« Vous allez mourir ici » – MSF rapporte des abus dans les centres de détention libyens
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Au cours de l'année 2023, jusqu'à ce que MSF mette fin à ses activités médicales à Tripoli en août, les équipes de MSF ont observé et documenté les conditions de vie et les abus à l'intérieur des centres de détention d'Abu Salim et d'Ain Zara, où des milliers de personnes, y compris des femmes et des enfants, continuent d'être détenues arbitrairement. Leurs conclusions figurent dans un rapport intitulé « Vous allez mourir ici » - Les abus dans les centres de détention d'Abu Salim et d'Ain Zara - publié aujourd'hui par MSF.
Les réfugiés, demandeurs d'asile et migrants détenus dans les centres de détention de Tripoli, en Libye, ont été agressés, abusés sexuellement, battus, tués et systématiquement privés des conditions humaines les plus élémentaires, notamment d'un accès adéquat à la nourriture, à l'eau, à l'assainissement et aux soins médicaux, déclare MSF.
« Nous sommes toujours horrifiés par ce que nous avons vu dans les centres de détention d'Abu Salim et d'Ain Zara », déclare Federica Franco, chef de mission MSF pour la Libye.
« Les gens sont totalement déshumanisés, exposés chaque jour à des conditions et à des traitements cruels et dégradants ».
Selon les équipes de MSF qui ont prodigué des soins médicaux dans les deux centres, les gardiens ont fréquemment recours à une violence massive et aveugle, souvent pour punir ceux qui désobéissent aux ordres, demandent des soins médicaux ou de la nourriture supplémentaire, ou en représailles à des protestations ou à des tentatives d'évasion.
Au centre de détention d'Abu Salim, où seuls les femmes et les enfants sont détenus, des femmes ont raconté qu'elles avaient été soumises à des fouilles à nu, à des fouilles corporelles intimes, à des passages à tabac, à des agressions sexuelles et à des viols. Ces abus ont été perpétrés par des gardiens mais aussi par des hommes, souvent armés, venus de l'extérieur du centre de détention.
Une femme détenue à Abu Salim a raconté qu'elle avait été emmenée à l'extérieur de la cellule par une gardienne, en compagnie de deux autres femmes :
Cette nuit-là, elle [la gardienne] nous a emmenées dans une autre pièce de la prison, où se trouvaient des hommes sans uniforme, mais qui étaient peut-être des gardiens ou des policiers », a déclaré une femme détenue à Abu Salim. « Lorsque mon tour est arrivé, la femme m'a dit que si j'avais des relations sexuelles avec lui, je pourrais sortir. J'ai commencé à crier. Elle m'a sortie et m'a frappée avec un tuyau, puis on m'a ramenée dans la grande pièce avec les autres femmes. Là, elle m'a dit : ‘‘Tu vas mourir ici’’ ».
Au centre de détention d'Ain Zara, les hommes détenus ont parlé à l'équipe de MSF de pratiques de travail forcé, d'extorsion et d'autres violations des droits de l'homme, dont la mort d'au moins cinq personnes suite à des violences ou au manque d'accès à des soins médicaux vitaux. Les équipes de MSF ont documenté 71 incidents violents qui ont eu lieu entre janvier et juillet 2023, et les médecins ont traité des blessures telles que des fractures osseuses, des plaies aux bras et aux jambes, des yeux tuméfiés et des troubles de la vision.
Après sept ans d'assistance médicale et humanitaire à Tripoli, la situation épouvantable dont nous avons été témoins dans les centres de détention libyens est une répercussion directe des politiques migratoires néfastes de l'Europe visant à empêcher les gens de quitter la Libye à tout prix et à les renvoyer de force dans un pays qui n'est pas sûr pour eux », déclare M. Franco.