Derrière l’armure : le bien-être des hommes à l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale
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C’est un homme fatigué à qui l’on demande d’être fort, toujours – de tenir bon et de résister. Il a appris que la fatigue, les larmes et la peur ne sont pas pour lui, qu’il ne doit jamais fléchir, quel que soit le poids du fardeau. En apparence, il semble solide ; à l’intérieur, il porte des blessures invisibles. Dans un moment de silence, au bord de l’effondrement, il ravale son cri, car la même question le hante sans cesse : « Que vont dire les gens ? »
La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord fait face à certaines des crises les plus longues et les plus complexes au monde. De la Palestine au Soudan, en passant par la Syrie, le Yémen et le Liban, les populations ont subi guerres, occupations, effondrement économique et déplacements forcés. Des générations entières vivent sous une pression constante et dans l’incertitude.
Munir Mohamed Abdel Fattah Al-Kilani, l’un de nos patients originaires de Gaza et aujourd’hui installé à Amman, confie : « Après la guerre que nous avons vécue, chaque Palestinien a besoin d’un soutien psychologique – de quelqu’un qui écoute et aide à sensibiliser. »
Les besoins et réalités des hommes dans les contextes de conflit et de crise sont souvent négligés. Rayan Badawi Najjar, superviseur en santé mentale pour le projet MSF de Tripoli, au Liban, explique :
« La société attend d’un homme qu’il soit fort et courageux, qu’il ne pleure pas, ne s’exprime pas et ne demande pas d’aide. De nombreux hommes dans notre région subissent des pressions extrêmes : violence directe, déplacement, chômage, détention, torture et perte de leur rôle de protecteurs et pourvoyeurs. »
Samer*, un jeune homme vivant dans le nord du Liban, a vécu personnellement plusieurs de ces épreuves :
« Mon enfance a été tragique. J’ai eu un accident et perdu ma main. À l’école, je me sentais discriminé et j’ai fini par abandonner, mais je n’ai pas renoncé. J’ai travaillé et fondé une famille. Avec la crise économique, j’ai tout perdu, et l’anxiété a commencé à me ronger. Quand ma fille est tombée malade et que la peur m’a submergé, je me suis effondré. »
Des expériences difficiles comme celle de Samer peuvent entraîner des troubles psychiques tels que la dépression, le stress post-traumatique, la dépendance ou l’agressivité. Dans le projet MSF de Tripoli, Badawi Najjar a observé une tendance préoccupante : les cas de psychose étaient bien plus fréquents chez les hommes (9,5 %) que chez les femmes (1,5 %). Plus alarmant encore, 18 % des hommes ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires ou souhaité mourir, contre 13 % des femmes.
Pourtant, même ces chiffres n’ont pas suffi à briser les barrières qui empêchent les hommes de demander de l’aide. Saddam Mohammed, superviseur en santé mentale de MSF au Darfour central, au Soudan, explique :
« Nous avons constaté que l’une des principales raisons pour lesquelles les hommes évitent les services de santé mentale est la stigmatisation entourant les troubles psychiques, ainsi qu’un manque de sensibilisation. Dans la société, demander de l’aide est perçu comme un signe de faiblesse ou un défaut. »
L’espoir dans la guérison : parcours personnels à travers la thérapie
Samer, cependant, a décidé qu’il avait besoin d’aide : « Dès la deuxième séance, j’ai commencé à ressentir un changement et j’attendais les suivantes avec impatience. »
D’autres hommes brisent eux aussi le cycle. Emad Murad, 45 ans, originaire de Miryata, dans le nord du Liban, a choisi d’affronter les préjugés qui l’avaient freiné pendant des années :
« Il n’y a aucune honte à consulter pour sa santé mentale, et cela ne porte pas atteinte à ma dignité. C’est un traitement aussi important qu’un soin pour le cœur ou le diabète. »
La santé mentale étant au cœur de l'action de MSF, Emad s’est tourné vers l’une de nos cliniques pour obtenir du soutien. MSF fournit des soins de santé mentale aux personnes les plus vulnérables : celles affectées par les conflits et la violence, les personnes réfugiées ou les communautés frappées par la crise économique. Du Liban à Gaza, du Soudan au Yémen, MSF propose un accompagnement psychologique individuel et collectif, lutte contre la stigmatisation, et encourage chacun à demander de l’aide sans crainte ni honte.
« Il n’y a aucune honte à demander de l’aide, ni à suivre une thérapie », affirme Mohammed Abakar Ahmed, un trentenaire soudanais. « Après avoir commencé le traitement, j’ai ressenti un grand changement. Avant, je me négligeais et je détestais travailler ; aujourd’hui, je me sens plein d’énergie et j’aime mon travail », ajoute-t-il.
L’impact des soins en santé mentale dépasse souvent l’individu et touche aussi les familles et les communautés. Emad a encouragé les siens :
« Comme mon expérience a été positive, j’ai amené mes enfants et mon frère rencontrer l’équipe de santé mentale de MSF. » Samer exhorte « tous les hommes à demander de l’aide psychologique, car la honte ne réside pas dans le fait de se faire soigner, mais d’attendre l’effondrement pour le faire. »
*Prénom modifié pour préserver l’anonymat