Illustration © Jorge Montoya/ MSF
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Maternité El Emirati - récits de patientes par Pascale Coissard Rogeret, coordinatrice d'urgence MSF à Gaza

Le mardi 16 janvier 2024

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Je m'appelle Pascale, je travaille comme coordinatrice des urgences pour MSF à Gaza depuis le 20 décembre 2023. Cette semaine, j'ai rencontré certains de nos patients à l'hôpital El Emirati de Rafah. Dans cet établissement MSF situé dans le sud de la bande de Gaza, les femmes reçoivent des soins post-partum.  En plus de l'épuisement lié à l'accouchement, elles doivent faire face au stress constant des bombardements, du déplacement, des conditions de vie à Rafah et de l'incertitude du lendemain.

Ces femmes sont des personnes déplacées. Elles survivent dans des tentes en plastique qu'elles ont montées avec leur famille du mieux qu'elles pouvaient, là où elles le pouvaient, dans une ville qui se densifie de jour en jour en raison de l'afflux constant de réfugiés fuyant les frappes aériennes et les combats dans toute la bande de Gaza. Nous sommes en plein hiver, les journées sont froides et certaines sont pluvieuses.

Trois de ces femmes m'ont particulièrement marquée :

Maha* vient du nord de Gaza. Elle s'est rendue à l'hôpital lorsqu'elle a senti que le travail commençait, mais elle n'a pas pu être soignée. Toutes les salles d'accouchement étaient pleines. Elle savait que quelque chose n'allait pas, qu'elle devait être admise ; elle avait déjà subi une césarienne par le passé. Mais comme elle n'avait pas d'autre choix, elle a dû retourner dans sa tente.  

Son fils est mort. Elle l'avait mis au monde dans les latrines les plus proches de sa tente.

Lorsque je suis entrée dans notre établissement, Maha était assise sur son lit, après avoir reçu des soins post-partum. C'est elle qui m'a appelée pour que je lui parle. Elle avait besoin d'exprimer sa profonde douleur à chacun d'entre nous ; elle avait besoin de crier l'injustice qu'elle avait subie. Sans cette guerre, elle n'aurait pas perdu son fils.

 

Nour* a eu une petite fille, une très jolie fille. Après l'accouchement, Nour était heureuse mais fatiguée, à moitié endormie et un peu pâle. Mes collègues lui ont fait passer un test d'hémoglobine : elle devait prendre des suppléments de fer et de vitamine C. Sa belle-mère, qui l'avait accompagnée, m'a dit que leur famille était originaire de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza. Sa maison, sa rue, ne sont plus que des décombres. J'ai demandé quel serait le nom de sa petite fille. Nour n'a pas encore décidé. Mais sa belle-mère aimerait qu'elle s'appelle Salam (Paix) : on n'en a jamais eu autant besoin.

Reham* vient elle aussi de donner naissance à une petite fille. Elles vont bien toutes les deux. Elle veut me montrer le visage du nouveau-né et me dit en souriant qu'elle a appelé sa fille Amal (Espoir), parce que l'espoir est ce qui encourage les Palestiniens à se lever chaque matin, malgré les horreurs qu'ils ont vécues au cours des quatre-vingt-onze derniers jours. Et l’espoir, c'est la dernière chose que Reham veut perdre.

*Les noms des patients ont été modifiés.

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