Des femmes transportent des meubles et des marchandises dans une zone inondée de l'État d'Unité.
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Soudan du Sud : plusieurs mois après les inondations, des centaines de milliers de personnes vivent toujours dans des conditions précaires

Le vendredi 7 janvier 2022

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Lorsque le niveau des eaux de crue a commencé à monter dans son village, Nyabeel (les noms ont été changés pour protéger l’identité des personnes), 21 ans, et son mari étaient tiraillés quant à la décision à prendre. Quitter leur terre, dont ils dépendaient pour se nourrir, a été un choix difficile à faire. « Nous avons pris trois jours pour déménager. C’était compliqué avec quatre enfants et un troupeau de chèvres », raconte-t-elle.

Dans son village, Nyabeel comptait sur la culture de ses terres et le lait de ses chèvres pour se nourrir. « Nous avions une vie plus stable qu’aujourd’hui, maintenant nous mangeons un repas composé de maïs par jour ». Nyabeel a amené son enfant d’un an à la clinique mobile de MSF dans le camp de Kuermendoke, dans la ville de Rubkona, pour un traitement contre la malnutrition sévère et pour les vaccins essentiels. Kuermendoke est l’un des trois camps qui comptent un pourcentage élevé d’enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition aiguë sévère.

Notre enquête nutritionnelle a démontré que la prévalence de la malnutrition aigüe sévère dans les camps est bien supérieure au seuil d’urgence de 2% fixé par l’Organisation Mondiale de la Santé ». Dr Reza Eshaghian, responsable de l’équipe médicale MSF en charge de la réponse s’urgence aux inondations

Un enfant est pesé dans une clinique mobile sur Rubkona. Le personnel de MSF et les patients dans une clinique mobile à Rubkona.
Nyanhial et bébé Chuong. Les enfants hospitalisés ont tous un problème secondaire à la malnutrition. Le responsable clinique Koang Elijah : « Les gens marchent pendant des jours dans l'eau pour venir ici ». Une femme du service de soins communautaires de MSF dans le camp de déplacés de Protection of Civilans travaille avec des femmes pour discuter de la violence sexuelle et sexiste.

« L’impact des inondations est palpable »,  poursuit Dr. Eshaghian.

Lorsque vous marchez dans les camps, vous voyez des enfants mal nourris, des personnes qui recueillent de l’eau sale des inondations pour la boire, du bétail qui s’effondre et leurs carcasses partout. Ces mauvaises conditions ont un impact sur la santé des populations ».

Selon les premières études de l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), environ 65 000 hectares de terres cultivées ont été endommagés par les inondations, tandis que plus de 800 000 têtes de bétail sont mortes dans huit des dix Etats du Soudan du Sud. Ayant perdu une grande partie de leur cheptel, de nombreuses femmes déplacées doivent se contenter de ramasser du bois de chauffage pour se procurer un revenu. L’augmentation des prix des produits alimentaires de base rend cependant l’accès à la nourriture plus difficile pour les personnes déplacées.

Avec une augmentation de 80% des admissions au centre d’alimentation thérapeutique pour patients hospitalisés, MSF a ouvert un troisième service dans son hôpital du camp de déplacés de Bentiu. Les équipes MSF dirigent également des cliniques mobiles qui se rendent dans les camps de la région de Mayom et des environs, à Bentiu et à Rubkona, pour traiter le paludisme, la malnutrition et la diarrhée aqueuse aiguë.

Pour la plupart des personnes déplacées, il est devenu presque impossible de trouver de l’eau potable.

Notre seule source d’eau pour boire, cuisine et nous laver est l’eau des inondations » explique Nyapal, mère de quatre enfants

Dans l'État d'Unity, le niveau des eaux continue de monter même si les pluies ont cessé. Les villages sont toujours inondés car leurs digues cèdent. Des familles continuent aussi d'arriver à Bentiu, après avoir marché pendant des jours. Des personnes dans un canoë naviguent sur les eaux de crue à Bentiu, où les maisons et les moyens de subsistance des gens (cultures et bétail), ainsi que les établissements de santé, les écoles et les marchés, sont complètement submergés.
Un homme patauge dans les eaux de crue dans le pays de Rubkona à Bentiu pendant qu'il pêche. Nyataba et sa famille ont marché dans l'eau pendant quatre jours et viennent d'atteindre la sécurité comparative à Bentiu. Les digues protégeant son village ont cédé et ils ont dû partir.

Avant les inondations autour de Bentiu, les installations sanitaires du camp de déplacés étaient déjà dans un état critique et rarement entretenues. « Pendant un certain temps, les inondations ont rendu impossible l’accès aux bassins de traitement des déchets. Cela a entrainé une accumulation d’eaux usées dans les latrines du camp, qui ont ensuite débordé dans les canaux d’égouts ouverts, où les enfants jouent fréquemment », explique Cawo Yassin Ali, responsable eau et assainissement au sein de l’équipe d’urgence de MSF déployée pour la réponse aux inondations.

Afin de réduire le risque d’épidémies, MSF a mis en place une station d’épuration à l’intérieur du camp pour contenir et traiter les déchets fécaux » Cawo Yassin Ali, responsable eau et assainissement au sein de l’équipe d’urgence de MSF

Alors que le niveau des eaux commence lentement à baisser autour de Bentiu, Nyabeel, Nyapal et des milliers d’autres personnes déplacées ne savent toujours pas quand elles pourront retrouver leur domicile. « Nous n’avons rien ici, nous sommes venus les mains vides, le village est recouvert d’eau, et nous ne savons pas quand cela va sécher », dit Nyabeel.

Tant que les personnes ne pourront pas rentrer chez elles, elles seront contraintes de continuer à vivre dans ces conditions précaires. Cela pose un défi supplémentaire aux acteurs humanitaires, qui doivent ne pas perdre de vue la réponse aux besoins immédiats tout en reconnaissant la nature prolongée de cette crise et en respectant les normes correspondantes au-delà du seuil d’urgence initial.

« Les besoins sont immenses, notamment en matière d’abris, d’eau potable et d’infrastructures sanitaires, de soins de santé de qualité, de sécurité alimentaire et de soutien aux moyens de subsistance », explique le Dr Eshaghian.

Les acteurs humanitaires, les donateurs et le gouvernement sud-soudanais doivent agir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard. Ils ne peuvent pas se permettre d’attendre plus longtemps » Dr Reza Eshaghian, responsable de l’équipe médicale MSF en charge de la réponse s’urgence aux inondations

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