Christopher Lockyear, secrétaire général de Médecins Sans Frontières (MSF), s'est exprimé devant le Conseil de sécurité des Nations Unies sur la crise au Soudan le 13 mars 2025.
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Les médecins ne peuvent pas arrêter un génocide, les dirigeants mondiaux le peuvent

Le lundi 15 septembre 2025

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Christopher Lockyear, Secrétaire général de Médecins Sans Frontières
 

Plus d'un million de personnes à Gaza sont confrontées à un regain de terreur après avoir reçu l'ordre d'évacuation d'urgence de la ville de Gaza, en prévision d'une offensive terrestre majeure de l'armée israélienne. Pour beaucoup, la fuite est impossible : les personnes âgées, les personnes gravement malades, les femmes enceintes ou les blessées. 

Celles qui restent sur place sont condamnées à mort.

Ceux qui tentent de fuir le feront sous des bombardements de plus en plus intenses. Ceux qui survivent au voyage atteindront des zones surpeuplées du centre et du sud de Gaza, où ils ne trouveront ni sécurité ni les ressources essentielles à leur survie. Une population, poussée au bord du gouffre par près de deux ans de brutalité extrême, est confrontée à une catastrophe.

Ce qui se passe à Gaza n'est pas seulement une catastrophe humanitaire, c'est la destruction systématique d'un peuple. MSF est claire : Israël commet un génocide contre les Palestiniens de Gaza, et ce en toute impunité.

Le bilan humain est effarant. Selon les derniers chiffres du ministère de la Santé, plus de 64 000 personnes ont été tuées, dont 20 000 enfants. Le véritable bilan est probablement plus élevé, avec de nombreuses victimes englouties sous les décombres des hôpitaux, des écoles et des maisons.

Il n'y a aucun endroit sûr à Gaza. Des familles entières, qui s'étaient réfugiées chez elles, ont été décimées. Des soignants ont été tués alors qu'ils soignaient des malades. Des journalistes ont été pris pour cible pour avoir témoigné. L'armée israélienne a attaqué tout et tout le monde à Gaza.

Des armes de haute intensité conçues pour les champs de bataille ouverts – certaines vendues à Israël par les gouvernements américain et européen – sont utilisées dans des zones urbaines densément peuplées, où les gens s'abritent sous des tentes. Nous traitons donc des blessures graves.

Les autorités israéliennes ont systématiquement ciblé le système de santé de Gaza : bombardements d'hôpitaux, raids sur des installations médicales et mise en danger de la vie du personnel et des patients – des actes qui pourraient constituer des crimes de guerre. Les rares hôpitaux restants sont débordés et sous-approvisionnés. Les patients souffrent et meurent inutilement.

Douze de nos collègues ont été tués et le Dr Mohammed Obeid, chirurgien orthopédiste de MSF, est toujours détenu par Israël depuis octobre 2024. Au total, plus de 1 500 professionnels de santé ont été tués. Chacune d'entre elles représente une perte dévastatrice, tant pour leurs familles que pour le système de santé assiégé de Gaza.

L'impact de la guerre génocidaire va au-delà des attaques directes. Les autorités israéliennes ont délibérément étranglé Gaza, imposant un siège total et de sévères restrictions sur le carburant, l'eau, la nourriture et les fournitures médicales.

Une politique de punition collective, incluant la famine intentionnelle, a atteint son objectif brutal : la famine a été déclarée. Une enquête récente menée dans nos cliniques de Gaza a montré que 25 % des femmes enceintes ou allaitantes souffraient de malnutrition, ce qui peut augmenter le risque de mortinatalité, de fausse couche et d’accouchement prématuré.

L'aide alimentaire limitée disponible a été cyniquement instrumentalisée. Une opération menée par Israël et financée par les États-Unis a fait 1 400 morts et 4 000 blessés. Nous avons soigné des enfants blessés par balle à la poitrine alors qu'ils cherchaient de la nourriture, et des personnes écrasées ou étouffées lors de bousculades. Un tel niveau de brutalité est inadmissible.

Les pénuries d'eau délibérées favorisent les maladies. Le mois dernier, MSF a soigné 4 000 personnes souffrant de diarrhée aqueuse, potentiellement mortelle pour les enfants malnutris. MSF pourrait augmenter l'approvisionnement en eau potable, mais elle en est régulièrement empêchée.

Parallèlement, la violence des colons et de l'État s'intensifie en Cisjordanie occupée. Les vols de terres, les déplacements forcés et les attaques contre les communautés s'intensifient, dans le cadre de politiques visant à modifier la composition démographique de la Cisjordanie.

Les gouvernements du monde entier – par leur soutien politique, militaire ou matériel à Israël, ou par leur silence – sont complices du génocide. Ils ont l'obligation morale et légale de réagir. Cela implique une réelle pression politique, et non des paroles creuses, et l'utilisation de toutes les mesures politiques, diplomatiques et économiques disponibles pour mettre fin à ces atrocités.

Les États doivent obtenir de toute urgence un cessez-le-feu, lever le siège et veiller à ce que les autorités israéliennes autorisent l'acheminement immédiat et sans entrave d'une aide humanitaire indépendante et à grande échelle. Les installations médicales et le personnel soignant doivent être protégés. Les ordres d'évacuation et les déplacements massifs et forcés de population doivent cesser.

Les frontières doivent être ouvertes pour permettre l'évacuation des personnes souhaitant partir et des patients nécessitant des soins spécialisés d'urgence. Les gouvernements doivent activement faciliter ces voies vitales et garantir le droit au retour lorsque les conditions le permettront véritablement.

Les attaques du Hamas en octobre 2023 ont été horribles, et tous les otages restants doivent être autorisés à rentrer chez eux, tout comme les Palestiniens détenus arbitrairement.

Les pays qui ont exprimé leur indignation et leur solidarité envers les Palestiniens peuvent et doivent faire davantage pour accroître la pression politique sur les autres afin qu'ils agissent. Cela implique notamment de veiller à ce que tous les pays cessent les transferts d'armes utilisées pour tuer et blesser des personnes et détruire les infrastructures civiles à Gaza.

Chaque jour, nos 1 118 collègues travaillant à Gaza sont confrontés à la terrible réalité : ils ne peuvent pas arrêter un génocide. Mais les dirigeants mondiaux le peuvent, s'ils choisissent d'agir. À l'approche du deuxième anniversaire de cette violence extrême et incessante, les choix politiques nécessaires pour y mettre fin se font attendre depuis trop longtemps.

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