Les restes d'un véhicule de MSF, garé à l'extérieur des locaux clairement identifiés de MSF, après sa destruction délibérée par les forces israéliennes. Ville de Gaza, Palestine, 24 novembre 2023. © MSF
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Frappes, raids et incursions : Sept mois d'attaques incessantes contre les soins de santé dans les Territoires palestiniens occupés

Le mardi 14 mai 2024

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Au cours des sept derniers mois, le système de santé de la bande de Gaza a été systématiquement démantelé. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA- organisme créé par l'ONU pour renforcer la réponse internationale aux situations d'urgence complexes et aux catastrophes naturelles), 24 hôpitaux de Gaza sont désormais hors service, tandis que 493 travailleurs de la santé ont été tués. 

Chaque centre médical ou système d'acheminement de l'aide humanitaire a été ou est en train d'être détruit, pour être remplacé par des solutions improvisées moins efficaces. Il est impossible de dire quel sera le coût humain indirect en termes de décès et de blessures à long terme, du fait que l'aide et les traitements ont été refusés.

Le personnel et les patients de Médecins Sans Frontières (MSF) ont dû quitter 12 structures de santé différentes et ont subi 26 incidents violents (3,7 par mois en moyenne), dont des frappes aériennes endommageant des hôpitaux, des tirs de chars sur des abris convenus, des offensives terrestres dans des centres médicaux et des tirs sur des convois. 

MSF n'a pas encore reçu de justification ou d'aveu de responsabilité pour les meurtres, les mutilations ou la déshumanisation de son personnel et de ses patients.

Un cessez-le-feu immédiat et durable doit être mis en place à Gaza pour mettre fin aux souffrances des populations et à la destruction de Gaza. 

Si les sept derniers mois ont été dévastateurs pour les communautés de la bande de Gaza, de Cisjordanie et d'Israël, d'un point de vue médical et humanitaire, la violence à laquelle sont confrontés les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie est bien antérieure au 7 octobre. Il est important de rappeler qu'il y avait déjà une crise humanitaire dans la bande de Gaza, causée par le blocus israélien de l'enclave qui dure depuis 16 ans. 

Le 6 octobre 2023, MSF menait des activités médicales humanitaires dans les Territoires palestiniens occupés, plus précisément à Hébron, Jénine, Naplouse, Masafer Yatta et dans la bande de Gaza. Ce jour-là, nos collègues s'occupaient de patients de Gaza blessés par des balles dites "papillon", tirées par des tireurs d'élite israéliens sur des personnes qui manifestaient dans les jours et les semaines précédant la guerre qui a embrasé la région le 7 octobre. Nous avons également soigné 87 patients pour des blessures à long terme (sur une cohorte initiale de près de 900 patients), subies lors de l'escalade de la Grande Marche du Retour en 2018 et 2019.

Le personnel médical de MSF a également continué à soigner les patients blessés lors de la guerre de 2021, déclenchée par la saisie et la colonisation d'une propriété à Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, et qui a donné lieu à l'escalade la plus grave depuis 2014, avec des milliers de Palestiniens déplacés, des destructions massives et des centaines de morts.

Les attaques du 7 octobre et la punition collective qui s'en est suivie représentent un changement de paradigme dans la manière dont MSF a pu opérer dans les territoires palestiniens occupés. En l'absence d'opérations en Israël, la première chose dont nos collègues ont été témoins le 7 octobre a été des frappes aériennes israéliennes à Gaza, immédiatement après les attaques du Hamas qui, selon les estimations, ont tué environ 1 200 personnes et pris en otages 253 personnes. Le 8 octobre, MSF a proposé son aide au ministère israélien de la Santé, qui ne l'a finalement pas acceptée.

Une pile de voitures de MSF brûlées, suite à leur destruction délibérée par les forces israéliennes. Gaza, Palestine, 24 novembre 2023. © MSF

Pour les collègues de MSF à Gaza qui menaient des projets axés sur la chirurgie orthopédique et reconstructive, la physiothérapie, les soins aux brûlés, les soins psychologiques et la recherche et le traitement de la résistance aux antimicrobiens à Gaza, il n'était pas évident de savoir ce qu'il adviendrait de nos patients, comment nous pourrions assurer la continuité de leurs soins ou ce que nous pourrions faire pour les blessés lors de cette nouvelle escalade.

