Des femmes de tous âges viennent à la clinique, survivantes de violences sexuelles mais aussi pour accéder au planning familial, demander des conseils psychologiques ou soigner des maladies sexuellement transmissibles.
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Nord-Kivu : Le combat quotidien des femmes déplacées dans les camps de Goma

Le mercredi 20 septembre 2023

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Sachant que leurs vulnérabilités sont exacerbées à cause des conditions précaires dans lesquelles elles survivent, où l’accès à la nourriture et à d’autres biens de première nécessité est extrêmement limité, il est urgent que les acteurs humanitaires, les bailleurs et les autorités congolaises se mobilisent davantage pour améliorer durablement les conditions de vie des femmes et limiter ainsi les risques d’agression.

Le seul moyen que nous avons pour trouver à manger c’est d’aller dans les champs, mais les femmes comme moi qui ont été agressées ne veulent plus y retourner et dépendent entièrement de l’aide humanitaire » raconte une jeune fille de 20 ans qui vit dans la peur après avoir été agressée sexuellement par un homme armé alors qu’elle cultivait des haricots à côté du camp de Lushagala.

La situation des femmes dans les camps est dramatique. Souvent seules pour subvenir aux besoins de leur famille, elles n’ont d’autre choix que de quitter le camp pour chercher du bois et de la nourriture, s’exposant ainsi à des risques de violences, notamment sexuelles.

Rien que pour le mois de juillet, sur les sites de Rusayo, Shabindu et Elohim, 1500 femmes victimes de violences sexuelles sont venues chercher des soins auprès des équipes MSF soit 2,5 fois de plus qu'au mois de mai ! », précise Rasmane Kabore, chef de mission MSF.

« 80% de ces victimes ont été soignées dans les 72 heures après avoir été agressées, ce qui illustre l’ampleur de l’urgence. Plus elles se présentent tôt, plus vite nous pouvons leur offrir des soins d’urgences pour prévenir des grossesses non-désirées, des maladies sexuellement transmissibles - spécialement le VIH - et d’autres complications. En outre, nous constatons que les agressions sont de plus en plus violentes avec des blessures physiques associées et un nombre croissant de victimes violées à plusieurs reprises ».

La plupart des victimes sont agressées en-dehors des camps en allant chercher du bois ou de la nourriture. Cependant, ces dernières semaines, les équipes de MSF observent une augmentation de cas d’agressions sexuelles d’environ 15% au sein-même des sites où MSF intervient. Les familles dorment dans des tentes qui ne ferment pas et où le manque d’accès à des services de base pousse certaines femmes à avoir recours à des rapports sexuels transactionnels et donc à être victimes d’exploitation et d’abus.

Après mon agression, les connaissances de mon mari lui ont conseillé de m’abandonner, et maintenant je vis seule avec mes 4 enfants » explique une jeune femme enceinte de 23 ans vivant dans le camp de Rusayo.

Dans ce contexte, le travail des mobilisateurs communautaires est essentiel pour lutter contre la stigmatisation. « J’ai écouté un relais communautaire qui parlait au mégaphone devant chez moi ; il a dit de se diriger vers la clinique Tumaini [Espoir en Swahili], où une fleur était dessinée, si on avait subi des violences » poursuit une jeune femme de 20 ans habitant à Lushagala, « il a dit qu’en suivant la fleur, on trouverait des personnes à qui on pourrait parler en toute confiance et où on trouverait des soins ».

A la clinique MSF de Tumaini dans les camps de Bulengo et Lushagala, le traitement des maladies sexuellement transmissibles représente 60% des consultations

Proposer un ensemble de services de soins pour les femmes

« Les femmes dans les camps font face à une multitude de problématiques sanitaires, et si se concentrer sur la prise en charge en urgence des violences sexuelles est une priorité, il ne faut pas négliger les autres services de santé pour toutes les femmes » rappelle Rebecca Kihiu, responsable des violences basées sur le genre chez MSF. En plus des soins médicaux et psychologiques offerts pour les victimes de violences sexuelles, les équipes de MSF proposent aux femmes différentes méthodes de contraception, de traitement de maladies sexuellement transmissibles et d’interruption de grossesse. Dans le centre de santé de Kanyaruchinya, MSF appuie le service de soins obstétricaux et néonataux où une dizaine de femmes bénéficie chaque jour d’un accouchement médicalisé.

Pour éviter le pire, je suis allée chez MSF pour chercher des moyens de contraception afin de ne pas tomber enceinte si je suis agressée. Je ne pourrais pas nourrir davantage d’enfants » raconte une femme soignée dans la clinique MSF à Rusayo.

« En plus des conséquences médicales, les femmes que l’on reçoit souffrent de troubles émotionnels, d’anxiété, de dépression ou d’insomnie. Nous les accompagnons aussi pour éviter que leur état psychologique s’aggrave à un moment où elles doivent rester particulièrement fortes pour faire face aux difficultés quotidiennes » explique Jerlace Mulekya, superviseur santé mentale dans la clinique MSF à Lushagala.

Malgré une amélioration dans l’accès à l’eau, aux latrines et à d’autres services de base dans certains sites au cours des derniers mois, les femmes continuent de vivre dans de mauvaises conditions d’hygiène.

J’ai souvent des infections, et c’est très difficile d’obtenir du savon » déplore une jeune femme enceinte de 3 mois rencontrée dans le camp de Rusayo.

Dans la maternité appuyée par MSF à Kanyaruchinya, une femme qui vient d’accoucher raconte qu’elle n’a rien trouvé à manger depuis la veille. « C’est la nourriture qui donne de la force. Si je ne mange pas, le bébé n’aura pas à manger non plus, il faut que j’aie du lait à lui donner ».

Nous sommes une organisation médicale humanitaire, les autres acteurs ainsi que les autorités congolaises doivent se mobiliser davantage pour prévenir les violences à l’encontre des femmes, assurer leur protection dans les camps et mettre fin à l’impunité des auteurs de ces crimes » déclare Rasmane Kabore.

« Dans cet objectif, les bailleurs doivent continuer à accroître leurs financements et les acteurs de l’aide humanitaire leurs efforts pour améliorer les conditions des femmes ; cela passe notamment par un meilleur accès à la nourriture, la distribution de combustibles et de dispositifs de cuisine, la mise en place de services de protection sociaux et légaux pour que les femmes se sentent en sécurité. Pour les victimes, une approche holistique, basée sur leurs besoins et leurs préférences et un soutien économique conséquent doivent être mise en œuvre pour leur permettre une réinsertion sociale », conclut-il.

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