Nord-ouest du Nigéria : des niveaux de malnutrition extrêmement critiques dans certaines régions
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Les conclusions d'une enquête menée par Médecins Sans Frontières (MSF) révèlent des niveaux de malnutrition extrêmement critiques dans le nord-ouest du Nigeria. Dans certaines zones, les niveaux de malnutrition aiguë globale ont doublé depuis l'année dernière, alors que la situation était déjà considérée comme désastreuse. L'enquête a été menée sur 2 066 enfants de trois zones de l'État de Katsina, en collaboration avec Epicentre et le ministère de la Santé de l'État de Katsina. L'aide humanitaire, déjà largement insuffisante dans la région, risque de diminuer encore aujourd'hui. Sans une augmentation immédiate et massive de cette aide, l'année 2025 s’annonce encore plus meurtrière.
L'enquête menée dans les localités de Katsina, Jibia et Mashi montre qu'une crise nutritionnelle majeure est en cours avec plus de 30% des enfants souffrant de malnutrition aiguë globale (MAG) dans certaines zones et des taux de malnutrition aiguë sévère (MAS) entre 6,8% et 14,4%. Les habitants de ces régions se trouvent au niveau « extrêmement critique » de malnutrition aiguë selon l’échelle standardisée de la sécurité alimentaire, l’IPC. MSF a continué à observer une augmentation des admissions pour malnutrition depuis la fin de l’enquête.
Temmy Sunyoto, Senior Operational Research Advisor chez LuxOR (l’unité de recherche opérationnelle de MSF Luxembourg), a visité l'état de Borno, où se trouve Maiduguri, en octobre 2024 dans le cadre d'une étude LuxOR sur une nouvelle approche de réhydratation pour les enfants souffrant de malnutrition sévère et de déshydratation. Lors de sa visite, elle a également constaté que la nutrition au Nigeria est critique, car de nombreuses régions du nord sont confrontées à des niveaux de malnutrition alarmants.
« Les enquêtes de MSF clarifient l'étendue du problème et révèlent des schémas spatiaux critiques pour mieux cibler les interventions. Des méthodes d'enquête robustes, y compris l'analyse cartographique, permettent d'identifier les lacunes et d'assurer un déploiement efficace des ressources. Chez LuxOR, nous aidons à générer les preuves nécessaires pour guider la prise de décision au sein de MSF, en visitant deux sites au Nigéria le mois dernier (Kebbi et Maiduguri) pour collecter des données pertinentes. Dans un contexte de diminution du soutien international, il reste encore beaucoup à faire pour résoudre la crise nutritionnelle au Nigéria. », explique Temmy Sunyoto.
MSF conduit cette enquête chaque année depuis 2022, à la même période, dans les mêmes zones et avec la même méthodologie pour estimer la prévalence de la malnutrition aiguë chez les enfants âgés de 6 à 59 mois. Leur état nutritionnel a été évalué à l'aide d'une combinaison de trois méthodologies : le périmètre brachial, la présence d’œdèmes et le rapport poids/taille. La première enquête faisait état de taux de malnutrition aiguë globale de 22%.
Les résultats de cette enquête sont terrifiants. »
« Nous avons vu les chiffres augmenter régulièrement au cours des deux dernières années et nous passons désormais du niveau « critique » au niveau « extrêmement critique ». Dans la zone de Mashi, 14 % des enfants que nous avons vus souffraient de malnutrition aiguë sévère. Une prévalence aussi élevée est catastrophique. Nous avons besoin de plus d’aide, sans quoi nous verrons mourir un nombre sans précédent d’enfants », déclare le Dr Raphael Kananga, coordinateur médical de MSF.
MSF, qui gère quatre centres de prise en charge nutritionnelle thérapeutique pour les enfants malnutris dans l’Etat de Katsina, a admis cette année plus d’enfants que les années précédentes, dans un état de malnutrition plus avancé et nécessitant plus d’hospitalisations. Depuis janvier, nos équipes ont pris en charge plus de 100 000 enfants malnutris, 20% de plus qu’à la même période en 2023. Les admissions à l’hôpital ont augmenté de plus de 50% par rapport à 2022 et 2023, et plus de 800 enfants sont arrivés dans un état de malnutrition trop avancé et sont décédés dans les structures de MSF entre janvier et septembre 2024.
Les projections, anticipant une prochaine détérioration de la sécurité alimentaire, sont très inquiétantes : l’inflation est très élevée au Nigeria, la dévaluation de la monnaie locale se poursuit et les rendements agricoles ont fortement diminué cette année. Le coût de la vie augmente, l’insécurité persiste dans plusieurs zones de la région et les événements climatiques devraient continuer à avoir un impact sur le bétail et les cultures. Tous ces facteurs font craindre une situation catastrophique encore plus meurtrière en 2025 si aucune aide supplémentaire n’est mise en place. Malgré l’augmentation de plus de 75% de la prévalence de la malnutrition aiguë gans la zone de Jibia dans l’Etat de Katsina, cet Etat et la région nord-ouest du pays ne sont pas inclus dans le plan d’intervention humanitaire des Nations unies pour le Nigeria.
Par ailleurs, Aau début de l’année, MSF a effectué un dépistage de masse dans plusieurs régions de l’Etat de Zamfara, situé également au nord-ouest du pays, et a constaté que 27% des enfants souffraient de malnutrition aiguë.
Cette tendance est observée dans toutes nos structures nutritionnelles du nord du pays : dans sept États du nord du Nigeria, MSF a soigné 294 000 enfants contre la malnutrition entre janvier et septembre de cette année, soit 43% de plus qu’à la même période en 2023.
Malgré cela, les coupes budgétaires à l’échelle globale réduisent également la capacité des organisations à répondre à la crise et soigner les enfants souffrant de malnutrition. Les quantités insuffisantes d’aliments thérapeutiques disponibles ont constitué un défi au cours de l’année écoulée - une situation qui continue de s’aggraver. Dans la région de Zamfara, il n’y a eu que très peu d’approvisionnement depuis le mois de mars. L'UNICEF a récemment lancé un appel mondial, craignant que près de deux millions d'enfants dans 12 pays ne soient en danger de mort à cause de ces pénuries.
Cela fait longtemps que nous tirons la sonnette d'alarme au sujet de la crise nutritionnelle dans le nord du Nigeria et ces enquêtes nous montrent que non seulement la situation ne s'est pas améliorée, mais qu'elle s'est même considérablement aggravée. »
« Cette année, j'ai vu nos équipes, que ce soit à Katsina, à Zamfara ou à Maiduguri, débordées par le nombre d'enfants malnutris qu'elles devaient soigner. Nous avons dû ouvrir toutes les tentes d’appoint et utiliser tous les matelas disponibles pour prendre en charge les vagues d'enfants qui franchissaient les portes de l'hôpital. Si rien ne change, j'ai très peur de ce qui nous attend l’année prochaine », alerte Simba Tirima, représentant de MSF au Nigeria.
MSF gère des projets de prise en charge de la malnutrition dans sept États du Nigeria : Borno, Bauchi, Katsina, Kano, Sokoto, Zamfara et Kebbi. Ces projets incluent 10 centres d'hospitalisation, dont ceux de Maiduguri et de la ville de Katsina, et plus de 30 centres ambulatoires dans ces États pour soigner les enfants souffrant de malnutrition modérée et sévère qui n'ont pas besoin d'être hospitalisés.