Cependant, ce qui est devenu clair, c'est que le manque croissant de respect et de considération pour l'action humanitaire médicale, la destruction des établissements de santé et des abris du personnel, ainsi que l'assassinat de collègues et de patients, ont rendu presque impossible pour MSF de négocier la protection que nous recherchons habituellement dans les situations de conflit. 

Ce qui suit est une chronologie des attaques contre les structures médicales et les praticiens de MSF ou soutenus par MSF dans les Territoires palestiniens occupés depuis le 7 octobre. Il est important de noter que la responsabilité de ces attaques a été attribuée après vérification ; cependant, nous sommes souvent incapables de dire avec certitude d'où viennent les attaques.

L'emplacement des installations médicales, des abris et des mouvements de MSF ou soutenus par MSF qui ont été touchés ou attaqués avait été communiqué aux principales parties au conflit à Gaza avant leurs attaques. Pourtant, ces installations et mouvements n'ont pas été respectés ni protégés, et de nombreux civils ont été tués ou blessés.

Nous demandons des explications pour nos collègues et les membres de leurs familles qui ont été tués ou blessés, ainsi que pour nos patients.

Chronologie des attaques

Octobre 2023

7 octobre- Immédiatement après les attaques du Hamas, les forces israéliennes frappent l'hôpital indonésien de Beit Lahia et une ambulance devant l'hôpital Nasser de Khan Younis, tuant une infirmière et un chauffeur d'ambulance et blessant plusieurs autres personnes.

10 octobre - Une frappe aérienne israélienne a endommagé la clinique de MSF à Gaza, dans la ville de Gaza ; aucun membre du personnel ni patient n'a été blessé.

11 octobre - Une frappe aérienne a touché l'hôpital Al-Awda à Jabalia, où MSF opère depuis 2018 ; certains plafonds se sont effondrés à la suite de l'explosion, mais l'intégrité structurelle de l'hôpital a été préservée et il a continué à fonctionner.

13 octobre - Les forces israéliennes ont donné un préavis de deux heures pour évacuer l'hôpital Al-Awda soutenu par MSF. Nos collègues médecins ont transporté des patients sur des brancards dans la rue pour tenter de les emmener dans d'autres hôpitaux, sans grand succès. MSF a condamné l'ordre d'évacuation et a souligné la nécessité de protéger le personnel médical et les patients. Finalement, le personnel et les patients sont restés dans l'hôpital.

17 octobre - Dans la ville de Gaza, une frappe a touché le parking de l'hôpital Al-Ahli Arab où un médecin de MSF était en train d'opérer, tuant - d’après nos sources - des centaines de personnes. Dans les jours précédant l'incident, le directeur de l'hôpital avait reçu des avertissements d'Israël.  MSF a condamné cette attaque et en a d'abord attribué la responsabilité à Israël. Cependant, aujourd'hui encore, on ne sait pas qui porte la responsabilité de cet acte. Une enquête indépendante est le seul moyen de déterminer la responsabilité de cette attaque.

30 octobre - un projectile a touché l'hôpital de l'Amitié turco-palestinienne, soutenu par MSF, au sud de la ville de Gaza, endommageant le bâtiment. L'hôpital a cessé de fonctionner lorsqu'il a manqué de carburant le 1er novembre.

Novembre

15 novembre - Les troupes terrestres israéliennes prennent d'assaut l'hôpital Al-Shifa. Tout le personnel MSF restant avait quitté l'hôpital environ une semaine auparavant.

18 novembre - un convoi de MSF cherchant à évacuer le personnel et leurs familles a été la cible de tirs, tuant deux personnes dont un collègue de MSF. Tous les éléments indiquent que l'armée israélienne est responsable de cette attaque. Deux jours plus tard, un bulldozer israélien et des véhicules militaires lourds ont détruit les voitures MSF du convoi au vu et au su de nos collègues réfugiés dans la maison hébergeant le personnel MSF dans la ville de Gaza. Les véhicules ont également endommagé la clinique MSF en percutant son mur d'enceinte, qui s'est effondré. Une partie de la clinique a pris feu.

