Gaza : des afflux massifs de blessés « sans fin » à l’hôpital Nasser
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En juillet, les équipes de Médecins Sans Frontières qui travaillent à l’hôpital Nasser, à Khan Younès, ont pris en charge plusieurs afflux massifs de blessés, à la suite de frappes aériennes israéliennes sur des zones densément peuplées dans le sud de Gaza. Javid Abdelmoneim, responsable de l’équipe médicale MSF, revient sur la prise en charge de centaines de blessés de guerre, en seulement quelques semaines, dans le dernier hôpital encore fonctionnel du sud de Gaza.
Suite à ce témoignage, le 22 juillet, après de nouvelles attaques sanglantes à Khan Younis, l'hôpital Nasser, dans le sud de la bande de Gaza, a de nouveau été submergé par plus d'une centaine de patients blessés, selon le ministère de la santé. L'hôpital est soumis à une pression énorme alors que les meurtres, les blessures et les mutilations se poursuivent sans relâche dans le sud de la bande de Gaza.
Lors de ces afflux massifs de blessés, on est là au milieu d’une mare de sang, au milieu d’une foule de personnes, il y a plein de bruits, et l’odeur du sang est omniprésente. Beaucoup de personnes essaient d'entrer aux urgences, tandis que les agents de sécurité font de leur mieux pour empêcher les proches d'entrer aussi, afin de ne pas surcharger l'hôpital.
À l'hôpital Nasser, nous prodiguons des soins chirurgicaux et de traumatologie et nous prenons en charge les grands brûlés. Le samedi 13 juillet, nous avons reçu des centaines de blessés et de morts, à la suite d’une frappe de l’armée israélienne. L'attaque a eu lieu dans une zone où les forces israéliennes avaient à plusieurs reprises conseillé aux personnes déplacées de se rendre. Nous avons compris que quelque chose de grave était arrivé à cause des énormes explosions qui se sont produites tout près de l'hôpital. Presque immédiatement après, nous avons entendu les ambulances.
Le chaos s'est rapidement installé dans l'hôpital. Notre équipe est allée aux urgences. L'un des patients, une enfant de trois ans, était blessée. Ses parents se tenaient juste à côté d'elle, inquiets car elle me regardait droit dans les yeux. Je me suis dit qu’elle allait bien parce qu’elle respirait et qu’elle me regardait. Mais lorsque j’ai enlevé son pansement, je me suis rendu compte qu’on pouvait voir l’os de sa cuisse gauche.
Quelques secondes plus tard, les portes se sont ouvertes avec fracas. Quatre ou cinq blessés sont entrés, dont certains étaient des secouristes. Parmi les blessés, il y avait un garçon qui ne respirait plus. Nous avons essayé de le réanimer, à ce moment-là l'infirmière nous a regardés et nous a demandé pourquoi nous nous occupions de lui alors que nous pouvions sauver d’autres vies.
Personne n'a eu le courage de déclarer le décès et de passer à la personne suivante. C'était l'enfant de quelqu'un. Mais nous devions passer au suivant, puis à un autre, et cela a continué pendant quatre heures et demie.
Aux urgences, il y avait du sang et des patients partout sur le sol, parce qu’il n’y avait plus de lits disponibles. De plus en plus de blessés continuaient d’arriver. Notre collègue anesthésiste était aussi aux urgences. Je lui ai demandé ce qu'il faisait là et pourquoi il n'était pas au bloc opératoire. « Je viens d'apprendre que ma maison a été détruite et que mes filles et mon neveu sont ici quelque part », m'a-t-il répondu. Plus tard, nous avons appris que son neveu avait été tué.
Nos collègues sont tous directement touchés par la violence et les déplacements. Quatre jours plus tard, nous avons dû faire face à un nouvel afflux massif de blessés. Cela semble sans fin. Le personnel médical palestinien est toujours là, tentant d'arrêter les hémorragies, de réparer les bras cassés, de fournir des soins chirurgicaux, mais nous continuons à perdre des patients. Cela fait neuf mois qu'ils vivent ça, qu'ils travaillent tout en apprenant que des personnes qui leur sont chères ont été tuées. Personne n'est en sécurité à Gaza.