Alors que son état commence à s’améliorer, il accepte de nous raconter les évènements survenus le 8 mai à Alindao, quand la ville est rentrée dans une nouvelle spirale de violence, répétition de la guerre sanglante qui avait dévasté le pays en 2013 et 2014.
Il était 7 heures du matin et j'arrivais à l'abattoir où je travaille lorsque j'ai entendu plusieurs coups de feu. Après un moment, comme je constatais qu'ils ne s'arrêtaient pas, j'ai quitté mon poste pour m'enfuir vers la maison d'un ami chrétien [chrétien banda, l'ethnie la plus nombreuse de ce côté de la ville].
Ils allaient de maison en maison. D'abord, j’ai vu qu’ils ordonnaient aux femmes et aux enfants de sortir, de fuir dans la forêt, puis ils entraient pour tuer les hommes.
Je pensais m'y réfugier jusqu'à ce que les tirs cessent, mais très vite les musulmans qui soutiennent les peuhls ont commencé à frapper aux portes des bandas. Ils allaient de maison en maison. D'abord, j’ai vu qu’ils ordonnaient aux femmes et aux enfants de sortir, de fuir dans la forêt, puis ils entraient pour tuer les hommes.
Lorsqu'ils sont arrivés dans la maison où je me trouvais avec plusieurs autres, deux hommes ont commencé à tirer en ouvrant la porte. Je me suis accroupi et une balle m'a effleuré la tête. D'autres personnes présentes dans la maison furent abattues.
Je les connais tous très bien, ce sont des habitants d'Alindao. Alors que j'étais à terre pour me protéger des balles, l'un d'eux s'est approché, m'a soulevé la tête et m'a tranché la gorge avec un couteau.
Les assaillants étaient douze au total, mais seuls deux d'entre eux portaient des uniformes militaires. Je les connais tous très bien, ce sont des habitants d'Alindao. Alors que j'étais à terre pour me protéger des balles, l'un d'eux s'est approché, m'a soulevé la tête et m'a tranché la gorge avec un couteau. Je me croyais mort, mais il semble qu'une partie de ma gorge fut épargnée et j'ai pu continuer à respirer.
Ils sont partis après l'attaque, mais ils sont ensuite revenus pour continuer à tirer et pour fouiller les poches des cadavres, dont les miennes. J'ai fait le mort. J'avais perdu beaucoup de sang et mes yeux étaient fermés, mais lorsqu'ils sont partis, je les ai ouverts et j'ai vu qu'ils mettaient le feu à la maison.
J'ai fait le mort. J'avais perdu beaucoup de sang et mes yeux étaient fermés, mais lorsqu'ils sont partis, je les ai ouverts et j'ai vu qu'ils mettaient le feu à la maison.
J'ai alors réussi à me lever et à m'enfuir dans la forêt, laissant derrière moi les corps de mes amis. J'ai passé 48 heures dans la forêt avec d'autres échappés avant de trouver le courage de me rendre à l'église catholique d'Alindao où se trouvait la population chrétienne réfugiée. La Croix-Rouge Internationale (CIRI) s'est rendu sur les lieux pour transporter certains d'entre nous, les blessés les plus graves, à l'hôpital de Bambari.
Presque tous les membres de ma famille ont fui vers Bria, Bangui ou Bangassou en 2013. Cependant, ma femme et mes quatre petites filles sont encore à Alindao. Je sais que la Minusca [Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies] est intervenue quelques jours après les attentats pour assurer la protection des personnes réfugiées dans l'église catholique, mais une fois rétabli, je veux revenir à Alindao pour emmener ma famille ici, à Bambari.
Depuis la crise de 2014, Alindao n'avait jamais vécu de telles attaques, bien qu’elles n’aient surpris personne. Depuis l'arrivée de peuhls, la situation s'était détériorée suite aux affrontements entre ce groupe et les autorités musulmanes.
*Image principale : la mission catholique à Alindao, en République centrafricaine, accueillait 15 000 personnes qui ont fui les groupes d'autodéfense et l'UPC contrôlant la ville. © Lali Cambra/MSF