Suado Hassan Mohamed, 22 ans, tient son fils de 11 mois, Abdirahman Abdilatif, dans le service pédiatrique de l'hôpital régional de Bay, soutenu par MSF. Résidente de Baidoa, Suado a amené son fils pour qu'il soit soigné, car il est actuellement pris en charge pour malnutrition. Somalia, juin 2024 © Mohamed Ali Adan/MSF
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Somalie : crise nutritionnelle aggravée par la sécheresse et le manque de fonds

Le vendredi 14 mars 2025

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La Somalie fait face à une grave crise de malnutrition, exacerbée par des sécheresses prolongées, un conflit persistant, une instabilité économique et un système de santé fragile. Les régions de Baidoa et de Mudug, où Médecins Sans Frontières (MSF) intervient, illustrent la crise qui se déroule dans tout le pays, avec des milliers d'enfants exposés à un risque immédiat de malnutrition sévère et ses conséquences potentiellement mortelles.

Les déficits chroniques de financement ont paralysé les efforts humanitaires, forçant des programmes nutritionnels vitaux à réduire leurs activités ou à fermer. La menace imminente d'une sécheresse provoquée par La Niña en 2025 pourrait pousser une population déjà vulnérable au bord du gouffre. MSF lance un appel urgent aux donateurs et aux organisations humanitaires pour qu'ils agissent immédiatement afin de prévenir des souffrances généralisées, car les conséquences pourraient être catastrophiques.

 

L’ultime espoir d'un père pour sauver la vie de ses enfants

Kalimow Mohamed Nur n'avait pas d'autres choix que de tenter le tout pour le tout. Avec ses jumeaux affaiblis par la faim, leurs petits corps fragilisés par des épisodes répétés de vomissements et de diarrhée, il a emprunté juste de quoi financer un jour de voyage — un montant qu'il mettrait des mois à gagner — et s'est lancé dans un périple éprouvant vers Baidoa. La route était longue, la chaleur implacable, mais la promesse de soins médicaux gratuits à l'hôpital régional de Bay représentait son dernier espoir.

Kalimow Mohamed Nur, père dont les enfants sont actuellement soignés pour malnutrition aiguë sévère à l'hôpital régional de Bay à Baidoa, en Somalie. © Mohamed Ali Adan/MSF

J'ai dû emprunter environ 130 dollars et parcourir 300 kilomètres jusqu'à Baidoa pour trouver des soins médicaux gratuits », explique Kalimow, dont les jumeaux ont reçu un traitement pour malnutrition aiguë sévère à l'hôpital régional de Bay soutenu par MSF. 

« Ils étaient si petits, et nous pouvions à peine nous permettre assez de nourriture. Ils tombaient malades constamment. »

 

L'histoire de Kalimow — marquée par la pauvreté, la distance et l'absence de services locaux — reflète les dures réalités qui empêchent d'innombrables familles d'accéder aux soins. En Somalie, les traitements vitaux sont devenus un privilège accessible à quelques-uns seulement.

Une crise chronique en Somalie

À Baidoa et Mudug, la malnutrition n’est plus un défi saisonnier, mais une crise persistante. « Nous observons des taux élevés de malnutrition, pas seulement pendant les périodes habituelles de soudure », déclare Jarmilla Kliescikova, coordinatrice médicale de MSF en Somalie. Elle ajoute : 

C'est une crise chronique qui exige une intervention soutenue. »

En 2024, les équipes de MSF ont traité 18 066 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère dans l'ensemble de ses projets en Somalie, une augmentation significative par rapport à l'année précédente. À Mudug, les admissions aux programmes de nutrition ambulatoires ont augmenté de 250 %, portées par des besoins croissants et une intensification des efforts de sensibilisation. À Baidoa, les admissions ont également augmenté en 2024, témoignant du désespoir croissant des familles en quête de soins. Pourtant, ces efforts ne font qu'effleurer la surface du problème.

Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), environ 1,7 million d'enfants ont souffert de malnutrition aiguë en 2024, dont 430 000 de malnutrition aiguë sévère.

Bien que cruciales, les interventions de MSF n'ont couvert qu'environ 1 % de la population malnutrie, illustrant l'ampleur alarmante de la crise et l’urgence d’un soutien accru.

