Masisi : une terre de contrastes entre richesse et pauvreté
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Audrey Perl, Responsable de finances et résidente luxembourgeoise, a accompli sa première mission avec Médecins Sans Frontières (MSF) à Masisi, en République démocratique du Congo (RDC), de février jusqu’à août 2023. À son retour, elle témoigne des conditions de vie difficiles auxquelles est confrontée la population de l’est du pays et des défis relevés par les équipes de MSF sur place.
En RDC, la situation humanitaire s'est encore détériorée en 2023, principalement en raison de l'augmentation des niveaux de violence armée, notamment à cause de la résurgence du groupe armé M23 dans le Nord-Kivu. L'escalade du conflit et de l'insécurité a forcé près de 600 000 personnes à fuir leur domicile, dans une province où 1,9 million de personnes avaient déjà été déplacées.
Dans ce contexte humanitaire d’extrême précarité, les compétences d’Audrey en matière de comptabilité, trésorerie et gestion budgétaire ont soutenu les projets menés par MSF notamment à Masisi, en répondant aux effets dévastateurs de la violence et à d'autres urgences sanitaires, telles que les épidémies et la malnutrition.
Le projet MSF à Masisi n’est pas nouveau. En effet, celui-ci a pris racine en 2007 pour pallier les effets dévastateurs de la guerre et répondre aux urgences. Malheureusement, la situation n’a pas changé dans l’Est du Congo, et le projet temporaire est encore aujourd’hui d’actualité. Il s’est même étoffé, a pris de l’importance et est hautement respecté dans la région. Pour pouvoir agir en toute sécurité, des procédures strictes ont été mises en place, comme par exemple l’implémentation d’un projet zéro cash- politique mise en œuvre dans certains projets MSF, basée sur le remplacement des paiements en espèces par tout autre paiement numérique pour des raisons de sécurité. »
La mission d’Audrey comprenait également l’appui à l’hôpital général de Masisi et aux quatre centres de santé (Masisi, Nyabiondo, Muheto, Ngomashi), dont certains sont particulièrement reculés, afin de faciliter l’accès à des soins médicaux gratuits, y compris aux communautés les plus isolées. Régulièrement, l’équipe de MSF répond à des flambées de choléra et de rougeole, deux maladies endémiques dans la zone, dont la propagation est exacerbée par les fréquents déplacements de population.
Même si MSF mobilise un grand nombre de staff autour de la santé, le personnel de support reste indispensable sur le terrain notamment pour recruter du personnel mais aussi pour lutter contre la corruption ou encore récolter des données pour l’élaboration des rapports d’activités. »
Le personnel MSF qui travaille dans la plupart des régions de l’Est du Congo est confrontée à des grandes difficultés d'accès.
La plupart des routes sont en terre battue et ne permettent pas aux véhicules de passer. La plupart des déplacements se font à moto et quand les conditions sont favorables. Certains trajets se terminent par une marche de 4 heures dans la brousse afin d’accéder aux centres de santé les plus reculés. »
Masisi : Un hôpital pour panser la violence
Le point focal de la mission d’Audrey était le soutien à l’Hôpital Général de Référence (HGR) de Masisi. MSF soutient à l’heure actuelle l’ensemble des services de l’hôpital général de référence de Masisi où plus de 14 500 admissions ont eu lieu en 2022.
C’est en 2007 que MSF commence à appuyer l’hôpital général de référence de Masisi, alors que le territoire est le théâtre de violents affrontements entre groupes armés. Quinze ans plus tard, la paix se fait toujours attendre dans cette partie de l’est de la RDC qui accueille 470 000 personnes déplacées selon de récentes estimations, soit un cinquième de l’ensemble des déplacés du Nord-Kivu.
À Masisi, l’insécurité ne s’est jamais arrêtée, l’urgence non plus. Pourtant au fil des ans, la plupart des organisations humanitaires ont quitté la zone. Or, après un semblant d’accalmie en 2021, tous les indicateurs ont à nouveau viré au rouge depuis le début de l’année 2022. L’année dernière, plus de 740 victimes de violences sexuelles ont été prises en charge par MSF à Masisi et déjà 165 rien qu’au premier trimestre 2023.
