Claire San Filippo, coordinatrice d’urgence pour Médecins Sans Frontières au Soudan et au Tchad, s'adresse à une cinquantaine de soutiens et sympathisants de MSF Luxembourg au sujet de la guerre au Soudan. La rencontre, organisée dans les locaux de MSF Luxembourg, marque la présentation du rapport d’activités 2024 de la section luxembourgeoise. Luxembourg, juin 2025. © Cristina Fernandez / MSF
Actualité

Soudan : « Depuis plus de deux ans de guerre, la situation humanitaire ne cesse d’empirer, souvent dans l’indifférence »

Le vendredi 27 juin 2025

En 1 clic, aidez-nous à diffuser cette information :

Claire San Filippo, coordinatrice d’urgence pour MSF au Soudan et au Tchad, était récemment au Luxembourg où elle a lancé un appel urgent aux autorités. Face à une réponse gravement insuffisante, elle a alerté sur l’ampleur dramatique de la crise humanitaire au Soudan, dénonçant le silence international qui entoure ce conflit dévastateur.

Cela a commencé en juin 2023. Pendant un mois, personne ne pouvait sortir de Murnei : si vous sortiez, vous étiez violée ou frappée. 

Ma sœur et moi nous sommes enfuies. Sur la route, deux hommes nous ont attaqués. Ils ont violé ma sœur. J’avais mon bébé dans les bras. Quelqu’un a menacé de le tuer avec son couteau. J’ai commencé à pleurer et je l’ai supplié de ne pas le tuer. Il m’a laissée partir. Mais ils ont violé ma sœur.  Elle avait 20 ans.

Quand nous sommes arrivées, nous n’avions pas de logement. Des hommes venaient la nuit pour violer des femmes et piller. Ils prenaient tout. La nuit, j’ai entendu des femmes se faire violer.

Les hommes [de notre ethnie] se cachaient dans les toilettes ou n’importe quel lieu qu’ils pouvaient fermer. Sinon ils se faisaient tuer.

Les femmes ne se cachaient pas parce qu’elles se faisait ‘juste’ violer ou frapper ».

Témoignage d'une femme soudanaise de 27 ans. 

 

C’est en partageant ce témoignage glaçant d’une jeune femme soudanaise de 27 ans que Claire San Filippo, coordinatrice d’urgence de Médecins Sans Frontières (MSF) pour le Soudan et le Tchad, a pris la parole devant une cinquantaine de soutiens et sympathisants de MSF Luxembourg. La rencontre, organisée le 17 juin dans les locaux de l’organisation, marquait la présentation du rapport d’activités 2024 de la section luxembourgeoise.

«  Les femmes ne se cachaient pas parce qu’elles se faisaient juste violer ou frapper.». « Juste », répétait-elle avec gravité. 

Je tiens à insister sur la cruauté sans nom que renferme cet adverbe. Le mot ‘‘juste’’, placé devant des actes aussi extrêmes, reflète l’indifférence glaçante face à des violences insoutenables. Être violée ou battue n’est jamais anodin, jamais marginal. ».

Une cinquantaine de soutiens et sympathisants de MSF ont participé dans le rencontre organisé par MSF Luxembourg, lors de la présentation du rapport d’activités 2024 de la section luxembourgeoise, et de la présentation de la situation humanitaire au Soudan fait par Claire San Filippo. Luxembourg, juin 2025. © Cristina Fernandez / MSF
Claire San Filippo, coordinatrice d’urgence pour Médecins Sans Frontières au Soudan et au Tchad, s'adresse à une cinquantaine de soutiens et sympathisants de MSF Luxembourg au sujet de la guerre au Soudan. La rencontre, organisée dans les locaux de MSF Luxembourg, marque la présentation du rapport d’activités 2024 de la section luxembourgeoise. Luxembourg, juin 2025. © Cristina Fernandez / MSF

Au cours de son intervention poignante, Claire San Filippo a dressé un constat alarmant de la crise humanitaire qui ravage le Soudan depuis plus de deux ans. Le conflit entre les Forces de soutien rapide (RSF) et les Forces armées soudanaises (SAF) continue de dévaster le pays, avec les civils comme principales victimes. 

Les lignes de front bougent, mais les civils restent pris au piège. Ils sont bombardés, assiégés, et vivent dans la peur constante de représailles », a-t-elle expliqué. 

