VIH/SIDA en Guinée : Derrière les avancées, il demeure d’importants défis
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- Dans le cadre de la Journée mondiale de lutte contre le VIH/SIDA, le 1er décembre, Médecins Sans Frontières (MSF) met en avant son projet à Conakry, qui célèbre ses 20 ans d’existence cette année.
- À cette occasion Nicolas De Meis, membre du département Communication et récolte des fonds pour MSF Luxembourg, s’est rendu à Conakry du 18 septembre au 02 octobre dernier, accompagné de la photographe artistique Namsa Leuba, pour y recueillir le témoignage et les portraits des acteurs du projet depuis 20 ans.
C’est en 2003, en Guinée, que les équipes de MSF débutaient la prise en charge des patients atteints du VIH grâce au traitement d’antirétroviraux. Il y a 20 ans, l’organisation ouvrait des centres de dépistage et de traitement gratuits. En 2023, malgré d’importants progrès réalisés, certaines lacunes subsistent en matière de dépistage et de traitement et MSF reste l'un des principaux acteurs de la lutte contre cette maladie.
« C'était au début des années 2000, j'étais tout le temps malade, je voyais beaucoup de médecins, mais aucun ne savait me dire de quoi je souffrais », se souvient Maïmouna Diallo, connue sous le nom de Mouna, point focal de la société civile.
Mon grand frère, qui vivait en Europe, m'a aidée financièrement et m'a envoyé faire un test de dépistage dans une clinique en Angleterre. Même si je ne comprenais pas ce que les médecins disaient, j'ai compris que c'était grave ».
Malgré la stigmatisation douloureuse de la part de certains membres de sa famille, Mouna a eu la chance de bénéficier du soutien de sa famille et surtout de son frère, qui a payé son traitement antirétroviral provenant de l'étranger. « Il m'a dit qu'il m'aiderait quoi qu'il arrive, même s'il devait vendre sa maison », ajoute-t-elle.
En raison du coût et de la difficulté à trouver des médicaments, certains patients ont parfois interrompu leur traitement. Certains ont alors développé une résistance aux médicaments de première ligne, ce qui a compliqué la recherche d'un traitement efficace.
En 2004, MSF a été la première organisation à fournir gratuitement des médicaments antirétroviraux (ARVs) aux patients atteints du VIH en Guinée.
Trois années après, ils devenaient disponibles gratuitement dans le pays. Les dix années suivantes, le nombre de patients atteints du VIH sous traitement a rapidement augmenté. Aujourd'hui, nous prenons en charge 16 425 patients séropositifs, repartis dans huit centres de santé dans la ville de Conakry, ce qui représente 20% de la cohorte nationale sous traitement, c’est-à-dire 86 000 personnes.
Des modèles de soins innovants
Grâce au traitement ARVs, le VIH devient une maladie chronique gérable, qui permet de vivre longtemps et en bonne santé. Mais à condition que les patients prennent leur traitement ARVs tous les jours sans faute. Ce qui peut s'avérer plus compliqué qu'il n'y paraît, surtout lorsque cela nécessite une visite mensuelle chez le médecin dans un pays où les professionnels de la santé sont peu nombreux. Pour résoudre ce problème, les équipes de MSF en Guinée ont développé le programme du « rendez-vous à six mois » (connu sous le nom de R6M).
Ce programme s'est avéré fructueux. En 2022, 92 % des patients inscrits au programme R6M de MSF étaient toujours pris en charge après 12 mois, contre 61 % des personnes inscrites au programme régulier. Dans le même esprit, MSF a introduit en Guinée d'autres modèles de soins simplifiés et efficaces, développés ailleurs, tels que la distribution des traitements ARVs (PODI), d'abord pilotés par MSF en République démocratique du Congo en 2010 introduits en Guinée en 2020.
Implications pour la communauté
MSF gére la seule unité de soin du pays pour les patients à un stade avancé de la maladie. J’ai pu découvrir les progrès qui ont été fait en deux décennies au niveau des traitements, de la prise en charge des patients atteint du VIH, mais aussi au niveau de la sensibilisation qui reste encore un enjeu important en Guinée.
Malgré les évolutions positives, des questions subsistent encore, notamment celle de savoir si l’Etat pourra un jour offrir la même qualité de soin que MSF offre actuellement. », explique Nicolas de Meis, membre du département communication et fundraising de MSF Luxembourg.
« Au-delà de ça, c’était vraiment intéressant pour moi de voir le travail des équipes ‘de l’autre côté du miroir’, sur le terrain, moi dont le quotidien est plutôt de relayer les informations qui en viennent, cette fois, j’étais à l’initiative », conclut Nicolas de Meis.
Des lacunes importantes subsistent
Vingt ans après, malgré les innovations et les progrès dans la prise en charge du VIH en Guinée, des défis subsistent en termes de prévention, de dépistage, de traitement et de financement.
Aujourd'hui, tous les établissements de santé de Guinée n'offrent pas tous les soins complets et gratuits aux patients séropositifs. En raison des obstacles financiers et de la stigmatisation, de nombreux patients arrivent encore trop tard et à un stade avancé à l'unité VIH de MSF à l'hôpital Donka. Les ruptures de stock d'ARVs sont récurrentes et la chaîne d'approvisionnement est parfois défectueuse. En outre, de nombreux professionnels de la santé ne sont pas suffisamment formés à la prise en charge du VIH et de ses comorbidités.
Les enfants, en particulier, sont confrontés à des problèmes d'accès au dépistage et au traitement du VIH.
Aujourd'hui, 11 000 enfants âgés de 0 à 14 ans vivent avec le VIH, et seuls 3 612 d'entre eux sont sous traitement ARVs.
Le VIH/SIDA en Guinée Conakry : Les portraits vivants réalisés par Namsa Leuba
Pour photographier la thématique du VIH Sida en Guinée, MSF a fait confiance à Namsa Leuba, une des références de la photographie mêlant art et documentaire. De père suisse et de mère guinéenne, elle est connue internationalement pour son regard sensible, à la fois empathique et politique sur l’identité africaine.
Ce que je cherche dans ces cas-là c’est de capter leur beauté intérieure, qu’ils dévoilent devant l’objectif un fragment de leur âme. C’était également ma démarche sur ce projet ; sauf qu’ici je n’ai pas choisi mes modèles, c’était des volontaires, employés ou partenaires de Médecins Sans Frontières. Au fur et à mesure des quatre jours de shoot on a appris à se connaître, à se faire confiance. L’atmosphère était détendue, conviviale, il y avait toujours quelques personnes qui restent assister aux séances de shooting. Mais on ne peut pas se livrer devant des collègues ! Il a fallu créer de l’intimité, de la confiance. Mon rôle était de les guider. Je leur disais « je veux que tu te sentes belle, comme une reine. Montre-moi ». Et, peu à peu, leur lumière intérieure rejaillissait." Namsa Leuba, photographe.