L'équipe MSF au refuge d'Azarieh, dans le centre de Beyrouth. Beyrouth, Liban, le 11 octobre 2024.
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“Je ne peux plus imaginer l’avenir ici.” : témoignages du refuge Azarieh, au centre de Beyrouth

Le jeudi 17 octobre 2024

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Le refuge Azarieh, autrefois un centre commercial animé au cœur de Beyrouth, a été transformé en refuge pour les personnes déplacées par les bombardements israéliens en cours au Liban. Cet abri de fortune, qui abrite aujourd'hui plus de 2 500 personnes, est l'un des 800 abris du pays selon les autorités nationales. Les conditions de vie y sont désastreuses, car l'installation n'a jamais été conçue pour accueillir des personnes à long terme, laissant les familles sans ressources adéquates pour leurs besoins de base.

Pour répondre aux besoins médicaux urgents des personnes qui y résident, Médecins Sans Frontières (MSF) a déployé une unité médicale mobile, qui fournit des soins de santé primaires essentiels et un soutien psychologique, en particulier aux enfants touchés. En outre, nous avons distribué des articles non alimentaires essentiels tels que des produits d'hygiène, des matelas et des couvertures pour contribuer à améliorer les conditions de vie de ces familles vulnérables.

Imad Hachem

Imad Hachem, 55 ans, vivait avec sa femme, sa sœur, son fils et son cousin dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban. Au lendemain de l’attaque du 27 septembre qui a tué Hassan Nasrallah, ancien secrétaire général du Hezbollah, Imad a réalisé que la situation sécuritaire dans la région était sur le point de se dégrader. La famille a décidé de quitter la banlieue sud de Beyrouth, emportant avec eeux tout ce qu’ils pouvait emporter, y compris leurs papiers d’identité, qu’ils ont toujours sur eux. Même s’il a fallu quelques jours à la famille pour trouver des matelas et des couvertures, Imad explique qu’ils parviennent désormais à survivre dans le refuge d’Azarieh grâce à la distribution régulière de nourriture. Le père de famille s’inquiète cependant des conditions de vie dans le refuge, notamment avec l’arrivée de l’hiver, de la pluie et du froid. Il s’inquiète également de la santé de son cousin, atteint d’un cancer et qui n’a plus de traitement depuis deux jours. Il explique : « Nous recevions ce traitement coûteux du ministère de la Santé, mais maintenant nous ne savons pas comment y accéder ».

Imad a pu visiter son quartier quelques jours plus tôt. Après avoir constaté que leur maison n’avait pas été détruite, il espère pouvoir y retourner un jour. 

Imad Hachem, 55 ans, vivait avec sa femme, sa sœur, son fils et son cousin dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban.

« Je ne veux pas quitter le Liban, mais j’ai un fils et une femme dont je dois m’occuper. Si le seul moyen de retrouver la stabilité est de partir, alors nous partirons. Mais où et comment, je n’en ai aucune idée ».

Ezdihar al Diqar

Originaire de Baalbek, dans l’est du Liban, Ezdihar Al Diqar, 39 ans, vivait avec son mari, sa fille de 14 ans et son fils de 17 ans dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban. Lorsque les premiers bombardements ont frappé la ville, la famille a d’abord décidé de rester, espérant que la situation reviendrait bientôt à la normale. C’est le soir du 28 septembre, vers 22h30, alors que la famille dînait, qu’elle a reçu l’alerte d’une frappe imminente dans le quartier, et elle a décidé de fuir.

Le mari d’Ezdihar est parti dans une zone du gouvernorat du Mont Liban pour s’occuper de sa mère. Vu l’état de santé de la mère, rester dans un abri surpeuplé aurait pu aggraver sa situation. Ils ont donc organisé son déménagement dans un autre appartement avec son fils et son frère. Ezdihar a pris ses deux enfants et a quitté la banlieue sud pour le centre de la capitale avec 14 de ses voisins. Ne sachant pas où chercher refuge, le groupe a passé sa première nuit dans la rue avant de rejoindre le refuge d’Azarieh, un ancien bâtiment commercial du centre-ville transformé en espace d’hébergement pour les personnes déplacées. Après deux semaines à Azarieh, Ezdihar explique qu’elle ne se sent pas en sécurité dans le refuge et qu’elle ne sait plus où aller pour être à l’abri des bombardements : « J’ai entendu une forte explosion hier, suite à une frappe israélienne dans le centre de Beyrouth, à moins de 2 kilomètres de chez nous. »

En tant que femme, Ezdihar estime également qu’elle doit prendre des mesures de sécurité supplémentaires, comme limiter ses déplacements à l’extérieur du refuge et verrouiller la porte du petit espace réservé à sa famille à l’intérieur du refuge.

