« Cette maison faisait 250 m² et était le foyer de ma famille. Le 14 mai, elle a été démolie sans préavis. Toutes les économies de ma vie se trouvaient ici. Maintenant, je n'ai plus rien », explique Maher Ubayat, habitant du village de Kisan. © ODAY ALSHOBAKI/MSF
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Risque de nettoyage ethnique en Cisjordanie : les forces israéliennes et les colons chassent les Palestiniens de leurs terres

Le jeudi 4 septembre 2025

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Les équipes MSF sont témoins de politiques et de pratiques visant ouvertement à expulser les Palestiniens de leurs terres et à empêcher tout retour. 

Les Palestiniens sont confrontés à des déplacements massifs et forcés à travers la Cisjordanie par les forces israéliennes et les colons, ce qui accroît considérablement le risque de nettoyage ethnique dans le territoire occupé, prévient Médecins Sans Frontières (MSF). 

Plus que jamais au cours de ses 36 ans d’histoire de prestation de soins médicaux et psychologiques en Palestine, MSF constate à quel point les souffrances causées par l’occupation israélienne se sont normalisées. 

En 2025, les équipes de MSF ont été témoins de politiques et de pratiques manifestement conçues pour expulser des personnes de leurs terres et empêcher toute possibilité de retour. MSF exhorte les États tiers, en particulier ceux qui ont des liens politiques, militaires ou économiques étroits avec Israël—notamment les États-Unis et les États membres de l’Union européenne — à exercer une pression significative pour mettre fin aux pratiques qui nuisent aux Palestiniens et les déplacent de force, et d’assurer la fin de l’occupation, illégale au regard du droit international.    

« Ces dernières années, nous avons constaté l'impact de l'intensification de l’usage de la force et du contrôle exercés par les forces israéliennes et les colons sur le peuple palestinien, qui a abouti à un génocide à Gaza, ainsi qu'à une escalade de la répression militaire et de la violence des colons en Cisjordanie », explique Simona Onidi, coordinatrice de projet MSF à Jénine et Tulkarem.  

Ces actions s’inscrivent dans un processus plus large de colonisation, où le risque de nettoyage ethnique—par l’expulsion forcée des communautés palestiniennes — consolidera un changement démographique permanent », ajoute-t-elle.  

Les tactiques de déplacement se multiplient et s'intensifient

Le plan de colonisation E1, récemment approuvé, diviserait complètement la Cisjordanie, séparerait le nord du sud et séparerait Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie. Il s'agit de l'une des tentatives les plus manifestes des autorités israéliennes de détruire toute perspective d'avenir pour les Palestiniens. 

Depuis le début de l'année, l'opération militarisée israélienne du « Mur de fer » a forcé 40 000 personnes à se déplacer dans le nord de la Cisjordanie, selon l'UNRWA. Trois camps de réfugiés ont été violemment pillés et vidés. Des habitations et des infrastructures civiles, notamment des écoles et des centres de santé, ont été démolies, augmentant la probabilité que ces déplacements deviennent permanents. 

En réponse, MSF a déployé des équipes médicales mobiles sur 42 sites à Tulkarem et Jénine, notamment dans des cliniques du ministère de la Santé, et a fourni des articles de première nécessité aux Palestiniens déplacés.    

Les forces israéliennes détruisent des maisons palestiniennes

Depuis janvier 2023, 6 450 Palestiniens supplémentaires ont été déplacés suite à des démolitions de maisons. Rien qu'en avril et mai 2025, MSF a apporté un soutien matériel et psychologique aux habitants de 12 localités du gouvernorat d'Hébron dont les maisons ont été démolies. 246 personnes, dont au moins 97 enfants, ont été déplacées de force. 

Deux membres du personnel de MSF dans le village de Kisan, Cisjordanie, Palestine

Cela ne représente qu'une fraction du nombre de démolitions effectuées en Cisjordanie au cours de la même période. « Ce n'est pas la première démolition ou incursion militaire dans le village, mais cette fois-ci, c'était la plus agressive », explique Warda*, membre de la communauté d'Hébron. 

