Osanatu Sento Bangura, responsable de l'activité sage-femme chez MSF, examine un nouveau-né quelques minutes après sa naissance en salle d'accouchement.
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Fausses couches ou complications de l'accouchement : le sort des femmes enceintes au Darfour

Le mercredi 26 mars 2025

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Alors que seuls quelques établissements de santé fonctionnent encore au Darfour, les femmes enceintes doivent entreprendre des voyages éprouvants pour se faire soigner. L'insécurité, les points de contrôle et les transports inabordables ou indisponibles les obligent à entreprendre des marches d'une journée à pied ou à dos d'âne, ce qui entraîne souvent des complications lors de l'accouchement, des fausses couches ou des décès. Médecins Sans Frontières intervient dans dix des 18 États du Soudan et constate les graves conséquences de la guerre sur les femmes et leur santé au Darfour et dans tout le pays.

Au Darfour occidental et central, de nombreuses femmes vivant dans des zones reculées des centres urbains accouchent à domicile, en utilisant des méthodes traditionnelles. La rareté des structures de santé, les distances à parcourir, l'insécurité routière et le coût des transports incitent souvent les femmes à ne consulter qu'après avoir rencontré des complications, mettant ainsi leur vie et celle de leur nouveau-né en grand danger.

Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), plus de 70 % des structures de santé dans les zones de conflit comme le Darfour sont à peine opérationnelles ou complètement fermées, privant des millions de personnes d'accès aux soins essentiels dans le contexte de l'une des pires crises humanitaires de l'histoire récente.

« Une mère a accouché à domicile et n'a pas pu retirer le placenta. Elle a alors saigné. Ils l'ont donc emmenée d'urgence à l'hôpital », se souvient Wendemagegn Tefera Benty, référente médicale de projet (PMR) à l'hôpital de Zalingei, au Darfour central. « La famille a dû la porter et, après une journée de marche, lorsqu'ils sont arrivés, elle était déjà décédée des suites de l'hémorragie. »

La guerre en cours au Soudan a de profondes répercussions sur la santé des femmes enceintes et de leurs bébés, notamment en termes d'accouchements prématurés. Elle a laissé des personnes sans emploi et perturbé l'accès à la nourriture et à l'eau potable. De ce fait, de nombreuses femmes enceintes arrivent à l'hôpital en état de malnutrition, ce qui affecte directement la santé de leurs bébés, entraînant souvent des naissances prématurées et la malnutrition chez l’enfant. Après leur naissance, ces bébés sont souvent admis dans des unités d'observation pour garantir leur survie et leur bien-être.

Fatna Abdllah, 20 ans, se repose aux soins intensifs avec son bébé d'un mois, admis pour une toux et recevant des médicaments et de l'oxygène.

« La plus grande difficulté est de parvenir à nourrir mes enfants. Je travaillais beaucoup pendant ma grossesse, et c'est peut-être pour cela que mon bébé est né faible. L'accès aux soins était également difficile, mais MSF a apporté son aide », a déclaré une patiente de 35 ans en maternité à l'hôpital de Murnei, au Darfour-Ouest.

L'hôpital de Zalingei, soutenu par MSF, est le seul hôpital de référence proposant des soins de santé secondaires à environ 500 000 personnes. Il n'existe aucun autre établissement de santé prenant en charge les accouchements dans la région. Au bloc opératoire de Zalingei, les équipes MSF pratiquent plus de 40 césariennes d'urgence par mois.

L'équipe de promotion de la santé de MSF s'entretient avec des patients dans la salle d'attente de l'hôpital de Murnei, au Darfour occidental, au Soudan.

Afaf Omar Yahya, 35 ans, souffrait de fortes douleurs abdominales chez elle, alors que sa grossesse était sur le point d'arriver à terme. Faute de moyens de transport au Darfour, elle n'a eu d'autre choix que de voyager pendant des heures à dos d'âne pour rejoindre l'hôpital de Zalingei. À son arrivée, le médecin l'a informée qu'elle avait fait une fausse couche et qu'elle devait subir une césarienne d'urgence. « Perdre mon bébé a été un immense chagrin pour moi », a confié Afaf lors de sa convalescence à la maternité.

La plupart des complications que nous recevons sont dues aux accouchements à domicile et à l'anémie pendant la grossesse », explique Virginie Mukamiza, responsable de l'activité sage-femme à l'hôpital de Zalingei.

