Le 15 décembre 2023, les Forces de soutien rapide (FSR) ont lancé une attaque sur Wad Madani, au Soudan. Depuis lors, plus d'un demi-million de personnes ont fui les combats et l'insécurité qui en découle, dont environ 234 000 personnes déplacées à l'intérieur du pays qui avaient auparavant cherché refuge à Wad Madani lors de l'intensification des violences à Khartoum. © Fais Abubakr
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Les besoins humanitaires explosent pour plus de 500 000 personnes nouvellement déplacées à Wad Madani

Le mercredi 17 janvier 2024

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Je m'appelle Al Bakri Al Taher Malik et je vivais à Al Engaz, au sud de Khartoum. Il y a environ six mois, j'ai été blessé juste devant ma maison. © Fais Abubakr
Le cauchemar de la guerre nous poursuit... nous attendons avec impatience le jour où la guerre prendra fin !
« La guerre n'a apporté que destruction et séparation des familles », témoigne Al Bakri Al Taher Malik, qui vivait à Al Engaz, au sud de Khartoum.

Le 15 décembre, les Forces de soutien rapide (FSR) ont lancé une attaque sur Wad Madani, au Soudan, et ont pris le contrôle de plusieurs autres villes et zones dans l'État d'Al Jazirah en l'espace de quelques jours. Depuis lors, plus d'un demi-million de personnes ont fui les combats et l'insécurité qui en découle, dont environ 234 000 personnes déplacées à l'intérieur du pays qui avaient auparavant cherché refuge à Wad Madani lors de l'intensification des violences à Khartoum. 

Le chaos résultant de l'évolution de la dynamique du conflit, l'insécurité grave et la violence généralisée ont créé un environnement dans lequel Médecins Sans Frontières (MSF) ne pouvait plus opérer à Wad Madani. MSF a dû suspendre toutes ses activités et évacuer son personnel de Wad Madani le 19 décembre, laissant derrière elle une population encore davantage privée des services médicaux de base. Nous avons également dû évacuer notre personnel de Damazine, d'Um Rakuba dans l'état de Gedaref et de Doka. À Damazine, nous avons réduit nos activités.

MSF est présente à Wad Madani depuis mai 2023. Les conditions étaient déjà désastreuses pour le demi-million de personnes déplacées qui y vivaient, soit 8% de toutes les personnes déplacées au Soudan – ce qui représente la plus grande crise de déplacement interne au monde, avec plus de 6 millions de personnes forcées de quitter leur foyer à l'intérieur du pays, et plus de 1,4 million de personnes qui ont fui au-delà des frontières. 

Entre mai et novembre, les équipes de MSF ont effectué 18 390 consultations médicales (dont 40 % pour des enfants de moins de 15 ans) dans plusieurs des centaines de sites, tels que des écoles ou anciens bâtiments publics, accueillant des personnes déplacées à travers l'État.

Témoignage de Wad Madani "Je m'appelle Bagad Alshaak, et le 15 mai, je jouais dehors sur un espace ouvert à Khartoum, j'ai jeté un objet avec une pierre, qui a explosé et m'a blessé".© Fais Abubakr

Grâce à ses cliniques mobiles, MSF a diagnostiqué et référé 66 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère avec de graves complications au cours des six derniers mois - des cas qui pourraient être fatals s'ils n'étaient pas traités d'urgence dans un hôpital », explique Slaymen Ammar, coordinateur médical de MSF pour le Soudan.

« Mais les structures de santé étaient débordées. La population de la ville ayant augmenté de 30 %, il y avait de plus en plus de patients, et des problèmes considérables d'approvisionnement et de personnel. Et comme le prix de tous les produits ont grimpé en flèche, l'accès aux services de survie était un obstacle pour les personnes déplacées comme pour les résidents. 

