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Soudan: Récits de violence et de déplacement forcé au Sud-Kordofan

Le mercredi 9 avril 2025

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Depuis le début de la guerre entre les forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide (FSR) en avril 2023 et son extension à tout le Soudan, on estime que 11 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays. Dans l'État du Sud-Kordofan, au sud du pays, où se situe la région des monts Nouba, des centaines de milliers de personnes déplacées cherchent refuge, selon l'Agence soudanaise de secours et de réhabilitation (SRRA). 

Avant le début de la guerre, la région avait déjà connu des vagues de déplacement pendant les décennies de conflit entre le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (MPLS-N) et le gouvernement soudanais. De nombreuses personnes ont été déplacées à plusieurs reprises, ce qui a accru leur vulnérabilité. Médecins Sans Frontières (MSF) fournit actuellement des soins médicaux et des produits de première nécessité aux personnes déplacées qui arrivent chaque jour. Les témoignages recueillis auprès de personnes déplacées dans cinq camps où MSF intervient témoignent de la situation terrible qu'elles ont vécue et des défis auxquels elles continuent de faire face.

« Ils ont attaqué tôt le matin. Nous avons pris ce que nous pouvions et nous sommes enfuis. Nous avons perdu deux de mes enfants en chemin. Je ne sais toujours pas où ils sont, il n'y a pas de téléphone », explique une femme d'une cinquantaine d'années qui a marché cinq jours sans manger avant de pouvoir atteindre Al Hadra, au Kordofan du Sud, avec sa famille. Un avion a bombardé et tué sa fille de 15 ans. « C'était la première fois que je voyais des bombardements. J'étais dans la brousse en train de ramasser du bois pour m'abriter. Ma fille était allée chercher de l'eau au forage. Je me suis précipitée vers ma tente et plus tard, ils [les villageois] m'ont apporté le corps de ma fille. »

Une autre femme explique comment elle a réussi à survivre dans le district de Dilling, au Sud-Kordofan : « Nous allions dormir dans la forêt chaque nuit et utilisions la rivière comme protection. Nous nous appuyions sur la berge pour éviter les balles. Lorsque les tirs cessaient, nous nous précipitions à la maison pour chercher de la nourriture et de l'eau pour les enfants. Lors d'une attaque, j'ai vu une mère qui allaitait. Ils ont pris son garçon et l'ont jeté. Si vous essayiez de les affronter, ils pouvaient vous frapper, voire tirer sur l'enfant. Pour eux, le garçon grandirait un jour et se défendrait. »

Illustration Témoignage Mont Nouba

La région des monts Nouba est en grande partie contrôlée par le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (MPLS-N). L'afflux de personnes arrivant dans cette région, considérée comme plus sûre que d'autres régions du pays, a également eu des répercussions sur les communautés locales. La mauvaise récolte de 2023, combinée aux difficultés d'accès aux services de base et au manque d'aide humanitaire, a entraîné une famine généralisée pendant la période de soudure, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des camps où vivent les personnes déplacées. Les équipes MSF présentes sur le terrain signalent que de nombreuses personnes ont besoin de soins de santé, de nourriture et d'eau.

« Quand la guerre a éclaté, nous avons tout perdu. À mon arrivée au camp, je n'avais plus de lait pour allaiter. Mon enfant était malade et pleurait sans cesse. Je lui ai donné des herbes et j'ai prié Dieu », raconte une femme d'une vingtaine d'années.

Illustration témoignage mont Nouba

Un homme d'une cinquantaine d'années explique que les soldats sont entrés à Habila, au Nord-Kordofan, pour tuer tous les « Noirs » : « Dès qu'ils sont entrés à Habila, ils ont capturé une grande partie de ma famille : 13 personnes, tous des hommes. Les miliciens les ont rassemblés dans une maison et les ont tous abattus. Je me suis enfui. » Il s'est enfui à Tungul, au Sud-Kordofan, où il a reçu un peu de nourriture, mais où aucun service de santé n'était disponible, alors il a fui à nouveau. « De Tungul, je suis allé au camp de déplacés de Korgul. Ici, c'est calme. Je me sens en sécurité. Nous voulons rester ici. Mais nous avons souffert pendant la saison des pluies, quand il n'y a pas de nourriture – mes enfants ont souffert de malnutrition, mais aucun n'est mort. »

Illustration témoignage Mont Nouba

Pour les femmes fuyant la violence, l'accès aux soins est très difficile, comme l'explique une trentenaire : « J'étais au marché quand ils sont arrivés. J'ai essayé de me défendre, mais ils m'ont maltraitée et m'ont frappée à la poitrine. Je ressens encore la douleur aujourd'hui. Après la torture, j'ai essayé de me faire soigner, mais je n'avais pas d'argent pour une radio. »

Une autre femme d'une trentaine d'années explique : « J'ai passé deux jours sans rien manger. Je ramassais des feuilles pour les cuisiner. J'ai dû me faufiler dans la brousse pour éviter les postes de contrôle et obtenir des soins à Hajar Jawad. Pendant la saison des pluies, mon enfant et moi avons contracté le paludisme. Nous avons été soignés à la clinique de Hajar Jawad (une clinique MSF) pour le paludisme et la malnutrition. »

Illustration témoignage Mont Nouba

MSF mène des activités dans la localité de Dalami et dans le Jebel occidental. Dans cette localité, nos équipes soutiennent l'hôpital de Tujur en fournissant des services d'urgence et de maternité, ainsi que des services de malnutrition et d'hospitalisation pour hommes et femmes. En janvier 2025, MSF a réalisé 20 185 consultations externes et 459 admissions, dont 30 % pour paludisme. Les équipes ont assisté 119 accouchements et réalisé 215 consultations de santé sexuelle et reproductive. À Um Heitan, autre localité où nous intervenons, MSF a réalisé 6 493 consultations externes.

MSF soutient également des centres de santé, organise des cliniques mobiles dans les camps de déplacés internes et distribue des produits essentiels dans le Jabel occidental. Cependant, l'instabilité sécuritaire complique la fourniture de services médicaux.

Nos équipes dans les monts Nouba constatent une couverture des soins de santé primaires et secondaires extrêmement inégale et insuffisante. Là où des soins sont disponibles, ils sont souvent inaccessibles en raison de la distance et de l'insécurité. De plus, l'absence quasi totale de services de protection est particulièrement préoccupante compte tenu du niveau de violence subi ou observé par la population, de la séparation des familles et du manque d'abris pour de nombreuses personnes.

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