Ezdihar est déterminée à affronter ces défis la tête haute, en espérant que les choses reviendront à la normale. Mais en tant que mère, elle voit les conséquences de la guerre sur ses enfants. « Ma fille n’a que 14 ans, mais malgré toutes les difficultés que nous avons dû surmonter, elle réagit souvent aux situations, notamment aux frappes aériennes, avec une maturité qui dépasse son âge. Elle a dû grandir vite. »

Ezdihar al Diqa, 39 ans, et sa fille Nouraya, 14 ans, dans la chambre qu’elles partagent depuis le 29 septembre avec 14 autres personnes dans le camp de déplacés d'Azariye dans le centre de la capitale libanaise.

Abbas

Originaire de Syrie, Abbas, 28 ans, est venu au Liban avec sa femme et ses parents pour trouver refuge. Le jeune homme était agent de sécurité à Beyrouth, mais il a perdu son emploi lorsque la guerre a éclaté. La famille vivait dans la banlieue sud de Beyrouth et a décidé de quitter la région pour fuir les bombardements. Après avoir passé plusieurs nuits dans la rue, ils ont emménagé dans le refuge d’Azarieh, où ils partagent une chambre depuis 18 jours. Abbas se dit très inquiet pour la santé de son fils de 8 mois, Amir. « Amir a de la fièvre, et il est souvent malade depuis que nous sommes ici. Nous manquons de lait et de couches. Il pleure aussi de plus en plus souvent, je pense qu’il est conscient de ce changement d’environnement et de l’insécurité dans laquelle nous vivons, notamment à cause du bruit des bombardements. »

Abbas explique qu’il a quitté la Syrie avec l’espoir d’une vie meilleure, mais qu’il se sent désormais pris au piège : « Nous sommes venus pour trouver la sécurité au Liban, mais il s’avère que nous sommes encore plus vulnérables ici. » Sa maison a été détruite en Syrie, où la situation économique ne lui permet pas de trouver du travail, et il lui semble impossible de retourner dans son pays d’origine.

Originaire de Syrie, Abbas, 28 ans, est venu au Liban en quête de sécurité avec sa femme et ses parents.

Zeinab Ozeir

Zeinab, 29 ans, a quitté la banlieue sud de Beyrouth, au Liban, avec son mari et leurs enfants, au lendemain de l'attaque israélienne du 27 septembre qui a tué Hassan Nasrallah, l'ancien secrétaire général du Hezbollah. Dans un premier temps, la famille s'est dirigée vers le nord, mais on lui a demandé de quitter la zone. Ne se sentant pas les bienvenus, ils ont donc décidé de rentrer à Beyrouth. Sur le chemin du retour vers la capitale libanaise, ils se sont installés dans le refuge pour personnes déplacées d'Azarieh, où le couple vit dans une pièce de 10 m² avec leurs 4 enfants : Helena, 8 ans, Ahmad, 7 ans, Amir, un mois et demi, et Abbas, 2 mois.

Zeinab décrit le sentiment d’incertitude qui l’envahit depuis qu’elle a dû quitter ses proches et sa maison :

 « Je ne peux plus imaginer l’avenir ici. Même si la guerre se termine, que restera-t-il de notre maison ? Ma famille et mes amis survivront-ils ? » 

Bien qu’elle ait vécu la guerre de 2006, elle décrit la situation actuelle comme beaucoup plus inquiétante. Elle s’inquiète aussi de l’impact de la guerre sur ses enfants. Elle venait d’inscrire Helena et Ahmad à l’école avant que la guerre n’éclate. Depuis, ils lui demandent quand ils pourront retourner à l’école. Mais surtout, la guerre met à rude épreuve la santé psychologique de chacun d’entre eux. Zeinab décrit des nuits remplies de cauchemars et de réveils constants au moindre bruit. Lorsqu’une bombe israélienne a frappé un bâtiment à deux kilomètres du refuge la veille, ses enfants lui ont demandé de déménager dans un endroit plus sûr. Elle aussi aimerait partir. Avec son mari, ils envisagent de quitter le Liban, quelle que soit la destination, tant que leurs enfants sont en sécurité et qu’ils peuvent espérer un avenir paisible.

Zeinab Ozeir, 29 ans, avec 3 de ses 4 enfants : Helena, 8 ans, Abbas, 1 an et demi, et Amir, 2 mois, dans une pièce où vit la famille au refuge Azarieh, dans le centre de Beyrouth.

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