossoul. Mais la lutte pour reconstruire la ville et les vies des habitants, elle, est loin d’être terminée. De vastes zones de Mossoul, particulièrement à l’ouest, restent totalement décimées. Les mines et objets piégés parsèment encore les habitations et les structures de santé.

    Certaines personnes n’ont d’autre choix que de revenir à Mossoul et de vivre dans des habitations endommagées, souvent sans eau ni électricité. Les mauvaises conditions d’hygiène accroissent le risque de maladie, et les blessures traumatiques sont fréquentes, car les habitants tentent de reconstruire leurs maisons dans des conditions dangereuses.

    L’accès aux soins est une bataille au quotidien, avec neuf hôpitaux sur treize endommagés par le conflit. La reconstruction des structures de santé prend beaucoup de temps, il ne reste que cinq lits pour 10 000 habitants, ce qui est bien inférieur aux normes minimales internationales de soins de santé.

    Par conséquent, de nombreux blessés de guerre à Mossoul endurent des mois d’agonie avant de recevoir des soins. Souvent, ils ont reçu des soins chirurgicaux précipités sur ou derrière les lignes de front pour avoir la vie sauve, mais nécessitent maintenant des interventions chirurgicales supplémentaires, des analgésiques et des soins de kinésithérapie pour recouvrer l’usage de membres et de muscles endommagés, et éviter de perdre leur capacité de mouvement. De nombreux patients ont également besoin d’un soutien psychologique d’urgence car ils revivent des traumatismes passés et tentent de surmonter la perte de proches.

    MSF à Mossoul

    En 2017, MSF a travaillé à Mossoul et dans ses environs pour proposer des services de santé essentiels aux personnes affectées par la violence. Nous avons tenu plusieurs postes d’urgence dans l’est et l’ouest de Mossoul, et géré quatre hôpitaux proposant un ensemble de services, y compris des soins intensifs, chirurgicaux, maternels et d’urgence. Actuellement, MSF gère une maternité dans l’ouest de Mossoul, ainsi qu’une structure de soins chirurgicaux et post-opératoires pour les blessés de guerre dans l’est de Mossoul. En juillet, MSF a commencé à proposer des services en santé mentale dans des cliniques de soins primaires dans l’est et l’ouest de la ville.