« Nous leur avons demandé si nous pouvions récupérer nos affaires et sortir certaines choses des maisons avant qu'ils ne les démolissent, mais ils ont refusé. Ils ont pris nos affaires, les ont écrasées au bulldozer et les ont détruites. » 

La violence des colons se poursuit en toute impunité 

Les attaques des colons, souvent menées en toute impunité et sous la protection de l'armée, provoquent également des déplacements croissants. Depuis début 2023, près de 2 900 Palestiniens ont été déplacés en raison de la violence des colons et des restrictions de mouvement qui les empêchent d'accéder aux services essentiels. Depuis juin 2025, la plupart des villages de Masafer Yatta sont quotidiennement la cible d'attaques de colons et de perquisitions militaires. 

Dans le cadre d’une évaluation menée auprès de 197 ménages dans le gouvernorat d’Hébron, MSF a constaté que les ménages dont au moins un membre avait été exposé à la violence étaient 2,3 fois plus susceptibles de présenter une détresse mentale sévère, avec 28,1 % des familles rapportant qu’au moins un membre a subi de la violence au cours des trois derniers mois.   

Les restrictions de mouvement accrues entravent l'accès aux soins de santé, à l'école et au travail 

Les Palestiniens de Cisjordanie sont également soumis à d'énormes barrières physiques conçues pour rendre leur vie impossible et les chasser de leurs terres. Celles-ci incluent les points de contrôle (chekpoints), dont le nombre a augmenté, avec notamment 36 nouveaux points de contrôle installés entre décembre 2024 et février 2025. Les points de contrôle temporaires, dont l'apparition peut être imprévisible, se sont également multiplié, passant de 116 entre octobre et décembre 2023 à 370 entre janvier et avril 2025. Ces restrictions ont un impact direct sur l'accès aux soins de santé, à l'école, au travail et à d'autres services essentiels. Par conséquent, de nombreux patients se tournent vers les cliniques mobiles de MSF plutôt que de tenter de se rendre à l'hôpital, même lorsque des soins spécialisés sont nécessaires. 

Les attaques contre l'eau mettent en danger des communautés entières

Les Palestiniens de Cisjordanie sont confrontés à de graves restrictions en matière de services de base, notamment l’accès à l’eau, contrôlé par les autorités israéliennes. Depuis mai 2025, il y a eu une réduction substantielle de l’approvisionnement en eau par une compagnie israélienne via deux principaux points de raccordement de conduites israéliennes au gouvernorat d’Hébron, ce qui a réduit l’approvisionnement public en eau à Hébron de plus de 50 %, affectant près de 800 000 personnes 

MSF est également intervenue suite à des signalements de colons coupant des conduites d'eau –notamment après des incidents confirmés en août 2025, comme dans un village des collines du sud d'Hébron, où 50 % de la communauté a été touchée par une pénurie d'eau. –  Les besoins dans ces zones sont désormais si importants et si répandus que les activités d'urgence de MSF en matière d'eau et d'assainissement ne suffisent plus. Les équipes de MSF ont livré 30 citernes d'eau aux familles des collines du sud d'Hébron pour les aider à stocker le peu d'eau acheminée par camion dont elles dépendent. 

La perte de terres, de permis de travail et de liberté de circulation détruit les moyens de subsistance des Palestiniens

Les moyens de subsistance des Palestiniens sont également de plus en plus menacés par l'annulation des permis de travail, les restrictions de mouvement qui bloquent l'accès à l'emploi et les attaques contre les terres agricoles et les bergers, ce qui compromet encore davantage leur capacité à subvenir à leurs besoins. 

 Il ne s'agit pas seulement de démolir nos maisons. Ils s'emparent aussi de nos terres, ils tentent de nous voler nos revenus et nous empêchent de vivre ici », explique un membre de la communauté de Masafer Yatta. 

« Ici, tout le monde vit de l'agriculture et de l'élevage. Mais les colons nous empêchent de faire paître nos moutons, si bien que nous ne pouvons plus gagner notre vie si nous restons ici. » 

Les politiques israéliennes d’annexion en Cisjordanie occupée constituent de graves violations du droit international humanitaire et des droits humains. La fin de l’occupation reste le seul moyen d’alléger les difficultés profondes auxquelles sont confrontés les Palestiniens.  

*Les noms ont été modifiés  

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