Lorsqu’on rentre dans l’Hôpital Général de Masisi (HGR), on est d’abord frappé par la densité humaine qui y règne. En effet, les malades ne sont espacés que de quelques centimètres et les enfants malnutris sont quelquefois deux dans un même lit. Des unités d’urgences ouvrent régulièrement pour prendre en charge les épidémies de rougeole et de choléra. En vain, l’hôpital atteint régulièrement une capacité de plus de 100%. »
Les camps autour de Goma : l’indignité de l’accueil
L’expérience d’Audrey en RDC incluait une formation d’une semaine à Goma ainsi qu’un standby d’environ deux semaines étant donné le contexte militarisé de la zone.
Dans les camps aux abords de Goma, près de 600 000 personnes déplacées vivent depuis des mois dans des conditions d’extrême précarité, avec un accès insuffisant à la nourriture, exposées à la violence. Dans certains sites, les équipes de MSF ont pu constater des taux de mortalité et de malnutrition alarmants. Les agences des Nations Unies ont récemment annoncé qu’elles allaient intensifier leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes dans l’est du pays. Il est urgent que ces intentions se traduisent en une assistance et une protection à la hauteur des besoins sur le terrain.
Ayant pourtant travaillé auparavant avec des personnes déplacées, la situation de Goma m’a particulièrement mise mal à l’aise. C’est une marée humaine de part et d’autre de la route, tapie dans des tentes de fortunes. La plupart du temps des familles s’entassent autour de quelques bouts de bois soutenus par une bâche. La situation est catastrophique, des femmes enceintes attendent plusieurs heures des denrées alimentaires au soleil, les enfants ne sont pas scolarisés, les infirmier(e)s et médecins en sous-effectif courent d’une tente à l’autre, là où patientent les malades. »
Les équipes de MSF travaillent dans douze sites de déplacés autour de Goma, assurant des soins médicaux gratuits, fournissant de l'eau potable et construisant des latrines et des douches selon les besoins les plus urgents. MSF a également répondu aux épidémies de choléra et de rougeole qui ont touché certains camps, à travers la prise en charge des cas et l’organisation de campagnes de vaccination, auxquelles Audrey a participé.
La campagne de vaccination a été menée efficacement par les équipes MSF. Je faisais partie d’une ''moving team”, c’est à dire que nous transportions tout le matériel de vaccination avec nous : documents de vaccination, seringues, désinfectants, tables, chaises et nous nous déplacions environ toutes les 20 minutes de 500 mètres dans l’ère que nous avions délimitée. Cette façon de faire permet d’attiser les curiosités et de vacciner un plus large spectre d’enfants ».
En outre, les équipes de MSF interviennent aussi dans d’autres localités de la province du Nord-Kivu, ainsi qu’à Minova, et Numbi au Sud-Kivu, pour renforcer l’accès aux soins dans ces zones alors que des dizaines de milliers de personnes déplacées y ont également trouvé refuge. Au Nord-Kivu, MSF continue, par ailleurs, à fournir des soins médicaux essentiels gratuits dans les zones de santé de Rutshuru, Kibirizi, Bambo, Binza, Mweso, Masisi et Walikale.
Des milliers de victimes de violences sexuelles endémiques en manque critique de prise en charge
Audrey a également participé dans l’ouverture d’un centre de santé sexuelle et maternité à Kazinga.
Avec mes collègues de MSF nous avons, en fonction de nos compétences respectives, apporté ensemble un appui au centre de santé de Kazinga. Mes collègues infirmiers se sont chargés de former le personnel soignant sur les procédures à mettre en place dès qu’une femme a été agressée sexuellement. De mon côté, j’ai validé des fournisseurs avec l’aide du Supply afin de pouvoir acheter divers équipements, autres que médicaux, pour le centre de santé (planches, clous, papeterie, madriers, charbon, etc.) »