Femmes et enfants à l’hôpital MSF de Metche, dans l’est du Tchad, le 7 août 2024. Le camp de Metche accueille environ 40 000 réfugiés soudanais qui ont fui les violences au Darfour. Finbarr O’Reilly/VII Photo.
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Est du Tchad : « À un moment donné, tous les habitants du camp de réfugiés de Metche ont participé à la construction de l'hôpital »

Le mardi 27 août 2024

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Plus d'un demi-million de réfugiés soudanais se sont installés dans l'est du Tchad depuis le début de la guerre en avril 20231. Myriam Laroussi, coordinatrice de projet pour Médecins Sans Frontières (MSF), partage son point de vue sur la situation critique de ces populations, après avoir achevé une mission de sept mois à Metche, l'un des nombreux camps de la région.

Metche est une petite région isolée située au sud de la ville frontalière d'Adré, où la plupart des réfugiés s'installent d'abord. Il faut deux heures pour s'y rendre à partir d'Adré, sur un terrain très accidenté. Il n'y avait que quelques villages avant la création du camp de réfugiés à la fin de l'année 2023. C'était comme pointer un doigt au milieu du désert et dire « allons-y ». 

C'est une région où les températures sont extrêmes, allant jusqu'à 50 degrés le jour et où les nuits sont froides. Pendant les tempêtes, le vent vous fait manger du sable jour et nuit ; et la saison des pluies, comme c'est le cas actuellement, apporte des pluies diluviennes. 

Myriam Laroussi, coordinatrice de projet au camp de réfugiés soudanais de Metche, à l'est du Tchad

Environ 50 000 réfugiés vivent ici aujourd'hui. Lorsque MSF a commencé à travailler à Metche l'année dernière, nous avons d'abord improvisé une clinique avec des tentes pour les consultations de base. Au fur et à mesure de l'arrivée des réfugiés, nous avons créé un hôpital à partir de zéro. Nous avons mis en place un système de drainage, construit des plateformes en béton pour installer des tentes plus résistantes, fait les travaux d'électricité...

C'était un défi : souvent, beaucoup de choses ne fonctionnaient pas comme nous l'avions prévu et l'acheminement des fournitures exigeait beaucoup de planification logistique parce que les routes ne permettaient pas un passage facile. Nous avons continué à avancer et nous avons beaucoup appris en peu de temps. À un moment donné, tous les habitants du camp de réfugiés de Metche ont participé à la construction de l'hôpital, y compris les milliers de travailleurs journaliers et les plus de 500 membres du personnel local et international de MSF. 

Nous gérons toutes les activités hospitalières classiques : du triage à la salle d'urgence et à l'observation, en passant par la pédiatrie, la néonatologie, la médecine interne, la maternité, un laboratoire et un centre d'alimentation thérapeutique pour patients hospitalisés, qui est actuellement le service le plus actif de tous et qui ne cesse d'enregistrer de nouvelles admissions d'enfants souffrant de malnutrition. En août, nous avons ouvert le bloc opératoire et commencé les activités chirurgicales.

Vue générale de l’hôpital MSF (à gauche) et du camp de réfugiés de Metche, dans l’est du Tchad, le 7 août 2024. Le camp de Metche accueille environ 40 000 réfugiés soudanais qui ont fui les violences au Darfour. Finbarr O’Reilly/VII Photo.

Arrivées tardives, manque d'eau et souvenirs difficiles 

Cet hôpital de 115 lits est le principal centre de soins secondaires pour environ 200 000 personnes, y compris les réfugiés de Metche et les communautés locales, ainsi que les personnes des camps voisins tels qu'Allacha et Arkoum.

Cependant, l'accès à l'établissement s'avère difficile en raison d'un système de transfert déficient. En effet, il n'y a que trois ambulances disponibles pour l'ensemble de la province du Ouaddaï, ce qui fait que certains patients arrivent avec du retard, voire meurent avant d'arriver à l'hôpital. C'est pourquoi le travail de proximité avec les communautés a été crucial. Grâce aux activités de promotion de la santé et de santé mentale, nous avons pu mieux comprendre les besoins de la population. Au début de l'intervention d'urgence, nous avons transporté beaucoup d'eau par camion, bien que d'autres partenaires aient commencé plus tard à construire un réseau d'eau. Néanmoins, les réfugiés reçoivent au maximum 14 litres d'eau potable par personne et par jour, ce qui est bien inférieur à la norme minimale dans une situation d'urgence, considérée comme étant de 20 litres.