Aujourd'hui, avec le départ de la plupart des organisations internationales - et malgré les efforts des agents de santé bénévoles locaux - nous supposons que la situation s'est encore aggravée »

 

Le mois dernier, les équipes de MSF dans les États de Gedaref et de Kassala - où MSF est opérationnelle depuis 2021 en réponse à la crise du Tigré éthiopien - ont été témoins de l'arrivée de milliers de personnes en provenance de Wad Madani, et sont actuellement en train d'évaluer et de répondre à l'escalade des besoins sanitaires et humanitaires. À Tanideba (Gedaref), MSF a lancé une intervention d'urgence à court terme pour les réfugiés éthiopiens et les citoyens soudanais récemment déplacés, couvrant les soins de santé de base, l'eau et l'assainissement, ainsi que la distribution de rations alimentaires. 

Le conflit au Soudan a causé des souffrances incommensurables, déplacé des millions de personnes, tué des milliers d'autres et blessé un nombre incalculable d'autres personnes. Pour de nombreuses personnes déplacées, Gedaref et Kassala ne sont que les dernières étapes d'un long périple à la recherche d'un lieu sûr, au cours duquel elles ont subi des violences et n'ont pas pu satisfaire leurs besoins essentiels, tels que la nourriture, l'eau potable, l'assainissement et l'accès aux soins médicaux. 

« Nous sommes originaires du Darfour, mais en raison des violents affrontements et de la crise qui y sévit, nous sommes allés à Khartoum. Mais la guerre nous a suivis à Khartoum, alors nous sommes allés à Wad Madani. Et l'histoire continue », explique Salem, un homme déplacé qui est arrivé avec sa famille dans un site de rassemblement dans la localité d'Al Mufaza, à Gedaref, il y a deux semaines, en provenance de Wad Madani. La famille de Salem a fui Khartoum il y a huit mois, après qu'un bombardement a touché leur maison et gravement blessé l'un de leurs enfants.

Nous étions six personnes dans la maison, et à l'époque ma femme était enceinte. Notre maison a été détruite. J'ai été touchée au bras, mais mon enfant a été beaucoup plus gravement blessé à la tête. Nous avons réussi à l'emmener à l'hôpital, car il avait besoin d'une intervention chirurgicale urgente pour sauver sa vie. Mais dès qu'il a pu quitter l’hôpital, nous avons dû fuir la ville en raison de l'insécurité. Nous sommes arrivés dans le camp de déplacés de Wad Madani, et c'est là que j'ai accouché », poursuit-il.

À la mi-décembre, Salem et sa famille ont de nouveau fui vers Gedaref: « Les affrontements ont commencé, nous avons entendu des hommes armés qui se battaient de nouveau. Nous avons immédiatement décidé de partir. J'ai commencé à réfléchir à l'endroit où nous devrions aller. Aucun endroit n'était sûr à ce moment-là ».

 

Camp Al Zahra. Wad Madani - État d'Al Jazirah © Fais Abubakr

Dans une région où les soins de santé et les médicaments essentiels étaient déjà extrêmement limités, les populations déplacées souffrent aujourd'hui d'une demande croissante en matière de santé, résultant des effets directs et indirects de la violence. 

Les besoins de base augmentent encore et nécessitent une réponse urgente.    

« Sur les sites de rassemblement de la ville de Kassala, les personnes déplacées ont dit à nos équipes qu'elles n'avaient reçu aucune aide depuis leur arrivée entre la mi et la fin décembre », explique Pauline Lenglart, coordinatrice des projets d'urgence de MSF au Soudan.  

« Les familles dorment à même le sol, l'accès aux soins est toujours très limité, il y a peu de structures médicales en état de marche et les médicaments ne sont pas fournis gratuitement. De nombreuses personnes nous ont dit qu'elles n'avaient pas les moyens d'acheter de la nourriture et des médicaments, ce qui les oblige à choisir entre ces deux nécessités. L'équipe de MSF évalue constamment les besoins dans les nouveaux sites qui s'ouvrent pour accueillir les personnes récemment déplacées. 

Dans tous ces endroits, nous constatons que le niveau de l'aide humanitaire fournie est encore très insuffisant pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes et leur assurer des conditions de vie dignes ».

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