Plusieurs couches de fil barbelé sur la rivière frontalière à Kozłowe Borki.
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MSF exhorte les autorités polonaises à revenir sur la suspension annoncée du droit de demander l'asile

Le vendredi 18 octobre 2024

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Médecins Sans Frontières (MSF) est profondément préoccupé par le projet du gouvernement polonais de suspendre le droit des personnes à demander l'asile en Pologne. Il s'agit d'une escalade majeure dans une série d'actions visant à déshumaniser les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile. MSF exhorte le gouvernement polonais à changer de cap et à veiller à la protection des migrants et des réfugiés dans le pays.

Médecins Sans Frontières (MSF) est profondément préoccupée par le projet du gouvernement polonais de suspendre le droit des personnes à demander l'asile en Pologne. Une telle suspension aura des conséquences dramatiques prévisibles pour les personnes cherchant à se mettre en sécurité en Europe. MSF appelle les autorités polonaises à changer radicalement de cap et à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la protection et les droits des réfugiés et des migrants. 

Ces derniers jours, le gouvernement polonais a annoncé une stratégie de réforme de la politique migratoire du pays, incluant la possibilité d'une suspension temporaire du droit de demander l'asile en Pologne afin de « reprendre le contrôle » des frontières et « assurer la sécurité ». 

Bien que les détails complets du plan du gouvernement n'aient pas encore été divulgués, MSF avertit que de telles mesures restrictives et punitives à l'encontre des personnes cherchant à se protéger, leur refusant des voies légales vers la protection, ne feraient qu'entraîner des pratiques frontalières plus néfastes à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, exposant encore davantage des personnes déjà vulnérables à des conditions mettant leur vie en danger. 

« La volonté du gouvernement polonais de restreindre et suspendre encore davantage le droit de demander l'asile est extrêmement préoccupante et risque d'entraîner davantage de refoulements non contrôlés et de violences à l'encontre des personnes franchissant la frontière », déclare Uriel Mazzoli, chef de mission de MSF en Pologne. 

« Le nouveau gouvernement polonais avait l'occasion de réformer le système d'asile et d'accueil du pays, mais n'a fait que renforcer une rhétorique politique dangereuse, ancrée dans un récit de ‘crise’, normalisant encore davantage une réponse militarisée, des pratiques violentes et le déni d'humanité envers les personnes cherchant à se protéger au sein de l'Union européenne », ajoute Uriel Mazzoli.

Depuis novembre 2022, les équipes de MSF ont soigné plus de 400 personnes, dont beaucoup sont restées bloquées pendant des semaines dans des forêts inhabitables et exposées à des pratiques violentes à la frontière. Compte tenu des conditions extrêmes de privation vécues dans la zone frontalière, les patients rencontrés par MSF souffrent d'un large éventail de conditions médicales graves, allant de l'épuisement, de l'hypothermie, de la déshydratation et de la maladie du pied de tranchées à des problèmes de santé mentale.

En 2024, nos équipes ont également constaté une forte augmentation du nombre de personnes portant des marques d'agressions physiques, notamment des contusions et des morsures de chien. En juillet 2024, les équipes de MSF ont traité pour la première fois des blessures liées à l’utilisation de balles en caoutchouc. De plus, la moitié des personnes que MSF a rencontrées en 2024 ont rapporté avoir été refoulées, certaines à plusieurs reprises.

Cette dernière annonce représente une nouvelle escalade dans un environnement déjà extrêmement hostile envers les personnes en déplacement et celles qui leur apportent une aide humanitaire. En juin 2024, les autorités polonaises ont imposé une interdiction d'accès à la zone frontalière, empêchant les organisations civiles et humanitaires d'accéder aux personnes dans le besoin dans ces zones.

Malgré des demandes officielles d'accès indépendant et illimité à l'ensemble de la région frontalière, MSF n'a obtenu l'accès qu'à une partie limitée de la zone tampon. Cette zone tampon est une zone d'exclusion de 60 kilomètres le long de la frontière avec la Biélorussie et inclut des points clés où la plupart des personnes en mouvement franchissent la frontière depuis 2021.

Non seulement cette interdiction empêche la délivrance d'une aide essentielle, mais elle permet également à une grande partie des violences rapportées par les personnes que nous soignons de se produire à l'abri des regards.

« Les restrictions à l'aide humanitaire et médicale à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie sont déjà alarmantes, avec des zones entières où l’accès des travailleurs humanitaires est empêché, et une législation qui pourrait favoriser l'usage de la violence par les autorités étatiques », déclare Uriel Mazzoli. « Retarder l'assistance et les soins médicaux aux personnes à la frontière peut avoir des conséquences potentiellement mortelles, car de nombreux patients que nous rencontrons souffrent de problèmes de santé qui peuvent se détériorer rapidement. »

Un soldat polonais dans son camp, entre une chaire d'observation et une cabane en bois.

La suspension de l'asile territorial aura des conséquences de grande portée sur la capacité des personnes cherchant à se protéger en Pologne d'accéder aux soins médicaux et à la protection. Ce qui est d'autant plus inquiétant, c'est que de telles mesures extraordinaires deviennent la nouvelle norme odieuse au sein de l'Union européenne (UE), où les gouvernements et les institutions se sont de plus en plus emparés de la notion de « crise » pour déroger aux normes minimales et aux droits des personnes. 

Au cours des dernières années, les équipes de MSF ont été témoins de nombreuses conséquences néfastes des politiques qui privilégient les contrôles aux frontières au détriment de la vie humaine dans nos projets en Grèce, en Libye, en mer Méditerranée centrale et en Belgique. Depuis trop longtemps maintenant, les États membres de l'UE mènent une guerre contre certaines des personnes les plus vulnérables au monde sous prétexte d’une « instrumentalisation » par des pays tiers.

MSF appelle les autorités polonaises à retirer l’annonce de la suspension du droit de demander l'asile et à mettre fin à cette déshumanisation flagrante des réfugiés et des migrants, ainsi qu’à la militarisation croissante des réponses à leur égard.

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