Les conflits et le changement climatique ont provoqué des déplacements massifs, forçant les populations à s'installer dans des régions aux ressources déjà limitées. Des sécheresses répétées ont dévasté l'agriculture, laissant des familles qui dépendaient autrefois de l'agriculture et de l'élevage incapables de subvenir à leurs besoins. Dans les sites de déplacement, la prévalence de la malnutrition sévère et modérée est alarmante, tandis que les centres de santé surchargés peinent à faire face.

Une infirmière MSF mesure la circonférence moyenne du haut du bras (MUAC) d'un enfant de 18 mois au centre de proximité décentralisé soutenu par MSF près du camp de déplacés d'Afmadow à Baidoa. Juin, 2024 © Bishar Mayow/MSF
Des mères font la queue pour mesurer le poids de leurs enfants dans un centre de proximité décentralisé soutenu par MSF près du camp de déplacés d'Afmadow. Juin, 2024 © Bishar Mayow/MSF

Les insuffisances de financement contraignent les programmes essentiels

Agravant encore la crise, les pénuries de financement ont gravement affaibli la réponse humanitaire. Selon l'OCHA, 56 % des besoins de financement humanitaire de la Somalie ont été couverts en 2022, mais ce taux est tombé à seulement 40 % en 2024. À Baidoa, par exemple, plusieurs programmes de nutrition ont réduit leurs activités depuis plus d’un an. Dans les deux régions, des services essentiels, tels que les centres d'alimentation thérapeutique et les soins de santé primaires, sont réduits ou interrompus.

« La fermeture de ces programmes a créé un vide dramatique », déclare Mohammed Ali Omer, responsable des programmes de MSF en Somalie. 

Des enfants en besoin vital d’aliments thérapeutiques sont refusés. Seules quelques communautés ont accès aux vaccinations, les exposant davantage aux maladies évitables et alimentant un cercle vicieux de malnutrition. Ce n'est pas seulement une crise — c'est une catastrophe qui se déroule sous nos yeux. », poursuit-Il.

Une crise imminente que le monde peut encore prévenir

Alors que la Somalie fait face à des sécheresses persistantes, une menace encore plus grave se profile : une sécheresse liée à La Niña, attendue en 2025. Ce phénomène climatique, qui refroidit les eaux de surface des océans, perturbe les régimes météorologiques mondiaux et réduit souvent les précipitations en Afrique de l'Est. Avec des réserves d’eau déjà épuisées et une production alimentaire affaiblie par les sécheresses successives, l’impact pourrait être catastrophique, contraignant davantage de familles à fuir et aggravant la malnutrition. La fréquence et l’intensité croissantes des sécheresses réduisent les périodes de répit, tandis que la flambée des prix alimentaires rend la survie encore plus difficile pour les plus vulnérables.

Personnel MSF expliquant à une mère comment donner à son bébé un supplément nutritif prêt à l'emploi, dans le centre de proximité décentralisé géré par MSF près du camp d'Elbet-I, à Baidoa, en Somalie. Juin, 2024 © Bishar Mayow/MSF
Un groupe de mères faisant la queue pour mesurer la taille et le poids de leurs enfants, afin de recevoir des compléments nutritionnels prêts à l'emploi dans le centre de proximité décentralisé soutenu par MSF près du camp de déplacés d'Eelbet-I, à Baidoa. Juin, 2024 © Bishar Mayow/MSF

Sans un soutien immédiat et soutenu, des milliers d'enfants risquent non seulement de mourir de faim, mais aussi de souffrir d'une immunité affaiblie, d'une vulnérabilité accrue aux maladies et de dommages irréversibles au développement. Le système de santé, déjà fragilisé par une demande incessante, est au bord de l’effondrement alors que les épidémies et complications se multiplient. 

MSF appelle d’urgence les donateurs et gouvernements à agir maintenant — avant que la sécheresse de 2025 ne frappe. Il est impératif d'intensifier les traitements nutritionnels, d'élargir la distribution alimentaire et de renforcer les services de santé pour sauver des vies tant qu'il est encore possible.

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