Les femmes enceintes consultent en cas de saignements post-partum ou de septicémie. «La plupart des établissements de santé au Darfour ne sont plus que des bâtiments vides. Il n'y a ni personnel, ni médicaments, rien du tout. Avant la guerre, les populations avaient au moins accès à des centres de soins primaires près de chez elles. Aujourd'hui, elles doivent se tourner vers de grands hôpitaux éloignés », explique Osanatu Sento Bangura, responsable de l'activité sage-femme à l'hôpital de Murnei, soutenu par MSF, au Darfour occidental. Nombre de ces situations pourraient être évitées grâce à des consultations prénatales et à des systèmes d'orientation adéquats depuis les établissements de soins primaires, mais la plupart d'entre eux sont hors service depuis le début de la guerre ou dépendent de l'aide humanitaire, largement indisponible, pour assurer leurs services.

Sameera Abkir

"Je m'appelle Sameera Abkir et j'ai 25 ans. J'habite à Ab Doui, loin d'ici. Je ne sais pas exactement à quelle distance, mais c'est dans cette direction. J'ai accouché à la maison. Ce n'était pas facile. Après l'accouchement, j'ai eu une forte fièvre. Mon frère est allé à la pharmacie pour chercher des injections et me les a administrées. Mais ma main a commencé à me faire mal. Je ne savais pas ce qui n'allait pas."

Douze jours après son accouchement à domicile, Sameera s'est rendue à la clinique mobile de Romalia, dans une région reculée du Darfour-Ouest, pour se faire examiner avec son bébé. À son arrivée, elle souffrait d'une forte fièvre et de plaies infectées au bras. Elle souffrait et ne pouvait pas tenir son bébé correctement. Après plusieurs examens, les équipes MSF de la clinique ont découvert l'infection au bras. Elles ont rapidement désinfecté et pansé la plaie, puis prescrit un traitement.

"Je suis venue à l'hôpital car j'avais besoin d'un certificat de naissance pour mon bébé. Mais j'espérais aussi qu'on me donne des médicaments pour ma main. La douleur s'intensifiait. Je ne suis pas venue seule, mon mari m'a accompagnée. Nous avons fait le trajet en charrette, car l'hôpital est loin, trop loin pour y aller à pied. Le trajet était difficile, mais je n'avais pas le choix."

Sameera Abkir, 25 ans, est examinée par les médecins de MSF à la clinique mobile de Romalia, au Darfour-Ouest. Elle a développé une infection au bras suite à une injection mal administrée après un accouchement à domicile.

Halima Ishaq Osman

"Je m'appelle Halima Ishaq Osman, j'ai 38 ans. C'est ma cinquième grossesse et je me sens tout le temps malade. La douleur ne disparaît jamais. C'est la première fois que je viens à cette clinique. J'habite à Ammoshush, qui est très loin d'ici. Le trajet m'a pris une heure à dos d'âne, et c'était difficile.

Halima Ishaq Osman, 38 ans, est enceinte de son cinquième enfant. Après une heure de voyage à dos d'âne sous le soleil, elle est arrivée à la clinique mobile MSF de Romalia, au Darfour-Ouest.

Chez moi, nous n'avons pas de moyen de transport adapté. Je n'ai qu'un âne, et la distance est trop grande pour se déplacer facilement. C'est pourquoi, par le passé, j'accouchais à la maison. Je n'ai jamais été à l'hôpital. Je ne sais pas ce qui va se passer cette fois-ci, mais je m'inquiète. Depuis le début de la guerre, notre situation n'a pas changé, mais nous souffrons toujours. Il est quasiment impossible d'atteindre l'hôpital rapidement. Sans moyen de transport, nous utilisons une calèche traditionnelle, ce qui rend le trajet lent et difficile.

Parfois, les gens vont loin pour nous trouver un moyen de transport, ou nous cherchons un tuk-tuk pour emmener un patient à l'hôpital. Mais trop souvent, ce n'est pas assez rapide. Certains n'arrivent pas à temps. Ma grand-mère était l'une d'elles ; elle est décédée en route vers l'hôpital. J'espère simplement que les choses seront différentes pour moi."

Les conséquences profondes de la guerre menacent d'enfermer les femmes et les filles dans un cycle interminable de malnutrition, de déclin de la santé et de mortalité maternelle.

MSF réitère son appel à intensifier considérablement l'aide humanitaire vitale et l'accès aux soins de santé au Darfour. Les parties belligérantes doivent garantir un accès sans entrave à l'aide et lever les obstacles qui empêchent la population civile d'accéder aux soins de santé. L'engagement total des donateurs doit être assuré afin d'accroître et de pérenniser le financement nécessaire à la réponse humanitaire.

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