21 novembre - une frappe sur l'hôpital Al-Awda a tué le Dr Mahmoud Abu Nujaila et le Dr Ahmad Al-Sahar de MSF, ainsi qu'un autre médecin, le Dr Ziad Al-Tatari. Nous nous sommes adressés à toutes les parties au conflit pour leur demander de rendre des comptes sur ces meurtres, mais nous n'avons reçu aucune réponse et il n'est pas possible de dire ce qui s'est passé avec une certitude absolue. Une évaluation indépendante doit être menée sur place pour déterminer les responsabilités.

24 novembre - Les seuls véhicules disponibles pour le personnel et les membres de leurs familles réfugiés dans la résidence et la clinique de MSF à Gaza ayant été détruits, nos équipes basées dans le sud de la bande de Gaza ont envoyé d'autres véhicules à Gaza pour tenter une nouvelle évacuation. Cependant, ils ont également été touchés par des balles alors qu'ils s'approchaient de la clinique MSF et le transfert a été annulé. Plus tard, ils ont également été détruits par les forces israéliennes aux premières heures du 24 novembre.

Décembre

1er décembre - Une trêve temporaire entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza prend effet du 24 novembre 2023 au 30 novembre 2023. Quelques heures après la fin de la trêve, une explosion endommage l'hôpital Al-Awda.

5 décembre - Le personnel de MSF à Al-Awda signale que l'hôpital est soumis à un siège total. Dans les jours qui suivent, deux membres du personnel médical de l'hôpital (qui ne font pas partie du personnel de MSF) auraient été tués par des tireurs embusqués à l'extérieur.

12 décembre - Un chirurgien de MSF a été blessé à l'intérieur de l'hôpital Al-Awda par un coup de feu tiré de l'extérieur.

14 décembre - à l'hôpital Khalil Suleiman, à Jénine (Cisjordanie), nos collègues qui soutiennent l'hôpital ont vu les forces israéliennes tirer sur un adolescent et le tuer dans l'enceinte de l'hôpital, à la suite de mauvais traitements infligés au personnel paramédical qui a été contraint de se déshabiller et de s'agenouiller dans la rue.

17 décembre - Les forces israéliennes prennent le contrôle de l'hôpital Al-Awda après un siège de 12 jours. Les hommes de plus de 16 ans ont été emmenés, déshabillés et interrogés, dont six membres du personnel de MSF. Après les interrogatoires, la plupart d'entre eux ont été renvoyés à l'intérieur de l'hôpital et ont reçu l'ordre de ne pas bouger. Le même jour, des balles traçantes israéliennes ont touché la maternité de l'hôpital Nasser. Une patiente a été tuée, d'autres ont été blessées.

Janvier 2024

6 janvier - MSF a dû évacuer l'hôpital Al-Aqsa à Deir al-Balah à l'approche des combats entre les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens. Les ordres d'évacuation israéliens ont également placé la pharmacie de l'hôpital de MSF à l'intérieur de la zone d'exclusion, la rendant inaccessible. Le 5 janvier, une balle de sniper a traversé le mur de l'unité de soins intensifs.

8 janvier - Un obus de char israélien a frappé l'abri "Lotus" de MSF à Khan Younis, tuant la fille de cinq ans d'un membre du personnel de MSF et blessant trois personnes. Plus de 125 membres du personnel de MSF et leurs familles ont été relogés à Rafah.

22 janvier - L'hôpital Nasser de Khan Younis a été encerclé par les combats et les bombardements et a fait l'objet d'ordres d'évacuation. Les frappes aériennes ont tué des personnes à 150 mètres de l'entrée de l'hôpital, selon le personnel de MSF présent sur place.

Février

15 février - Un obus a frappé le service orthopédique de l'hôpital Nasser ; les membres du personnel ont fui l'enceinte en laissant derrière eux plusieurs patients. Un membre du personnel de MSF a été détenu à un poste de contrôle par les forces israéliennes et a été libéré depuis.

