Nadia Abo Malloh, membre du personnel MSF, marche dans les ruines de la ville de Rafah, au sud de Gaza.
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Perdre sa maison sous les bombes : témoignage d'un membre du personnel de MSF

Le lundi 25 août 2025

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Témoignage de Sabreen Almaseri, physiothérapeute pour Médecins Sans Frontières à Gaza, dont la maison a été entièrement détruite par un bombardement israélien le 19 août 2025. 

 

L'intensification des opérations militaires des forces israéliennes dans la ville de Gaza aura des conséquences humanitaires catastrophiques. Alors que 86 % du territoire de Gaza est déjà placé sous ordre d’évacuation ou transformé en zone militarisée, les zones restantes sont gravement surpeuplées et impropres à la survie, avec un accès quasi inexistant à la nourriture, à l'eau et aux soins de santé. Les structures médicales du sud sont déjà saturées. Le personnel de Médecins Sans Frontières (MSF) lui-même a été contraint de fuir à plusieurs reprises, certains plus de 11 fois depuis le début de cette guerre. 

MSF appelle une fois de plus à un cessez-le-feu immédiat et durable afin d'épargner la vie des civils et de permettre l'acheminement d'une aide humanitaire d'urgence à Gaza.

Sabreen Almaseri, physiothérapeute, travaille pour MSF depuis cinq ans. Le 19 août 2025, les forces israéliennes ont détruit sa maison à Gaza, la forçant, elle et sa famille, à se déplacer pour la onzième fois.

Elle raconte :

Il y a deux semaines, alors que la situation semblait plus calme près de chez moi, dans le quartier de Saftawi, nous avons décidé de rentrer. Le bâtiment avait subi de nouveaux dégâts, mais j'ai retrouvé la joie d'être simplement chez moi – cette maison qui fait partie de mon âme, cet endroit que j'aime tant. Ma maison était le fruit de 13 ans de lutte et de persévérance. Jusqu'à hier. »

« Je rentrais du travail quand j'ai vu des gens courir, des femmes crier et pleurer. Mon téléphone a sonné ; c'était mon mari. Il m'a dit : « Fais vite demi-tour. Ils ont prévenu toute la zone. Ils vont bombarder.» Il m'a dit que nous n'avions que quelques minutes. Je l'ai retrouvé, lui et nos filles, dans une rue voisine ; elles pleuraient de peur. Je les ai serrées fort dans mes bras et nous sommes allés dans une rue voisine. Quelques instants plus tard, nous avons entendu la frappe. L'explosion n'a pas seulement fait trembler le sol ; elle nous a brisé le cœur. 

Notre maison, avec tous nos souvenirs, avait disparu.

Je travaille pour MSF depuis 2018. Depuis le début, mon objectif a toujours été de faire tout mon possible pour aider les patients et soigner les blessés après un traumatisme physique. Je n'ai jamais été qu'une simple physiothérapeute. J'ai soutenu mes patients émotionnellement, je les ai écoutés et je les ai réconfortés lorsqu'ils partageaient leur douleur. Derrière chaque patient se cache une histoire déchirante, une autre vie marquée par la souffrance. Ici, les gens sont épuisés, brisés, mais ils essaient toujours d’aller de l’avant et de trouver des raisons de sourire. »

Le jour où nos vies ont changé pour toujours

« Je n'oublierai jamais la première fois où nous avons été contraints de quitter notre maison dans le nord de Gaza, une semaine seulement après le début de la guerre. Un cercle de feu nous entourait ; mon mari, mes filles et moi étions serrés les uns contre les autres, pensant rendre notre dernier souffle. C'était terrifiant, les éclats d'obus volaient au-dessus de nos têtes. Notre bâtiment était endommagé ; les portes et les fenêtres avaient été emportées par les frappes. Il y avait du sang au sol, de la poussière, des pierres et des cendres emplissaient l'air. Une de mes filles vomissait de peur, ma cadette nous suppliait de la serrer plus fort. Nous avons formé un cercle, nous nous sommes enlacés, avant de nous retrouver dans la rue, en pleurs, à nouveau déplacés.

Après avoir été déplacés de Safatawi, nous avons déménagé ailleurs dans la ville de Gaza. Peu après, nous avons survécu de justesse à un autre bombardement qui a fait plus de 500 morts. Plus tard, nous avons été contraints de fuir vers le sud. Je n’ai pas pu retourner dans le nord de Gaza avant le cessez-le-feu à la mi-janvier 2025. 

Pendant un an et demi, nous avons vécu entre le déplacement et la peur, attendant et regrettant mes parents, mes frères et sœurs et la maison que j’avais laissée derrière moi sans savoir ce qu’elle était devenue. »

Maison en ruine après un bombardement israélien, Gaza

Un moment de paix

« Quand j'ai enfin revu ma maison – pendant le cessez-le-feu – j'ai pu respirer à nouveau. Elle était encore debout, partiellement endommagée, mais encore habitable. Nous avons réparé ce que nous avons pu. Nous avons bouché des trous dans les murs, recouvert les fenêtres brisées de bâches en plastique et construit des portes de fortune. Nous avons déblayé les décombres et sommes rentrés. Mais notre joie a été de courte durée, car la trêve a pris fin et les bombardements ont repris avec encore plus d'intensité. Nous avons fui à nouveau, cette fois à l'intérieur de la ville de Gaza, vivant sous une tente, supportant la chaleur étouffante de l'été, la difficulté de transporter de l'eau et la dureté du quotidien des déplacés. Il y a deux semaines, après être enfin rentrés chez nous, nous espérions être enfin en sécurité. Mais cet espoir s'est à nouveau envolé – anéanti avec notre maison et nos biens. »

Une fois de plus, nous sommes déplacés. C'est la onzième fois que nous sommes contraints de fuir depuis le début de cette guerre. Mais cette fois est la plus difficile, car je sais que je ne retournerai jamais chez moi. »

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