Camp de réfugiés d'Iridimi près d'iriba, Tchad oriental. ©Jean-Marc Giboux
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Apporter l'eau et l'espoir : un mois d'action humanitaire à Korobo

Le mercredi 27 novembre 2024

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La région de Wadi Fira, qui comprend les départements de Kobe et de Dar Tama, a longtemps servi de refuge aux personnes déplacées. Depuis le début des années 2000, elle a accueilli des milliers de réfugiés dans cinq camps : Iridimi, Am Nabak et Touloum à Kobe, et Mile et Kounoungou à Dar Tama.

Depuis avril 2023, plus de 80 000 personnes fuyant les violences au Soudan ont traversé le Wadi Fira, ce qui a accru la pression sur ces camps et les communautés d'accueil environnantes, notamment en ce qui concerne l'accès à l'eau potable. En mai 2024, la disponibilité de l'eau dans les camps de Kobe était parfois tombée en dessous des normes d'urgence de 7,5 à 15 litres par personne et par jour, soulignant le besoin critique d'interventions immédiates dans le domaine de l'eau.

Roland Couprie © MSF

Roland Couprie, résident luxembourgeois, travaille actuellement avec Médecins Sans Frontières (MSF) au Tchad en tant que chef d'équipe WASH (Water, Sanitation, and Hygiene) à Wadi Fira, près de la frontière soudanaise. Au cours de sa mission de deux mois, qui a débuté en octobre 2024, Roland a mis en œuvre des solutions d'approvisionnement en eau dans des camps de réfugiés pour aider ceux qui fuient la violence actuelle au Soudan.

Voici le récit de Roland sur une journée de travail le long de la frontière entre le Tchad et le  Soudan :

Notre activité WASH a commencé il y a un mois autour du village de Korobo, à la frontière soudanaise du Darfour, pour une population de 2 000 et 5 000 personnes réfugiées, qui a fui les combats et ne peut pas retourner chez elle.

L'une des difficultés de ce projet réside dans le fait que cette population ne peut pas aller dans les camps de réfugiés du UNHCR car ils ont des troupeaux à entretenir et des récoltes à faire dans les semaines à venir. 

Ils n’ont donc accès ni aux abris, ni à la nourriture, ni à l’eau.

Base MSF à Guereda. Novembre, 2024. Wadi Fira, Tchad. © Roland Couprie/ MSF

Nous séjournons dans une nouvelle base MSF située dans la ville de Guereda à environ une heure à l’Ouest de la frontière soudanaise. Pour le moment nous ne sommes que deux staffs internationaux sur place pour l’ouverture de la mission. La coordination du projet et le reste de l’équipe (Coordination du projet, Administration, Médical, Promotion à la Santé…) sont basés à Iriba et doivent rejoindre la nouvelle base d’ici la fin du mois de novembre. En attendant, ils viennent travailler sur le secteur pendant la semaine. 

Une journée type : réveil le matin aux alentours de 5h30, le temps de préparer la journée et le matériel. Nos deux chauffeurs arrivent à 6h30 pour un départ sur le terrain à 7h00. Le petit déjeuner et le déjeuner consisteront en une galette de pain et une boite de sardines mangées sur la route pour économiser du temps.

Nous voyageons généralement en convoi avec les équipes de la clinique mobile pour des raisons de sécurité et surtout en cas de panne ou d’enlisement dans le sable.

Convoi MSF de cliniques mobiles et Watsan. Novembre, 2024. Wadi Fira, Tchad. © Roland Couprie/ MSF

Il nous faut environ 2h30 pour rejoindre les sites du projet Watsan situées en bordure de la frontière soudanaise. 

La principale activité se situe donc à Korobo où les réfugiés et leur bétail n’ont qu’un seul puits comme accès à l’eau. La quantité d’eau n’est pas du tout suffisante pour toute la population et elle est dangereusement contaminée à cause de la présence de nombreux animaux à proximité du puits et du fait de l’infiltration des eaux stagnantes dans lesquelles la population patauge, pieds nus.

Forage d’eau a Korobo. Novembre, 2024. Wadi Fira, Tchad. © Roland Couprie/ MSF
À l'arrivée de l'équipe MSF, voici l'aspect de l'eau de boisson disponible à Korobo. Novembre, 2024. Wadi Fira, Tchad. © Roland Couprie/ MSF
À l'arrivée de l'équipe MSF, voici l'aspect de l'eau de boisson disponible à Korobo. Novembre, 2024. Wadi Fira, Tchad. © Roland Couprie/ MSF

Depuis un mois, notre travail consiste donc d’une part à augmenter la quantité d’eau disponible pour les réfugiés et leur bétail ainsi que pour la population locale ; d’autre part à optimiser au maximum sa qualité pour la rendre potable. 

