MSF Luxembourg témoigne de la déshumanisation et de la brutalité des politiques migratoires en Europe
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Le 30 mai dernier, à l'occasion de la présentation de son nouveau rapport sur l’impact des politiques migratoires européennes, la section luxembourgeoise de Médecins Sans Frontières (MSF) a organisé une table ronde en présence des représentants des partis politiques luxembourgeois au Parlement européen au Cercle Cité de Luxembourg.
Le témoignage de MSF
En présence de plus d’une centaine de participants, Umberto Pellecchia, anthropologue et spécialiste des questions migratoires au sein de l’unité luxembourgeoise de Recherche Opérationnelle MSF LuxOR, a présenté les conclusions et recommandations du nouveau rapport de MSF « Mort, désespoir et misère : le coût humain des politiques migratoires de l'UE ».
Le document, qui a été présenté au Parlement européen le 10 avril dernier, détaille ce que les équipes MSF ont observé directement au cours de leurs opérations médicales humanitaires dans 12 pays d'Europe, d'Afrique et de Méditerranée centrale entre août 2021 et septembre 2023. Le rapport comprend également des données provenant de plus de 28 000 consultations médicales d'urgence, ainsi que des témoignages de patients et d'équipes médicales.
Le rapport montre comment les personnes migrantes et réfugiées, parmi lesquelles des milliers de patients de MSF, ont été confrontées à des formes récurrentes de préjudices, démontrant l'intention de l'UE de piéger, bloquer, détenir et de priver de sécurité ces populations.
Ce qui se passe là, aux frontières de notre Union européenne, est trop peu médiatisé. C’est pourquoi nous avons écrit ce rapport qui recueille les nombreux témoignages des enfants, des femmes et des hommes que nous soignons dans leur corps et dans leur esprit, eux qui ont trop souvent traversé l’enfer.
Notre objectif est de témoigner de cette réalité, de la montrer dans son horrible vérité, afin que chacun puisse savoir ce qu’il se passe en son nom, aux portes de l'Europe.
Ce témoignage, c’est un pilier central de notre organisation. », rappelait le Directeur général de MSF Luxembourg, Thomas Kauffmann, lors de l’évènement.
Les participants à la table ronde ont pu également entendre le message du Dr. Christos Christou, Président international de MSF, aux dirigeants de l'UE sur la question migratoire. Cet appel, lancé en février dernier, faisait écho à sa visite sur le Geo Barents, le bateau de recherche et sauvetage de MSF en Méditerranée.
La table ronde sur la question migratoire en Europe
Cinq représentants des partis luxembourgeois au Parlement européen ont ensuite participé aux discussions, animées par Patrick Bartz, journaliste luxembourgeois : Marc Angel (LSAP), Nancy Braun (DP), Tilly Metz (Déi Gréng), Monica Semedo (Fokus) and Isabel Wiseler-Lima (CSV).
Chacun d’entre eux s’est exprimé autour des aspects concrets liés aux politiques migratoires qui ont fait partie de leurs domaines de travail pendant ce cycle législatif, à travers des questions liées aux quatre chapitres du rapport :
- La question des accords avec les pays non membres de l’UE et l’externalisation des politiques de sauvetage ;
- La problématique de non-assistance et de violence aux frontières de l’UE, aux points de passage ;
- La détention des migrants dans des camps tels que celui de Samos et Lesbos lors de leur arrivée ;
- Ou encore les conditions de vie des migrants sur le sol européen, notamment concernant l’accès aux soins ou aux droits fondamentaux.
Comme vous le savez, MSF est une organisation neutre, indépendante et impartiale. Nous sommes une organisation médicale dont le seul but est de sauver des vies et d’alléger les souffrances partout où cela est possible, en prenant le seul parti de l’humanité. Aussi, nous souhaitions entendre les eurodéputés ou leur représentant s’exprimer sur les sujets couverts par le rapport et les écouter sans méfiance, défiance ni connivence », rappelait Thomas Kauffmann.
L'Europe comme scénario humanitaire
Un moment particulièrement émouvant de la soirée a été le témoignage d'un membre du public décrivant son expérience en tant que migrant Camerounais au Luxembourg, ainsi que le témoignage d'Umberto Pellecchia, qui rappelait le temps pas si lointain où l’action de MSF n’était pas nécessaire en Europe :
Je me souviens d'une mission au Soudan du Sud en 2013, dans un grand camp de réfugiés au nord-est. Doro Camp, un camp de 60.000 réfugiés, une énorme crise humanitaire. Un jour, j'ai accompagné une femme avec son enfant mal nourri à la clinique, et après que les collègues les aient pris en charge, j'ai échangé quelques mots avec son mari. L'homme était très gentil et intéressé par notre travail, au point de me demander, à un moment donné, si MSF travaillait aussi en Europe avec des projets médicaux. J'ai répondu que non, qu’il n'y avait pas de projets de MSF en Europe.
En parlant de la crise migratoire dans nos pays et en repensant à ce que m'a demandé cet homme au Soudan du Sud, il est frappant de penser que, oui, MSF a des projets en Europe, parce que l'Europe est aujourd’hui devenue un scénario humanitaire ».