Porte d'entrée du Centre d'Urgence MSF de Turgeau situé au centre de Port-au-Prince
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« Entre crises et reconstruction » : rétablir les soins et l’approvisionnement en eau à Port-au-Prince 

Le mardi 14 octobre 2025

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Témoignage de Roland Couprie, résident luxembourgeois en mission en Haïti

 

Au cœur de Port-au-Prince, la reprise des soins de santé relève autant de la reconstruction que du courage. Dans un contexte de violences et d’insécurité grandissantes, Médecins Sans Frontières (MSF) s’engage à rouvrir des structures vitales : de la maternité Isaïe Jeanty, longtemps pilier des soins maternels, aux hôpitaux de Carrefour et de Turgeau. 

Roland Couprie, résident luxembourgeois et Coordinateur Santé Environnementale sur le terrain, décrit les défis techniques, logistiques et humains qui jalonnent ces missions de réhabilitation, ainsi que la résilience du personnel et des populations locales.

Réhabilitation de la maternité phare de Port-au-Prince au milieu du conflit

La Maternité Isaïe Jeanty, à Cité Soleil, longtemps pilier des soins maternels en Haïti, a dû fermer en 2024 à cause de la montée de la violence à Port-au-Prince. 

L’insécurité dans la zone et les menaces visant le personnel médical ont rendu impossible la poursuite des activités, privant de nombreuses femmes d’un accès sûr aux soins obstétricaux.

A partir de novembre 2024, et en collaboration avec le ministère de la Santé Publique, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont réhabilité la structure et soutenu la réouverture progressive des services, y compris les consultations prénatales et postnatales, le planning familial, ainsi que la chirurgie obstétricale. Une équipe MSF assure également la prise en charge des victimes de violences sexuelles.  

Une infirmière prend soin d'un nouveau-né à la maternité Isaïe Jeanty, soutenue par MSF, à Port-au-Prince
Haïti : MSF soutient la réouverture d'une importante maternité à Port-au-Prince
En Haïti, l’accès aux soins de santé est devenu extrêmement limité dans un contexte de crise généralisée. En réponse, MSF soutient la réouverture de la maternité Isaïe Jeanty, l’une des plus importantes du pays, fermée en 2024 en raison de violences.

Roland témoigne : 

« En début d’année 2025, j’ai passé trois mois en Haïti comme Réfèrent Technique pour le département de Santé Environnementale au sein de MSF. Pendant cette période, j’ai coordonné les travaux de réhabilitation des infrastructures d’approvisionnement en eau, d’assainissement et de gestion des déchets de la maternité. 

Bien que le travail à réaliser n‘était pas très complexe, les enjeux sécuritaires, logistiques et d’approvisionnement – car le pays n’est accessible que par les hélicoptères des Nations unis ou par bateau pour le fret – ont fait de chaque journée un défi unique et particulier à relever. 

À titre d’exemple, après avoir mis plusieurs mois à trouver une entreprise qui puisse réaliser un forage pour alimenter la maternité en eau, leur matériel était malheureusement très vétuste, et le projet a dû être abandonné en cours de route. Six mois plus tard, le forage n’avait toujours pas été réalisé. Nous avons donc eu recours à la livraison d’eau par camions citernes, très coûteuse. 

Lors de ma mission, et malgré les difficultés, nous avons réussi à réactiver certaines activités comme les consultations, la pharmacie, les accouchements sans complications (le bloc opératoire étant en cours de rénovation) et l’accueil pour les personnes victimes de violences sexuelles. 

Les équipes médicales, logistiques, de construction et de santé environnementale de MSF travaillent dur et sans relâche. 

Nous passions entre 3 à 4 heures par jour dans les transports, et nous traversions plusieurs points de contrôle de sécurité pour atteindre nos destinations. Malgré la crainte, la chaleur et la fatigue, tout le monde restait motivé. 

Quand je pense aux habitants de Port-au-Prince, et en particulier à mes collègues haïtiens de MSF qui continuent à travaillent malgré les difficultés – telles que les déménagements dus à la violence, la perte de proches ou encore les risques d’enlèvement ou de balles perdues –, nous ne pouvons pas nous plaindre. »

Roland Couprie vérifie les bonbonnes d'eau potable à l’hôpital de Turgeau, Haïti

Objectif : la réouverture des hôpitaux de Carrefour et de Turgeau 

« Le 15 mars 2025, un convoi de MSF a été la cible d’une attaque sur l’axe reliant le Centre d'Urgence de Turgeau et l’hôpital traumatologique de Carrefour, à proximité de Port-au-Prince, alors que les combats et la ligne de front se rapprochaient dangereusement de l’hôpital, y déversant quotidiennement leurs lots de balles perdues. Face à la détérioration de la sécurité dans le centre-ville de Port-au-Prince, les hôpitaux ont interrompu leurs activités en mars et avril 2025. 

Dans ces deux centres médicaux, entre janvier et mars 2025, les équipes de MSF avaient pris en charge 3 600 personnes pour des soins d’urgence, et observé une augmentation préoccupante des victimes de violences, avec 750 personnes soignées durant cette période. 

Ces deux structures, gérées par MSF, étaient les seules dans la zone à fournir gratuitement des soins aux victimes d'accidents de la route, de chutes graves ou d'accidents domestiques, ou à les orienter vers des structures de soins appropriées. En tant que coordinateur du département de Sante Environnementale, je travaille avec MSF à la réouverture de ces sites, entre le mois de septembre et la mi-novembre.

Mon travail est de dynamiser l’équipe de Santé Environnementale (une cinquantaine de personnes) afin de nettoyer les sites à l’abandon, redémarrer la production et le traitement de l’eau, et garantir l’approvisionnement. Chaque hôpital produit et traite lui-même son eau potable, utilisée à la fois pour les services hospitaliers, les bureaux, les logements du staff international MSF (comme moi) et, autrefois, pour les centres de santé partenaires.

Dans le cadre de ma mission, il est également important de vider et de nettoyer tout le système d’assainissement, ainsi que de réactiver les zones à déchets (ZAD). Ces dernières doivent être capables d’éliminer tous les déchets médicaux comprenant les PTC (pointus, tranchants, coupants), les déchets organiques et tous ce qui peut être brulé (pansements, compresses, emballages, poches de perfusions, etc.). Pour cela, les ZAD sont équipées de puissants incinérateurs qui permettent également la destruction d’une partie du matériel et des médicaments périmés.

Le travail se déroule bien, même si le les trajets jusqu'aux sites représentent un vrai défi. Pour le moment, et après avoir passé 5 semaines sur place, je n’ai pu me rendre qu’une seule fois à l’hôpital de Carrefour, en raison de problèmes de sécurité sur la route. Le travail est donc suivi à distance avec le personnel qui est resté sur place. Pour l’Hôpital de Turgeau, l’accès est plus simple, mais nous sommes quand même relativement proches des zones de conflit, et il nous est arrivé de recevoir des gaz lacrymogènes provenant d’une attaque mitoyenne. »

La réouverture des sites est prévue d’ici la fin de l’année 2025. 

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