Puits de Korobo quand l'équipe MSF de Roland est arrivée. Novembre, 2024. Wadi Fira, Tchad. © Roland Couprie/ MSF
Réservoir souple de 6 m3 approvisionnée par le forage, permettant la distribution de l’eau. Novembre, 2024. Wadi Fira, Tchad. © Roland Couprie/ MSF

Dans un premier temps, nous avons réalisé en urgence deux forages et installé deux réservoirs de distribution d’eau. En parallèle nous avons organisé une distribution d’eau avec 4 pickups pour un approvisionnement des zones de réfugiés plus éloignées et/ou sans ressources pour aller chercher de l’eau (âne, cheval).

Distribution d’eau avec les pickups MSF équipés de cuves de 1 m3. Wadi Fira, Tchad. Novembre, 2024 © Roland Couprie/ MSF
Distribution d’eau avec les pickups MSF équipés de cuves de 1 m3. Novembre, 2024. Wadi Fira, Tchad. © Roland Couprie/ MSF

Dans un second temps, nous avons réhabilité et sécurisé le puits. Nous avons également construit un abreuvoir pour que les animaux puissent boire sans engendrer de contamination.

Le même puits après sa réhabilitation et la construction d’un abreuvoir pour les animaux. Novembre, 2024. Wadi Fira, Tchad. © Roland Couprie/ MSF

La dernière phase a été de désinfecter les bidons et de traiter l’eau produite pour garantir sa potabilité et ainsi faire diminuer le nombre de maladies hydriques, spécialement les diarrhées et les diarrhées sévères chez les enfants.

Pour cela nous avons formé 8 personnes qui sont chargées de chlorer l’eau des cuves dans les pickups de distribution et de faire une chloration directement dans les bidons des réfugiés. En effet, nous ne pouvons pas faire une chloration massive dans les réservoirs car 60 % de l’eau produite est consommée par le bétail et ne doit pas être chlorée. 

Formation de l’équipe chargée de la chloration de l’eau et la désinfection des bidons. Novembre, 2024. Wadi Fira, Tchad. © Roland Couprie/ MSF
Roland pendant la mission. Novembre, 2024. Wadi Fira, Tchad. © MSF
Convoi MSF de cliniques mobiles et Watsan, à la fin de la journée de travail. Novembre, 2024. Wadi Fira, Tchad. © Roland Couprie/ MSF

Vers 14h30 nous reprenons la route de Guereda afin de pouvoir rentrer avant la nuit qui tombe vers 17h. Il restera à décharger le matériel, faire le bilan de la journée et les comptes (beaucoup d’achats locaux pour les besoins du projet et 17 personnes à payer hebdomadairement) avec l’équipe puis préparer la journée du lendemain avant un repos bien mérité. 

Réponse élargie de MSF dans la région de Wadi Fira

Face à la crise, MSF a intensifié ses activités dans la région pour répondre aux besoins urgents de santé et d’aide humanitaire. Depuis février 2024, MSF opère à Iriba avec une clinique dans le camp de réfugiés de Touloum, où des consultations externes sont proposées cinq jours par semaine. Les services comprennent des soins nutritionnels, des soins de santé sexuelle et reproductive, un soutien en santé mentale, ainsi que des soins pour les survivants de violences sexuelles. Les cas nécessitant une hospitalisation sont orientés vers l’hôpital de district d’Iriba, que MSF soutient, notamment aux urgences, en maternité et en néonatologie.

À Touloum, MSF a achevé trois forages, désormais connectés et opérationnels, améliorant significativement l’approvisionnement en eau pour les réfugiés. Dans le camp d’Iridimi, MSF a finalisé les connexions des forages, ajoutant environ 150 000 litres d’eau par jour au réseau. À Am Nabak, des améliorations ont été apportées au réseau, bien que la quantité supplémentaire d’eau reste difficile à évaluer en raison de la mauvaise gestion du système. Par ailleurs, depuis l’afflux de réfugiés à Birak et Koulbous, MSF soutient les efforts de transport d’eau, mettant en place un système pour remplir deux camions de 25 000 litres loués par le HCR, qui livrent de l’eau aux extensions des camps.

Depuis juillet 2024, MSF est également présente au point de passage frontalier de Tine, où le nombre d’arrivées hebdomadaires de réfugiés a beaucoup varié avant de se stabiliser récemment à environ 100 personnes. Les équipes y effectuent des dépistages médicaux, des vaccinations, des évaluations de la malnutrition et des orientations vers des centres thérapeutiques. Dans le camp de transit de Tine, MSF organise une clinique mobile trois fois par semaine, fournit de l’eau quotidiennement et distribue des articles essentiels non alimentaires comme des seaux, des lotas (sort de récipient) et du savon. Des campagnes de rattrapage vaccinal ciblent également les communautés hôtes dans les zones de responsabilité de Tine.

La situation s’est intensifiée dans des régions comme Birak et Koulbous, où plus de 40 000 personnes, y compris des blessés de guerre transférés à Abéché, ont franchi la frontière depuis fin septembre 2024. En réponse, MSF a lancé des cliniques mobiles et des activités de santé environnementale pour faire face aux besoins urgents. 

Des équipes dévouées, comme celles dirigées par Roland, travaillent sans relâche pour fournir des soins au cœur de cette crise humanitaire croissante.

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