Les réfugiés de la République centrafricaine (RCA) dans le nord de la République démocratique du Congo (RDC) sont parfois invisibles. Depuis le milieu de l’année 2017, des dizaines de milliers de personnes ont fui un conflit brutal et se sont installées de l’autre côté de la rivière Oubangui, dans les districts congolais de Gbadolite et Mobayi-Mbongo. Le nombre actuel de réfugiés est d’environ 42 000, soit moins que les 67 000 dénombrés lors du principal afflux il y a quelques mois.
Beaucoup prennent encore soin de leurs propriétés et de leurs champs situés à peine à quelques kilomètres et y retournent périodiquement à la recherche de nourriture et de moyens de subsistance.
Il est difficile de les retrouver. Beaucoup prennent encore soin de leurs propriétés et de leurs champs situés à peine à quelques kilomètres et y retournent périodiquement à la recherche de nourriture et de moyens de subsistance. Ils sont constamment en mouvement, vivent dans l’incertitude en tant que réfugiés et rapatriés à temps partiel, sans pour autant bénéficier de l’un de ces statuts, et sont victimes de violence et de harcèlement de la part de différents protagonistes des deux côtés de la rivière.
Mêlés à la communauté locale
Certains ont réussi à se fondre dans les communautés locales ou à vivre à côté d'elles dans de petits villages et villes de l'autre côté de la frontière le long de la rivière congolaise. Ils ont construit leurs propres abris, généralement des huttes en bois. Cela leur permet de pêcher et de cultiver tout en restant proches de leur pays d’origine. Cependant, ils connaissent parfois des difficultés pour accéder aux ressources et aux services de base.
Les réfugiés centrafricains dans ces zones sont assez éloignés des camps où l’aide humanitaire des autorités de la République démocratique du Congo et du HCR est concentrée. Ils sont également plus difficiles à localiser pour les quelques organisations présentes dans une région reculée et où la logistique pose de grands défis - dans une crise qui, de surcroît, n’a pas attiré beaucoup d’attention.
Des traversées à risque
Beaucoup de réfugiés continuent à traverser périodiquement la frontière pour se rendre en République centrafricaine, même s’ils sont souvent confrontés à la violence de la part de groupes armés sur la route ou lorsqu’ils rentrent temporairement chez eux. Comme un réfugié nous l’a expliqué, des miliciens l’ont frappé avec une machette parce qu’il était rentré pour récolter du café. Les hommes armés soutenaient que le réfugié n’avait plus droit à cette récolte, puisqu’il avait choisi de vivre de l’autre côté de la rivière.
D’autres réfugiés racontent des histoires similaires sur leur périple de retour, mais aussi des conflits avec la population congolaise pour l’accès aux puits et aux sources ou lors de la division des récoltes de manioc qu’ils étaient autorisés à récolter au profit des deux communautés.
Une aide humanitaire dispersée
Mais nous avons pu constater, au cours des six derniers mois d’intervention, que les traversées sont devenues fréquentes.
Ces tensions quotidiennes, et surtout les retours risqués dans un lieu manifestement dangereux, seraient probablement moins fréquents si une aide humanitaire adéquate était apportée. Mais nous avons pu constater, au cours des six derniers mois d’intervention, que les traversées sont devenues fréquentes. Pendant ce temps, la crise n’a pas attiré grande attention.
Même s’il ne s’agit pas d’une urgence en termes de mortalité et de malnutrition infantile, nos équipes fixes et mobiles ont observé une prévalence élevée de maladies graves, les plus fréquentes étant le paludisme, la diarrhée et les infections respiratoires, un schéma classique dans les crises de déplacement. Nos équipes rencontrent des personnes très vulnérables qui ont besoin de soins dans un contexte où le système de santé et de services de base, déjà limité, a été saturé, affectant ainsi également la communauté d’accueil. Le manque de visibilité de cette crise et de connaissances sur cette population vulnérable nuit à la capacité de répondre à leurs besoins.
De mi-septembre 2017 à fin mars 2018, MSF a soutenu deux hôpitaux et neuf centres de santé dans les districts de Gbadolite et Mobayi-Mbongo dans le nord de la République démocratique du Congo, et a mis sur pied des cliniques mobiles pour venir en aide aux réfugiés centrafricains et à la communauté d’accueil.
Les équipes ont assuré plus de 38 600 consultations médicales, admis 3 970 patients, soigné près de 2 000 enfants de moins de cinq ans atteint de malnutrition et vacciné 20 000 enfants contre la rougeole dans le cadre d’une campagne de vaccination contre diverses maladies. Les équipes logistiques ont également contribué à améliorer les conditions d’eau et d’assainissement en construisant 13 puits et en réhabilitant d’autres sources d’eau.
Les activités MSF ont été transférées au ministère de la Santé après la formation de certains membres du personnel, MSF maintenant un système de surveillance dans la province de Nord-Ubangi pour intervenir en cas d’urgence.
Depuis mai 2017, MSF fournit également des soins médicaux dans le village de Ndu, à l'est de Gbadolite, à plus de 12 000 réfugiés de la ville de Bangassou en Afrique centrale. À la suite d’une attaque contre son personnel en novembre dernier, MSF a suspendu ses activités à Bangassou, mais continue d'offrir un soutien à distance aux réfugiés de la RCA à Ndu.