20 février - Un char israélien a tiré sur un abri MSF à Al-Mawasi, Khan Younis, tuant la belle-fille et l'épouse d'un de nos collègues, et blessant sept personnes.

Mars

2 mars - Un obus a frappé un hangar à côté de l'entrée principale de l'hôpital Al-Emirati soutenu par MSF à Rafah, tuant deux personnes et en blessant plusieurs autres.

13 mars - L'armée israélienne a mené des opérations à Jénine (Cisjordanie). À l'hôpital Khalil Suleiman, soutenu par MSF, des personnes se tenant dans la cour de l'hôpital ont été la cible de tirs. Six personnes se trouvant près de la porte des urgences ont été blessées, deux d'entre elles sont décédées par la suite.

27 mars - Une frappe aérienne a touché une serre près de la clinique Al-Shaboura, un établissement soutenu par MSF à Rafah. Plusieurs personnes auraient été tuées dans cette attaque, malgré l'adoption, le 25 mars, d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies exigeant un cessez-le-feu. Aucun membre du personnel ou patient de MSF n'a été blessé. 

31 mars - Une frappe aérienne israélienne a touché la cour de l'hôpital Al-Aqsa, soutenu par MSF, juste à l'extérieur de la salle d'urgence, où de nombreuses personnes déplacées à l'intérieur du pays étaient abritées. De nombreuses personnes ont été tuées et blessées. Après l'attaque, une partie de l'équipe MSF a dû cesser de prodiguer des soins. 

Avril

1er avril - Après une opération de 14 jours menée par les forces israéliennes à l'intérieur et autour de l'hôpital Al-Shifa, l'hôpital a été laissé en ruines et est hors service. Une clinique MSF située à proximité de l'hôpital a également été gravement endommagée. Des centaines de personnes ont été tuées, y compris des membres du personnel médical, et des arrestations massives de membres du personnel médical et d'autres personnes ont eu lieu à l'intérieur et autour de l'hôpital.

21 avril - Un volontaire paramédical formé par MSF a reçu une balle dans la jambe alors qu'il était de service lors d'une incursion de trois jours dans les camps de réfugiés de Tulkarem et de Nur Shams en Cisjordanie. En raison des hostilités, il lui a fallu sept heures pour atteindre l'hôpital.

Mai

6 mai - Un point de stabilisation soutenu par MSF a été pris d'assaut lors d'un raid violent des forces israéliennes dans les camps de Tulkarem et de Nur Shams en Cisjordanie. Les ambulanciers volontaires formés par MSF ont été harcelés et ne se sentent plus en sécurité pour prodiguer des soins vitaux aux patients.

À l'heure où nous écrivons ces lignes, les forces israéliennes ont commencé leur offensive sur Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, et sur certaines parties du nord de l'enclave, et ont émis plusieurs ordres d'évacuation. L'offensive et les ordres d'évacuation réduisent encore l'accès aux soins dans un système de santé déjà décimé, ne laissant à la population pratiquement aucune option pour des soins médicaux de base. Entre le 6 et le 12 mai, MSF a dû suspendre ses activités à la clinique Al-Shaboura, remettre ses activités à l'hôpital Al-Emirati et a été contrainte de mettre fin à ses activités à l'hôpital indonésien de Rafah, car nous ne pouvions pas garantir la sécurité des patients et de notre personnel en raison de l'offensive en cours.

Au vu de cette longue liste d'actions répréhensibles, MSF appelle une fois de plus toutes les parties à respecter et à protéger les établissements de santé, le personnel soignant et les patients à Gaza et en Cisjordanie. Un cessez-le-feu immédiat et durable doit être mis en place à Gaza pour mettre fin aux souffrances des populations et à la destruction de Gaza. Nous exigeons un flux d'aide immédiat et sans entrave dans l'ensemble de la bande de Gaza. Nous demandons des explications pour nos collègues et les membres de leurs familles qui ont été tués ou blessés, ainsi que pour nos patients.

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