Les gens passent des heures à essayer d'obtenir de l'eau, les membres de la famille se séparant pour aller en chercher à différents points d'eau. Je me souviens d'un patient, un jeune homme de 22 ans qui était accompagné de sa famille. C'était un homme très grand et très fort, en bonne santé, mais il a contracté l'hépatite E et est décédé quelques jours après son arrivée à l'hôpital. C'était totalement inattendu. Nous avons vu des cas plus difficiles, mais son état s'est détérioré rapidement. Je me suis dit : « La vie peut être dure. Il a survécu au pire pendant la guerre et il est mort après avoir bu de l'eau sale »

Les réfugiés de Metche arrivent principalement après avoir fui El Geneina [capitale de l'État du Darfour occidental], une ville frappée par certaines des pires violences de la guerre, notamment des attaques à motivation ethnique contre les communautés Masalit par les Forces de soutien rapide et les milices alliées. Nombre d'entre eux sont originaires d'autres régions du Darfour et ont subi des déplacements forcés répétés au fil des ans, alors que cette région soudanaise est en proie à des conflits depuis le début des années 2000.

La majorité d'entre eux sont des femmes et des enfants, et presque toutes les familles ont perdu quelqu'un. Parmi eux, on trouve des professionnels qualifiés qui n'ont plus d'emploi, des mères qui luttent pour nourrir leurs enfants, et des enfants orphelins livrés à eux-mêmes. 

Les gens font tout ce qu'ils peuvent pour compenser ce que l'aide humanitaire n'apporte pas. Certains vendent de petites choses. D'autres ont mis en place des activités bénévoles comme la musique, le théâtre et des écoles informelles dans les camps. Malgré toutes les difficultés, les enfants restent des enfants et on les voit s’amuser avec des jouets qu’ils ont eux-mêmes créé. Certains réfugiés ont commencé à retourner brièvement au Soudan, principalement à El Geneina et dans les villes voisines pour l'instant, afin de prendre des nouvelles des membres de leur famille restés là-bas, de collecter des objets ou de gagner un peu d'argent, mais ils reviennent ensuite dans le camp.

Une agent d'entretien travaille après la pluie à l’hôpital MSF de Metche, dans l’est du Tchad, le 7 août 2024. Le camp de Metche accueille environ 40 000 réfugiés soudanais qui ont fui les violences au Darfour. Finbarr O’Reilly/VII Photo.

Une aide beaucoup plus importante est nécessaire 

La résilience de ces personnes est incroyable, tout comme l'urgence de leurs besoins. En tant qu'une des principales organisations travaillant à Metche, MSF est souvent perçue comme « la mère qui se bat pour eux », et nous faisons tout ce que nous pouvons, ici et dans les autres camps, mais il y a encore beaucoup à faire et, alors que la guerre se poursuit sans relâche, les gens continuent d'arriver du Soudan. 

Les autorités tchadiennes ont fait un travail formidable en accueillant tant de personnes sur leur territoire. Au-delà de ce geste, la réalité est que personne ne se soucie vraiment de cette crise dans l'est du Tchad. De nombreux réfugiés sont contraints de ne prendre qu'un seul repas par jour, ils manquent d'abris adéquats, d'eau propre et n'ont pas de latrines en nombre suffisant. Malheureusement, la réponse reste bien en deçà de ce qui est nécessaire. Si aucune mesure n'est prise pour financer et accroître l'aide humanitaire, la crise s'aggravera encore, exposant les réfugiés à de nouvelles souffrances.

Entre le début des activités de l'hôpital en septembre 2023 et juillet 2024, les équipes de MSF à Metche ont assuré 5 530 consultations aux urgences, admis 2 282 personnes en hospitalisation, traité 692 enfants souffrant de malnutrition aiguë et assisté 322 accouchements.

(1) Depuis avril 2023, plus de 784 000 personnes ont traversé la frontière vers le Tchad, notamment des réfugiés soudanais et des rapatriés tchadiens (HCR, 23 juin). Avant le conflit actuel, le Tchad accueillait déjà plus de 400 000 réfugiés soudanais.

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