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On 24 August 2023, the MSF team on board the Geo Barents successfully carried out two rescue operations in the Libyan search and rescue region. In total, 168 people were rescued. MSF/ Stefan Pejovic

Tunisie

Tunisie : les rescapés du Geo Barents témoignent des violences qu’ils ont subies

Le 24 août 2023, l'équipe MSF à bord du Geo Barents a mené avec succès deux opérations de sauvetage dans la région libyenne de recherche et de sauvetage. Au total, 168 personnes ont été secourus. © MSF/ Stefan Pejovic
Témoignages 
Depuis février 2023 et les déclarations racistes du président Kaïs Saïed, de nombreuses violences ont été perpétrées en Tunisie contre les personnes exilées dont la situation a empiré en juillet, avec la mise en place d’expulsions et de transferts forcés massifs, notamment dans le désert. Conjointement, l’Union européenne signait un protocole d’accord avec la Tunisie, un « partenariat stratégique », prévoyant une enveloppe de 105 millions d'euros pour « la gestion des frontières, la recherche et le sauvetage, la lutte contre la contrebande et le retour ». Ce qui risque de dégrader encore la situation des personnes exilées.

    Bien que les équipes MSF ne soient pas opérationnelles en Tunisie, elles sont témoins des conséquences des violences qui touchent les personnes exilées dans ce pays. En effet, parmi les personnes recueillies cet été à bord du Geo Barents, le navire de recherche et de sauvetage de MSF, de nombreuses avaient pris la mer depuis les côtes tunisiennes.

    La veille de mon agression, le président tunisien a lancé un appel à la population à travers un discours public à la télévision et à la radio contre les Noirs africains. C’est à ce moment-là que tout a changé », explique Boniface. Un même changement ressenti par Fatima*, 32 ans : « Avant que le président ne parle, nos conditions de vie en Tunisie étaient déjà mauvaises. Quand il a parlé en disant que les Noirs devaient repartir, tout a empiré. »

    Certains faits de violence précèdent en effet février 2023, comme en témoigne Boniface :

    Après mon arrivée en Tunisie en octobre 2022, des hommes armés m'ont kidnappé et emmené sur un chantier de construction. Ils m'ont battu pendant 12 jours. J'ai été torturé avec une batte de baseball tandis que mes mains et mes pieds étaient attachés avec une longue corde. Ils ont tourné des vidéos et les ont envoyées à ma famille pour obtenir une rançon. »

    Politiques dangereuses

    Plusieurs rescapés ont témoigné d'expulsions violentes vers les pays frontaliers, la Libye et l'Algérie. « À Sfax, ils récupèrent les Noirs, avec ou sans papiers, et les envoient aux frontières avec l'Algérie », raconte Fatima. Un autre survivant a raconté comment lui et d’autres personnes avaient été envoyés dans le désert.

    La police tunisienne ne veut plus voir de Noirs. Ils nous détestent. Lorsqu’ils nous ont emmenés en Algérie, nous avons marché presque une semaine dans le désert. »

    On estime qu'au cours des six premiers mois de 2023, 56 % des personnes arrivant en Italie par la Méditerranée centrale ont embarqué en Tunisie, ce qui fait du pays la porte principale d’accès à l’Europe pour les personnes en recherche de sécurité, devant la Libye.

    Le récent protocole d’accord reproduit les dangereuses politiques migratoires de l’UE qui “incitent” de plus en plus les pays tiers à renforcer la dissuasion et le confinement des personnes tentant d’atteindre l’Europe, explique Juan Matias Gil, Représentant de MSF pour les opérations de recherche et de sauvetage. « La mise en place d’un tel accord systématiserait la violence contre les migrants en Tunisie et rendrait l’UE complice des sévices qu’ils subissent. Ces politiques migratoires irresponsables placent en dernier lieu le bien-être et les droits des exilés et les piègent dans des cycles de violence, d’abus et de désespoir. »

    * Les noms des rescapés ont été modifiés pour protéger leur identité.

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