Une infirmière portant un Equipement de Protection Individuelle (EPI) avant d'entrer dans la zone du Centre de Traitement Ebola de Mubende, Ouganda
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Ebola : 4 choses à savoir sur la réponse à l’épidémie dans le Kasaï

Le jeudi 16 octobre 2025

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Depuis la déclaration de l’épidémie de maladie à virus Ebola le 4 septembre à Bulape (Kasaï), en République Démocratique du Congo, Médecins Sans Frontières a soutenu le ministère de la Santé dans la riposte. Dès les premiers jours, ses équipes ont assuré la prise en charge des patients et la construction de centres de traitement et d’isolement.

Maria Mashako

Le Dr Maria Mashako, coordonnatrice médicale de MSF en République Démocratique du Congo, revient sur cet appui alors que l’épidémie semble désormais contrôlée.

Quelle est la situation actuelle de l’épidémie ?

Maria Mashako : Plus d’un mois après la déclaration d’épidémie, la situation semble être sous contrôle. En un mois, une cinquantaine de cas ont été confirmés, mais aucun depuis fin septembre. Grâce à la surveillance mise en place par les autorités, beaucoup de cas suspects sont désormais identifiés, mais le nombre de nouveaux patients positifs à prendre en charge a chuté : au 14 octobre, il n’y avait plus qu’un seul patient confirmé dans le centre de traitement de Bulapé, et une quinzaine patients dits ‘suspects’, en attente des résultats de leurs tests.

À ce stade, il y a donc de bonnes raisons d‘être optimiste pour la suite, d’autant que la vaccination autour de tous les foyers a été réalisée. L'urgence étant passée, nous pourrions à terme entamer une passation et laisser les autres organisations gérer la suite de la prise en charge.

Qu’a fait MSF sur place ?

Maria Mashako  : Nous nous sommes concentrés sur la prise en charge médicale des patients et l’établissement de structures de soins et d’isolement

Dès la confirmation de l’épidémie, nous avons envoyé une équipe appuyer l’hôpital général de référence de Bulape, où plusieurs patients et soignants avaient déjà succombé à la maladie. Nous y avons renforcé en urgence les mesures permettant de réduire les infections, réorganisé le circuit des patients, fourni du matériel médical et des équipements de protection, et formé le personnel à la prévention, au contrôle des infections et aux soins symptomatiques.

Un centre de traitement d'Ebola (CTE) a été créé dans l'enceinte de l'hôpital et l'établissement a commencé à admettre ses premiers patients.
RDC: MSF soutient la riposte à l'épidémie d'Ebola dans le Kasaï
Le 4 septembre, le ministère de la Santé de la République démocratique du Congo (RDC) a officiellement déclaré une nouvelle épidémie de maladie à virus Ebola (MVE), souche Zaïre, dans la zone de santé de Bulape.

Parallèlement, nous avons mis en place, en collaboration avec le ministère de la Santé et l’OMS, un centre de traitement Ebola provisoire dans l’enceinte de l’hôpital pour accueillir les premiers patients en dehors des murs de cette structure.

Malheureusement, il y avait déjà eu de nombreux décès avant que la prise en charge et la réponse à l’épidémie ne soit sur pied. L’arrivée des équipes sur place, la mise en place du renforcement de soins hospitalier et l’utilisation de traitement spécifique ont permis de faire baisser la mortalité. Mais au final, plus de 40 personnes ont perdu la vie, parmi lesquelles une trentaine confirmées positives. 

Outre l’appui à l’hôpital puis au centre de traitement temporaire, nous avons aussi construit et géré un centre d’isolement à Mpianga, une des aires affectées, et mis sur pied avec l’OMS et le ministère de la Santé un centre de traitement plus adapté et plus performant à Bulape. Il comporte 32 lits- 16 pour les patients confirmés et 16 pour les patients suspects. Les premiers patients y ont été pris en charge le 10 octobre dans des conditions optimales.

 

Quels ont été les principaux défis depuis un mois ?

Maria Mashako : Le principal défi a été, de très loin, logistique. Bulapé, l’épicentre de l’épidémie, est une zone reculée, excessivement difficile d’accès par la route. Il a donc fallu compter sur des moyens aériens, et en particulier des hélicoptères. Il y avait énormément de choses essentielles à emmener, mais peu de possibilités de le faire. Ces difficultés ont considérablement affecté le déploiement rapide du personnel, des équipements, des vaccins et des traitements. Or, sur place, tout manquait lorsque nous sommes arrivés. Rien que pour alimenter l’hôpital en eau, nous avons dû installer 1,5 kilomètre de canalisations. Et le nombre de morts qu’il y avait eu avant notre arrivée avait créé un sentiment de panique, avec de nombreux patients qui s’étaient enfuis de l’hôpital. 

Les premiers jours de la réponse ont donc été très difficiles. Heureusement, une fois les équipes du Ministère, de MSF et de l’OMS sur place, la communauté s’est fortement mobilisée pour mettre en place la réponse. La confiance est revenue, les patients qui s’étaient enfuis sont eux aussi revenus, et la communauté a joué un rôle essentiel dans la construction du nouveau centre de traitement, transportant les matériaux à la main pour accélérer les travaux. Grâce à sa participation active, la structure a pu être finalisée. Leur engagement a vraiment été déterminant.

 

Quelles doivent être les priorités maintenant ?

Maria Mashako : À court terme, il faut que les différents partenaires de la réponse continuent à mettre en œuvre les activités des différents piliers en redoublant de vigilance : surveillance ; vaccination ; prise en charge, suivi des cas contacts, etc. L'évolution à ce niveau sera déterminante pour définir les prochaines étapes. La bonne chose est que cette réponse devrait laisser en héritage, au niveau local, une amélioration des capacités et des moyens pour identifier et faire face à la maladie à virus Ebola et à d’autres maladies à caractère épidémique, des ressources humaines mieux formées et des plans de contingence plus solides.

De façon plus structurelle, cette épidémie nous rappelle également une deuxième priorité cruciale : celle de ne pas se focaliser uniquement sur la lutte contre le virus Ebola mais de renforcer le système de santé dans son ensemble. Dans la zone affectée, la mobilisation s’est logiquement faite pour stopper l’épidémie, mais l’hôpital et les centres de santé peinent à soigner les pathologies les plus courantes. L’expérience démontre que l’après-Ebola se prépare avec un système de santé global capable de répondre aux besoins de tous, pendant et après l’épidémie. Le renforcement et la gratuité des soins de santé primaire est un pilier central de la réponse aux épidémies. Cette épidémie est une nouvelle opportunité d’avancer en ce sens, et c’est le souhait exprimé par les autorités sanitaires. À côté de ces réponses d’urgence, d’autres tueurs silencieux sont en effet à l’œuvre en RDC, comme le paludisme qui a fait plus de 21.000 victimes dans le pays en 2024, mais pour lequel le pays fait face à une rupture de stock en tests rapides et traitements antipaludéens.

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