Dans chaque salle d'observation des patients atteints de MPOX, au moins trois infirmiers, accompagnés d'un membre de l'équipe MSF, assuraient un suivi rapproché des patients.
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RDC : Assurer des soins de santé des deux côtés de la ligne de front au Sud-Kivu

Le mercredi 28 mai 2025

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Nous avons tout perdu”, confie Vianney*, un villageois déplacé des collines avoisinantes de Kamanyola, au Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo (RDC). “Nos champs sont envahis par des hommes armés et nous n'avons pas les moyens de payer les soins. J'ai peur pour la santé de mes enfants”.

Depuis le début de l'année, l'intensification des affrontements dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), entre le groupe armé M23/Alliance Fleuve Congo (AFC) et l'armée congolaise (FARDC), soutenus par leurs alliés respectifs, s'est rapidement étendue jusqu'à la province voisine du Sud Kivu, aggravant la crise humanitaire. La prise de la capitale du Sud Kivu, Bukavu, par le M23/AFC en février a marqué une expansion significative de leur contrôle territorial, exerçant une pression sur les provinces voisines.

La ligne de front actuelle à Katogota, dans le Sud-Kivu, coupe en deux la route reliant les villes de Bukavu et d’Uvira, limitant considérablement l’accès des communautés et les isolant de part et d'autre. Prises dans les violences, les communautés ont été dû fuir vers les collines voisines ou ailleurs, contraintes de vivre dans des conditions précaires, sans accès à l’eau potable et aux soins de santé.

En réponse, Médecins Sans Frontières (MSF) a déployé des équipes d'urgence pour fournir des soins vitaux aux communautés dans les villes d’Uvira et Kamanyola, situées des deux côtes de la ligne de front. Ces efforts visent à renforcer l'accès aux soins dans une région marquée par un système de santé affaibli, des épidémies récurrentes et une pénurie d'approvisionnements médicaux.

Carte des activités MSF en RDC, 2025.

Uvira : Une ville sous pression et une communauté en situation de vulnérabilité

L’avancée du M23/AFC jusqu’à Katogota continue d’exercer une pression sur Uvira, sous contrôle gouvernemental.

Nous avons tous paniqué lorsque nous avons entendu des coups de feu à l'intérieur de l'hôpital. Quand les tirs ont cessé, j'ai demandé à partir même si mon fils était encore malade ; je ne me sentais pas en sécurité », se rappelle Aisha, une jeune mère qui veillait sur son fils de 10 mois au centre de traitement mpox à l’hôpital général d’Uvira.

En février, les communautés avaient décrit de fortes violences et des affrontements dans la ville entre l'armée congolaise (FARDC) et leurs alliés présumés, les combattants Wazalendo - une coalition de groupes armés opposés au M23/AFC. Les installations médicales n'ont pas été épargnées par les tirs, affectant directement l’accès aux soins des patients.

Les équipes MSF, présentes à Uvira depuis septembre 2024 pour répondre à une épidémie de mpox, étaient sur place lors des affrontements de février. En dépit des défis, elles ont continué à fournir du matériel médical et ont lancé des interventions d’urgences, dès que la situation sécuritaire le permettait.

Depuis le début des affrontements dans la région, Uvira abrite plus de 250 000 personnes déplacées avec des besoins croissants en nourriture, en soins de santé et en assistance humanitaire.

“C’est dans ce contexte que nous avons intensifié notre réponse pour renforcer les capacités de prises en charge des blessures de guerre, de cas de choléra, et des victimes et survivantes de violences sexuelles“ explique Dr Aurora Revuelta, responsable médicale MSF à Uvira. Depuis février, MSF a traité, en collaboration avec le ministère de la santé, près de 400 blessés de guerre et 800 cas de choléra dans trois centres de traitement spécifiques. MSF a également réhabilité plusieurs points d'eau potable, contribuant ainsi à la prévention des maladies à potentiel épidémique.

Les équipes MSF de l'Unité d'intervention d'urgence du Sud-Kivu (SKERU) répondent aux besoins des habitants de Kamanyola, une ville proche de la ligne de front et touchée par le conflit de février 2025, en RDC.

Kamanyola : Rétablir l’accès aux soins dans un contexte d’urgence

“Nous avons souffert dans les champs où nous étions déplacés” explique Jeannette, une villageoise de 28 ans.

J’ai perdu deux de mes enfants car nous ne pouvions pas accéder aux soins médicaux. Nous avons dû les enterrer comme des animaux, sans pouvoir leur donner une sépulture digne”.

De l’autre côté de la ligne de front, la situation est tout aussi complexe dans la ville de Kamanyola, proche de Katogota. Cette localité, sous contrôle du M23/AFC, a également vu son système de santé fragilisé par la violence. Lors des premiers affrontements, la population a fui vers les collines avoisinantes pendant quelques semaines.

Alors qu’une certaine stabilité a été rétablie en ville, permettant à une partie de la communauté de revenir, la plupart des combats continuent de se dérouler dans les collines aux alentours, rendant l’accès aux champs impossible et augmentant l’insécurité pour les communautés des petits villages aux alentours.

En réponse, MSF a lancé une intervention d’urgence à la mi-mars pour soutenir les besoins médicaux et les structures locales à Kamanyola. “Notre priorité était de soutenir l’hôpital général et les centres de santé environnants, qui manquaient d’intrants médicaux. Nous avons renforcé la gestion des blessés de guerre, fourni du matériel médical et mis en œuvre des activités d’assainissement pour prévenir la propagation des maladies”, explique Dale Koninckx, coordinateur projet MSF sur place.

Grâce à l'appui de MSF, 7 500 consultations médicales gratuites ont pu être réalisées pendant huit semaines avec le ministère de la Santé, dont près de 40 % chez des enfants de moins de cinq ans, avec majoritairement des cas de paludisme, d'infections respiratoires aiguës, et de diarrhées.

Les équipes de MSF ont également veillé à améliorer les conditions d’hygiène dans les structures de santé soutenues, notamment en réhabilitant des réservoirs d’eau, en vidant des fosses septiques à l’hôpital, et en raccordant plusieurs centres de santé à l’eau. Plus de 14 000 m³ d’eau ont été distribués au cours de l’intervention, un effort crucial pour prévenir la propagation des maladies.

Le superviseur de l'eau et de l'assainissement de MSF organise une formation pour les membres de la communauté qui aident à chlorer l'eau et à la rendre potable, ville de Kamanyola, Sud-Kivu, RDC, avril 2025.

Un défi logistique majeur, où l’accès humanitaire est de plus en plus restreint

L’insécurité persistante a rendu la route entre Bukavu, Kamanyola et Uvira quasiment infranchissable, rendant impossible la circulation des organisations humanitaires entre les deux côtés de la ligne de front. Pour surmonter cette situation, MSF s'est adapté en traversant différents pays pour acheminer l’aide et fournir des soins de chaque côté.

« La situation sanitaire était déjà précaire, mais aujourd’hui, elle est devenue encore plus critique” explique Olivier Pennec, chef des programmes MSF au Sud-Kivu. “L’absence d’acteurs humanitaires, combinée aux difficultés d'accès à la région—qu'elles soient physiques, logistiques ou sécuritaires— ajoute à la complexité ».

Alors que l'accès aux soins de santé se détériore en raison de la diminution des acteurs humanitaires sur le terrain et des réductions budgétaires des États-Unis, MSF reste l'une des rares organisations présentes et fournissant des soins médicaux aux communautés prises dans cette zone.

*Les noms ont été modifiés pour des raisons de sécurité.

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