MSF a ouvert un centre de traumatologie dans le centre de l'Ukraine pour combler le manque de soins de santé mentale spécialisés. © Fanny Hostettler/MSF
Actualité
Guerre en UkraineTémoignages

« Les psychologues ont le pouvoir de vous aider à trouver des manières de vivre avec le traumatisme »

Le vendredi 14 juin 2024

En 1 clic, aidez-nous à diffuser cette information :

« J’ai vécu à Marioupol depuis mon enfance. Nous avions une belle maison. J'avais un groupe d'ami·e·s. J'envisageais l'avenir avec confiance. Tout cela a pris fin en février 2022. Tous nos proches sont venu·e·s nous rejoindre dans notre sous-sol. Nous étions 13, des jeunes aux plus âgé·e·s, à essayer de survivre comme nous le pouvions. 

Les explosions étaient si fortes que les portes du sous-sol ont été soufflées. La décision de partir était évidente. Si nous étions resté·e·s, nous ne serions plus en vie. »

Ces mots sont ceux d'Alina Roshevska. Elle a 20 ans. Après 20 jours passés à l'abri dans la cave, elle a entrepris un long et dangereux trajet avec ses proches, franchissant une douzaine de checkpoints contrôlés par l'armée russe, avant de traverser la ligne de front pour atteindre le territoire contrôlé par l'armée ukrainienne. En route vers l'ouest, via Zaporijia, elle a finalement atteint la ville de Vinnytsia, qui est temporairement devenue son lieu de vie.

Comme Alina, plus de 4,6 millions d'Ukrainien·ne·s sont actuellement déplacé·e·s dans le pays, dont 160 000 à Vinnytsia. 

À partir d'avril 2022, les cliniques mobiles MSF dispensaient des soins médicaux et une assistance psychologique d’urgence dans les centres d'hébergement de la ville et de ses environs où les personnes déplacées étaient logées. Pour informer sur le soutien psychologique disponible, les promoteur·rice·s de santé MSF organisaient des sessions de groupe destinées aux adultes et aux enfants.

Ce soutien psychologique a fait une différence tangible dans la vie de nombreuses personnes, en particulier dans celle des enfants. 

« Lorsque nous avons commencé, les gens nous disaient que leurs enfants restaient assis sans rien faire, sans communiquer avec personne, explique Mariana Rachok, promotrice de santé MSF. 

Nous avons été heureux·ses de voir qu'au fil du temps et des séances, les enfants ont commencé à jouer ensemble. »

Des soins psychologiques pour les traumatismes liés à la guerre

Les équipes MSF à Vinnytsia ont rapidement constaté qu'il y avait des besoins en matière de soins de santé mentale spécialisés pour les personnes souffrant de stress post-traumatique (PTSD) causé par le conflit. En septembre 2023, MSF a ouvert un centre de traitement des traumatismes dans cette ville pour les personnes souffrant de stress post-traumatique lié à la guerre.

« La plupart des patient·e·s sont des personnes déplacées, qui ont été témoins d’événements atroces et qui y ont survécu, explique Lilia Savchenko, médecin MSF. Elles éprouvent du désespoir, de l'anxiété, font des cauchemars, ont des flashbacks récurrents et se coupent des autres. Ce sont des réactions normales à des événements anormaux. Mais si cet état perdure pendant plus de trois à six mois, cela indique déjà que la personne souffre de stress post-traumatique et que son état s’aggravera de jour en jour. »

Les psychologues MSF reçoivent actuellement une trentaine de patient·e·s en consultation chaque semaine. 

La consultation initiale consiste en un entretien avec la médecin et l'un·e des psychologues qui diagnostiqueront ensemble le stress post-traumatique sur la base de tests et d'observations cliniques, et décideront de la prise en charge. « Le programme de traitement dépend de l'état mental dans lequel la personne vient nous voir, mais comprend en moyenne 10 à 15 consultations, explique Lidia Savchenko. Lors des consultations, les psychologues MSF utilisent la pratique fondée sur les preuves, qui est une approche divisée en trois phases – stabilisation, traitement des traumatismes et réintégration dans la vie sociale – et personnalisée en fonction des besoins spécifiques des patient·e·s.

Activité de promotion de la santé de MSF au centre I'Mariupol avec un groupe d'enfants, leur mère et leur grand-mère. © Fanny Hostettler/MSF

La santé mentale et les soins stigmatisés

La réticence à chercher de l'aide est un symptôme courant du stress post-traumatique. Ce phénomène est souvent exacerbé par la stigmatisation qui entoure les soins de santé mentale. 

Le manque de compréhension sur la manière dont fonctionne la psychothérapie peut décourager les gens de consulter, explique Andrii Panasiuk, psychologue et superviseur en santé mentale MSF. C'est là que la sensibilisation joue un rôle clé.»

Pour sensibiliser sur le stress post-traumatique et informer sur ses symptômes, les équipes MSF organisent des sessions avec des médecins généralistes et des associations de vétéran·te·s. Elles organisent également des séances de psychoéducation sur les signes du stress post-traumatique lors d'ateliers créatifs et d'activités artistiques, en collaboration avec des organisations locales d'aide aux personnes déplacées, telles que I'Mariupol ou le hub de Kherson. Au cours de ces activités, les promoteur·rice·s de santé s'assoient et discutent avec chaque participant·e individuellement, afin de créer une relation de confiance, d'identifier les personnes qui pourraient bénéficier d'un soutien psychologique et de leur permettre de solliciter une prise en charge.

« Je fais souvent le parallèle entre une blessure physique et une blessure psychique, explique Mariana Rachok. Si vous ne désinfectez pas ou ne traitez pas une blessure, mais que vous vous contentez de la couvrir et d'essayer de l'ignorer, la blessure va juste empirer. 

Les psychologues n'ont pas le pouvoir de vous ramener votre maison ou votre proche, mais il ou elle a le pouvoir de vous aider à trouver des manières de vivre avec le traumatisme, d'apprendre à comprendre vos émotions, à y faire face et à trouver des pistes pour vous aider vous-même. »

Recommencer à vivre

Lidia Bazualyeva a été déplacée de sa maison à Kherson et a reçu un soutien en santé mentale de MSF pour le syndrome de stress post-traumatique. Ukraine, 9 avril 2024. © Fanny Hostettler/ MSF

Lidia Bazualyeva, 74 ans, a été déplacée de chez elle à Kherson et a bénéficié d'un soutien en santé mentale MSF pour un stress post-traumatique. 

Toutes ces activités créatives m'ont aidée psychologiquement, tout comme les consultations avec la psychologue. Peu à peu, je suis sortie de cet état post-traumatique très difficile. Aujourd'hui, c'est ma seule famille et je n'ai jamais manqué un événement organisé par les promoteur·rice·s de santé, dit-elle en souriant. Lorsque je communique et que j'échange avec d'autres, je recommence petit à petit à vivre. »

Alina Rosheva a récemment achevé le programme PTSD de MSF. « J'ai suivi beaucoup de séances de thérapie, dit-elle. « C'était difficile. Cela ne s’est pas fait en un coup de baguette magique. C'est un processus long et compliqué. 

Mais trois mois après avoir commencé la thérapie, j’ai arrêté de faire des crises d’angoisse, elles sont passées, enfin, j'ai appris à les contrôler et à y faire face »

Aujourd'hui, Alina est en charge de l'organisation d'activités culturelles pour I'organisation I'Mariupol. Elle s’est recréé un groupe d'ami·e·s à Vinnytsia et envisage à nouveau l'avenir avec confiance.

Nos actualités en lien