Une famille palestinienne déplacée voyageant en tuktuk et revenant s'installer dans la ville de Beit Lahia, au nord de la bande de Gaza.
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Gaza : parmi les décombres d'un cessez-le-feu brisé, l'eau devient une autre arme de guerre

Le lundi 24 mars 2025

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À Gaza, en Palestine, alors que la rupture du cessez-le-feu a entrainé de nouveaux décès, une nouvelle tactique de guerre est mise en œuvre : les autorités israéliennes bloquent l'accès à l'eau en coupant l'électricité et le carburant à Gaza, prévient Médecins Sans Frontières (MSF). Alors que les forces israéliennes continuent de bombarder la bande de Gaza, MSF appelle au rétablissement immédiat du cessez-le-feu et exhorte les autorités israéliennes à autoriser l'approvisionnement en électricité et l'acheminement de l'aide, notamment du carburant, de l'eau et des équipements sanitaires, afin d'éviter de nouvelles pertes humaines.

« Face à une nouvelle vague de bombardements qui a tué des centaines de personnes en quelques jours seulement, les forces israéliennes continuent de priver les habitants de Gaza d'eau en coupant l'électricité et en bloquant l'approvisionnement en carburant – des ressources pourtant essentielles au fonctionnement des infrastructures hydrauliques, notamment des pompes à eau », explique Paula Navarro, coordinatrice eau et assainissement de MSF à Gaza. 

Pour ceux qui ont subi des bombardements incessants, la pénurie d'eau aggrave les souffrances existantes : beaucoup sont contraints de boire une eau insalubre, tandis que d'autres n'en ont pas assez. »

Au milieu de ces violences, si le carburant vient à manquer, le réseau d'approvisionnement en eau restant s'effondrera complètement et coupera presque entièrement l'accès à l'eau, entraînant des conséquences inhumaines pour les millions de personnes qui restent à Gaza. Outre les blessures et les décès causés par les combats et les bombardements, l'accès à l'eau potable a des conséquences sur les conditions de vie et la santé des populations. Dans les centres de soins primaires d'Al Mawasi et de Khan Younis, les trois affections les plus courantes traitées par MSF – la jaunisse, la diarrhée et la gale – sont directement liées à un approvisionnement insuffisant en eau potable. 

Une mère palestinienne montre l'état de la peau de son petit enfant au centre de santé primaire d'Attar où MSF fournit des soins de santé primaires essentiels à la population palestinienne de Khanyounis.

« Le nombre considérable d'enfants souffrant de maladies cutanées est une conséquence directe de la destruction et du blocus de Gaza », explique Chiara Lodi, coordinatrice de l'équipe médicale MSF à Gaza. 

« En plus de soigner les adultes et les enfants gravement blessés par la guerre, notre personnel soigne un nombre croissant d'enfants atteints de maladies cutanées parfaitement évitables, comme la gale. Cette affection est non seulement inconfortable, mais, dans les cas graves, elle les oblige à se gratter la peau jusqu'au sang, ce qui peut entraîner une infection. L'impossibilité pour les enfants de se laver les rend vulnérables à la gale et à d'autres infections, laissant des cicatrices durables. »

Une mère palestinienne montre l'état de la peau de son petit enfant en raison du manque d'hygiène et d'eau potable à Khanyounis.

Avant même les frappes de missiles israéliennes en début de semaine, rompant le cessez-le-feu de deux mois, Israël avait bloqué toute entrée d'aide humanitaire à Gaza. Par conséquent, les efforts humanitaires visant à restaurer le réseau d'approvisionnement en eau de Gaza restent gravement entravés et retardés par le système de “double préautorisation” des autorités israéliennes. La plupart des approvisionnements en eau et en matériel d’assainissement nécessitent une autorisation préalable, notamment le chlore, les pièces détachées essentielles pour les unités de dessalement de l'eau, les générateurs, les pompes de forage et les réservoirs d'eau.

« Les restrictions imposées par les autorités israéliennes ont rendu quasiment impossible le rétablissement d'un système d'approvisionnement en eau fonctionnel », explique Paula Navarro. 

« La production d'eau dépend de l'énergie, mais les nouveaux générateurs de plus de 30 kilowatts ne sont pas autorisés à entrer. Nous sommes contraints de fabriquer des générateurs de type « Frankenstein » : en récupérant des pièces de l'un pour en réparer un autre. »

MSF continue d’appeler les autorités israéliennes à lever leur siège inhumain sur Gaza, à respecter le droit international humanitaire et ses responsabilités en tant que puissance occupante, et à garantir un accès immédiat et sans entrave de l’aide dans la bande de Gaza.

Un forage partiellement endommagé fonctionnant à l'électricité provenant de batteries de voiture dans la ville de Beit Lahina, au nord de la bande de Gaza, en Palestine.
Des ingénieurs en eau et assainissement de MSF évaluent les conduites d'eau dans la ville de Beit Lahia, au nord de la bande de Gaza, en Palestine.
Une famille palestinienne a installé un endroit sur les décombres de sa maison détruite pour vivre dans la ville de Beit Lahia, au nord de la bande de Gaza.
Un enfant palestinien collecte de l'eau dans la ville de Beit Lahia, au nord de la bande de Gaza, en Palestine.

La crise de l'eau à Gaza en bref:

• Avant même les dernières attaques, la crise de l'eau à Gaza, déjà grave en raison des coupures d'électricité et d'eau par Israël et de la destruction des infrastructures, s'est aggravée après que les autorités israéliennes ont interrompu l'aide humanitaire à Gaza le 2 mars et coupé l'électricité le 9 mars. La principale usine de dessalement de Khan Younis a réduit sa production de 17 millions à 2,5 millions de litres par jour.

• De janvier à février 2025, les équipes MSF ont assuré plus de 82 000 consultations de soins de santé primaires, dont près d'un cinquième concernait des problèmes liés au manque d'eau et d'hygiène, notamment des infections du cuir chevelu et des affections cutanées comme la gale.

• Entre janvier et mi-mars 2025, MSF a produit plus de 2 millions de litres d'eau potable et distribué plus de 36 millions de litres. Depuis le cessez-le-feu, MSF a commencé ses distributions dans le nord de Gaza, notamment dans le camp de Jabalia, où l'aide a été bloquée pendant des mois. 

• De janvier 2024 à début mars 2025, sur les 1 700 articles d'eau et d'assainissement demandés par MSF dans le cadre du système à double usage, seuls 28 % ont été approuvés par les autorités israéliennes. De nombreux articles sont dans l'impasse bureaucratique, les réponses des autorités prenant en moyenne jusqu'à 60 jours, voire plus de 200 jours pour certaines. Même les fournitures approuvées peuvent être refusées aux postes-frontières. En novembre 2024, les autorités israéliennes ont approuvé une unité de dessalement MSF après 85 jours d'attente. Cependant, malgré des tentatives hebdomadaires depuis le 5 février, l'unité n'est toujours pas entrée à Gaza, les camions qui la transportent étant toujours refoulés à la frontière.

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