Elle a rappelé les dizaines de milliers de morts, les attaques contre le personnel médical, et les plus de 80 incidents violents subis par MSF lors des deux premières années de la guerre visant ses équipes, structures ou convois. « Plus de 14 millions de personnes ont été déplacées, dont 10 millions à l’intérieur du pays », a-t-elle précisé, soulignant l’effondrement du système de santé et la dégradation continue des conditions de vie.

Claire San Filippo a également dénoncé le manque de réaction internationale : 

La réponse humanitaire est largement insuffisante, alors que 60 % de la population a besoin d’aide urgente et que des zones entières sont déjà touchées par la famine. ». 

Le risque d’isolement accru des communautés avec l’arrivée de la saison des pluies, combiné à la propagation d’épidémies et à la destruction des infrastructures médicales, rend la situation critique. 

« Il est impératif d’ouvrir davantage l’accès au sein du pays et transfrontalier, de réparer les routes, et surtout de lever les entraves administratives qui bloquent l’acheminement de l’aide », a-t-elle insisté. Elle a exhorté les Nations Unies, les États membres et les bailleurs à accroître leur engagement.  

Une cinquantaine de soutiens et sympathisants de MSF ont participé dans le rencontre organisé par MSF Luxembourg, lors de la présentation du rapport d’activités 2024 de la section luxembourgeoise, et de la présentation de la situation humanitaire au Soudan fait par Claire San Filippo. Luxembourg, juin 2025. © Cristina Fernandez / MSF
Claire San Filippo, coordinatrice d’urgence pour Médecins Sans Frontières au Soudan et au Tchad, s'adresse à une cinquantaine de soutiens et sympathisants de MSF Luxembourg au sujet de la guerre au Soudan. La rencontre, organisée dans les locaux de MSF Luxembourg, marque la présentation du rapport d’activités 2024 de la section luxembourgeoise. Luxembourg, juin 2025. © Cristina Fernandez / MSF

Face au silence international, MSF presse le Luxembourg d’agir

Dans ce contexte d’urgence extrême, Claire San Filippo a également été reçue par des représentants du gouvernement luxembourgeois pour un débrief officiel concernant la situation sur le terrain. Au nom de MSF et de la section luxembourgeoise, elle a présenté une analyse précise et inquiétante, appelant les autorités à sortir de leur silence relatif et à agir de manière résolue. 

Depuis plus de deux ans, le Soudan est ravagé par une guerre qui cible directement les civils : des dizaines de milliers de morts, des hôpitaux attaqués, des soignants tués, et des millions de déplacés. Pourtant, ce conflit reste largement ignoré à l’international », a-t-elle souligné.

Malgré des alertes répétées depuis 2023, ce n’est qu’en 2024 et 2025 que des échanges formels ont été possibles avec le gouvernement luxembourgeois — un retard symptomatique du manque de priorité accordée à cette crise sur la scène diplomatique.

Claire San Filippo a réaffirmé la gravité de la situation : « Plus de 13 millions de personnes sont déplacées, et 60 % de la population soudanaise a besoin d’une aide humanitaire urgente. Le système de santé est en ruine, les violences sexuelles sont utilisées comme arme de guerre, et des épidémies de choléra, de rougeole et de diphtérie se propagent sans frein. » 

Elle a exhorté le Luxembourg à prendre des mesures concrètes pour faciliter un accès humanitaire sans entraves, obtenir un cessez-le-feu, et porter cette urgence au sein des institutions européennes et onusiennes. 

Nous appelons le Luxembourg à user de son influence diplomatique pour faire pression sur les parties au conflit et leurs alliés, mais aussi à lever les blocages administratifs qui freinent l’arrivée de l’aide médicale vitale », a-t-elle insisté.

Elle a également souligné le rôle spécifique que peut jouer le Grand-Duché pour soutenir les interventions dans les zones les plus reculées, notamment au Darfour, où « les besoins sont immenses et les acteurs humanitaires trop peu nombreux ». 

Dans un contexte de réduction des financements internationaux, l’engagement politique et financier du Luxembourg pourrait, selon elle, avoir un impact significatif.

Enfin, Claire San Filippo a mis en garde contre le manque de visibilité accordée à cette crise humanitaire. Pour MSF, seule une mobilisation exceptionnelle pourra atténuer les conséquences catastrophiques de ce conflit oublié.

Nos actualités en lien