République démocratique du Congo : Des milliers de victimes de violences sexuelles endémiques en manque critique de prise en charge
Année après année, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) sont les témoins directs de l'ampleur et de l'impact de la violence sexiste, y compris la violence sexuelle, en République démocratique du Congo (RDC). Les chiffres relevés sont vertigineux mais ne représentent que la partie émergée de l'iceberg : en 2020, près de 11 000 survivants de violences sexuelles ont été aidés par les équipes MSF dans six des 26 provinces de la RDC, soit environ 30 par jour. À Kananga, la capitale de la province du Kasaï-Central, 3 278 victimes ont été traitées pour des violences sexuelles dans un établissement soutenu par MSF, dont 641 enfants.
Face à l'ampleur du problème et de ses conséquences, MSF mène un projet à Kananga depuis 2019 afin de fournir des soins holistiques aux survivants de violences sexuelles. La clinique MSF hébergée par l'hôpital public de Kananga fournit des soins médicaux et psychologiques aux victimes, ainsi que des consultations de planning familial et des interruptions de grossesse.
En dépit de la dénonciation, nationale et internationale, des violences sexuelles en RDC, et malgré les efforts des 86 membres du personnel MSF travaillant sur le projet pour soutenir les survivants, les besoins de ces derniers sont loin d'être satisfaits.
La violence sexuelle : une horreur quotidienne pour des milliers de personnes
Si les combats et les offensives armées augmentent clairement le risque et le nombre d'agressions sexuelles, cette violence persiste en dehors du contexte militaire volatil, et survient à l’intérieur même des familles et des couples. La violence sexuelle est une urgence médicale qui nécessite une prise en charge thérapeutique et psychologique immédiate afin d’en limiter les conséquences pour les survivants.
En plus des impacts physiques et psychologiques immédiats, les personnes traitées par MSF soulignent que cette violence a des conséquences à long terme - parfois pour toute une vie - en raison notamment de la stigmatisation sociale, de l'exclusion et de la perte de moyens de subsistance subies par de nombreuses victimes.
Malheureusement, les soins d'urgence et à long terme pour les personnes ayant subi des violences sexuelles restent largement indisponibles en RDC.
MSF estime que des programmes dispensant de tels soins doivent être mis en place dès que possible, avec un financement important et continu, pour accompagner les survivants jusqu'à leur rétablissement complet sur le plan médical, psychologique et socio-économique.
« J’étais à la maison avec mon mari ce jour-là. C’était pendant le conflit et les affrontements. Nous avons entendu des cris de dehors et les voisins qui pleuraient. Mon mari m’a dit : " je crois qu’ils ont tué quelqu’un ". Nous nous sommes alors enfermés dans la maison et n’avons pas voulu ouvrir la porte. Des hommes armés ont lancé du gaz lacrymogène par la fenêtre pour nous obliger à ouvrir. Huit personnes sont entrées dans la maison. Ils ont menacé de mort mon mari et l’ont obligé à violer notre fille de 17 ans. Il a refusé et ils l’ont tué. Ensuite, ils ont violé notre fille, et moi aussi.
Quand ils sont partis, je suis partie dans la forêt, à côté du village, avec mes enfants. Je ne dormais pas et ne mangeais pas. Pendant un an, avant que je ne vienne à la clinique, j’étais très angoissée à la pensée d’avoir peut être contracté le VIH.
Mais quand j’ai dû rentrer à Kananga – mon père était très malade et j’ai donc décidé de m’y rendre avec mes enfants. Je suis allée voir MSF à l'hôpital où ils s'occupent des victimes de violences sexuelles. Ils m'ont examinée et m'ont dit que je n'avais pas le VIH. »Cécile, Kasaï Central
Une réponse globale aux besoins des survivants
En 2020, alors qu'une moyenne de 270 survivants recevait des soins dans la clinique MSF de Kananga, l'équipe MSF a progressivement lancé la décentralisation des soins vers quatre centres de santé dans la région de Kananga et Bobozo, couvrant une population cible de plus de 346 000 personnes.
En 2021, l'accès aux soins contre les violences sexuelles est resté au cœur de l'intervention de MSF pour les populations hôtes et déplacées de la province du Kasaï central. La décentralisation des soins médicaux pour les victimes de violences sexuelles s’est quant à elle poursuivie.
Celle-ci permet désormais d’apporter un ensemble de soins en santé sexuelle, des consultations de planning familial et la possibilité d’interruptions de grossesse dans cinq centres de santé soutenus par MSF. En ce qui concerne la promotion de la santé, MSF a continué à renforcer sa présence au niveau communautaire et à impliquer activement la population locale. En outre, MSF a fourni des soins de santé mentale au sein des cliniques et a formé le personnel à la mise en place d'un soutien en santé mentale dans les centres de santé soutenus.
Avec un budget de 1 649 130 €, l'objectif pour 2022 est d'impliquer d'autres acteurs pour un éventuel passage de relais aux niveaux provincial et national, mais aussi de diminuer la violence sexiste et de garantir un accès sûr aux consultations d'interruption de grossesse et de planning familial pour les femmes.
Plus d'informations : rapport MSF de 2021 “Sexual violence in DRC. The critical need for a comprehensive response to address the needs of survivors” (uniquement en anglais).
