« Je ne voudrais pas traverser la mer, faire risquer la vie à mes enfants et les voir mourir. J’ai très peur. »
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Amina*, mère de famille avec 6 enfants, Bidoun du Koweït
« Je suis arrivée à Calais, en France, depuis l’Allemagne en voiture avec ma famille le 4 novembre. Je ne pouvais plus rester en Allemagne, car ma demande d’asile a été rejetée. La police a effectué deux perquisitions chez nous et les autorités allemandes nous ont demandé de quitter le territoire.
Mes enfants étaient scolarisés, inscrits dans des clubs de football et ils parlent tous allemand. Ils ont 4, 5, 6, 8, 12 et 14 ans. Les plus jeunes sont nés en Allemagne. Les deux derniers étaient inscrits à un club de foot et leurs compagnons étaient très tristes de les voir partir, ils ont tout fait pour nous porter recours contre la décision d’expulsion, mais il y a eu rien à faire.
Après y avoir vécu six ans, avec mon mari et mes six enfants, nous avons dû tout quitter et nous avons donc décidé de partir pour le Royaume-Uni car j’ai trois frères qui sont installés là-bas de manière légale.
Nous nous sommes déjà fait arnaquer par un passeur et nous n’avons plus confiance en personne. Mais nous n’avons pas d’alternatives pour aller au Royaume-Uni. Si nous trouvons un passeur de confiance, nous allons tenter la traversée dans les dix jours à venir. Si cela échoue, on envisage de rester en France mais j’ai très peur que notre vie ici s’arrête d’un coup, comme en Allemagne.
Je ne voudrais pas prendre la mer car j’ai très peur pour mes enfants. Mon mari est diabétique et mon petit est asthmatique. Je ne veux pas leur faire risquer la vie et les voir mourir. J’ai très peur.
Depuis trois jours, nous survivons dans des campements de fortune à Calais. Nous avons pu dormir une nuit dans l’hébergement d’urgence du 1151, mais nous avons passé les autres nuits dehors. Nous avons une seule tente pour huit personnes, elle est trop petite. Nous dormons à même le sol. Si au moins on pouvait avoir des couvertures en plus… il fait très froid la nuit et j’ai de la peine pour mes enfants. Le petit de 4 ans a un œil qui a enflé et il ne dort pas bien.
Je suis fatiguée, je veux juste que ma famille puisse vivre en paix et mes enfants aillent à l’école.
Hier durant la nuit (le 7/11), nous étions dans le campement à côté de l’hôpital. J’ai entendu des tirs d’arme à feu, nous avons eu très peur. Une bande de Somaliens et de Libyens sont venus sur le campement, ils étaient armés et ivres. Ils ont approché mon enfant âgé de 14 ans en lui demandant d’aller avec eux, mais je me suis interposée pour le défendre. Ensuite, un homme a été enlevé de force, dénudé et passé à tabac devant tout le campement. Des tirs ont suivi visant les tentes mais aussi tirés dans l’air. C’était un enfer, nous ne nous sentons pas en sécurité ici. Je me demande pourquoi la police n’est pas intervenue. Si cela s’était passé en Allemagne, les forces de l’ordre seraient intervenues. »
« Mes amis sont morts sous mes yeux et je n’ai rien pu faire pour les sauver. Nous nous noyons tous en même temps »
Imran*, 17 ans, Koweït
« Je suis à Calais car j’aimerais me rendre en Grande-Bretagne, car j’étais persécuté dans mon pays d’origine. Le Koweït ne nous reconnaît pas en tant que citoyens, nous n’avons pas de nationalité et sommes persécutés lorsque nous sommes sur le territoire. Nous venons en France en attendant de partir vers l’Angleterre.
Je suis à Calais depuis un mois et demi. J’ai tenté de traverser au moins 20 fois et la plupart de mes tentatives ont échoué à cause de la police. Lors d’une tentative de traversée, j’ai failli me noyer. Avant notre départ, la police a essayé de nous en empêcher, ils sont intervenus de manière très violente, en nous frappant avec des matraques.
Lors de la dernière tentative à Boulogne-sur-Mer, nous étions un groupe de 70 personnes. Il y avait aussi des familles. Nous étions tous issus de différents pays. Nous sommes rentrés dans l’eau, mais la police a essayé de nous en empêcher. Je n’avais pas de gilet de sauvetage sur moi, j’ai fini par me noyer et m’évanouir. Je me suis retrouvé à l’hôpital où on m’a dit que j’ai été dans le coma pendant huit jours.
Je suis désespéré. J'ai presque atteint la mort. Dans cet accident, je considère que j’étais mort. Mes amis sont morts sous mes yeux et je n’ai rien pu faire pour les sauver. Nous nous noyons tous en même temps et je ne pouvais rien faire.
Quand je pense à cet accident, je me souviens de l’horreur et de la peur que j'ai vécue. Je veux aller en Angleterre quoi qu’il arrive. Là-bas, nous pourrons vivre et avoir des droits. En Europe [dans l’Union européenne, ndr.], nous n'avons aucun droit. »
*Les prénoms ont été changés pour préserver l’identité des témoins.