Vue aérienne de la dévastation après les inondations causées par la tempête Daniel qui a ravagé la région, à Derna, en Libye, le 17 septembre 2023. © Halil Fidan/Anadolu Agency via AFP
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À Derna, la population vit hantée par le spectre des inondations

Le mardi 5 décembre 2023

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A Derna, dans l’ouest de la Libye, les équipes de médecins et de psychologues de MSF apportent une aide d’urgence aux victimes des inondations dévastatrices provoquées par le passage de la tempête Daniel. Près de trois mois après la catastrophe, le traumatisme psychologique est encore bien présent. 

Dimanche 10 septembre, la tempête Daniel, ayant déjà provoqué des dégâts en Grèce et en Espagne, se renforce au cours de son passage au-dessus de la Méditerranée avant de s’abattre sur les côtes libyennes. Accompagnée de vents violents et de pluies très intenses, elle provoque la rupture de deux barrages en amont de la ville de Derna, une cité côtière du nord-est de la Libye. Dans la nuit du 10 au 11 septembre, aux alentours de 2h30 du matin, une vague mortelle engloutit une partie du centre-ville, emportant dans un torrent de boue des milliers de vies, détruisant sur son passage les immeubles et le paysage. 

Tout comme les photos montrant des horloges retrouvées dans les décombres, bloquées sur l’heure du drame, près de trois mois après la catastrophe, les bilans officiels se sont eux arrêtés à 4, 300 morts reconnus et plus de 8,000 disparus. 

Derna est actuellement dans un état d’abattement et de silence terrible. Les gens sont encore en deuil permanent » explique Asma Amaraa, psychologue MSF. 

Peu après la catastrophe, une équipe de MSF en Libye était arrivée à Derna, pour effectuer une donation, notamment de sacs mortuaires, mais surtout pour évaluer les besoins médicaux et humanitaires de la population. 

L’urgence la plus criante alors identifiée s’avérait d’apporter un soutien psychologique à la fois aux familles déplacées ayant perdu des proches et tous leurs biens et qui s’étaient réfugiées dans des salles de classe transformées en abris temporaires, mais aussi aux personnels médicaux et aux volontaires, eux-mêmes parfois endeuillés par les inondations et très exposés à la détresse psychologique des victimes. 

Dix jours après la catastrophe, l’équipe MSF avait démarré des consultations de médecine générale en support à deux centres de santé primaire ainsi que des activités de support psychologique à travers des sessions individuelles et des groupes de parole. 

Arrivée sur le terrain de l'équipe MSF pour l'évaluation des besoins à Derna. 16 septembre, 2023. © MSF

A ce jour, les médecins de MSF ont ainsi reçu plus de 4,480 patients, enfants et adultes, en consultation de médecine générale. 

Les pathologies les plus fréquentes sont l’hypertension, des infections des voies respiratoires supérieures, des maux de ventre. 

Nous avons vite remarqué que dans de nombreux cas, les patients venaient avec des symptômes plus psychologiques que physiques » relève le Dr Mohamed Ibrahim Algablawi. Les consultations de médecine générale ont ainsi donné lieu à plus de 230 référencements de patients auprès des équipes de santé mentale. « A Derna, tout le monde se connaît et le fait de venir voir un psychologue est encore souvent stigmatisé », souligne un des psychologues de l’équipe MSF.

Les psychologues rapportent ainsi que de nombreux patients présentent des symptômes de douleurs physiques allant des maux de têtes, à des oppressions thoraciques et parfois un essoufflement, des douleurs d'estomac ou dorsales, des bouffées de chaleur, ainsi que des symptômes de nervosité, de violence, de pleurs constants.  Ils expriment des sentiments de détresse, de peur, de tristesse. 

479 patients ont ainsi été vus en session individuelles et 483 en sessions de groupe;

« Ils font des cauchemars, ils ont l’impression que la catastrophe pourrait se reproduire, ils ont peur de la pluie, des nuages, du changement climatique. Cette peur que les inondations puissent se reproduire les hante » poursuit N., un psychologue de MSF. 

Malgré ces blessures invisibles encore profondes, et celles visibles notamment dans le paysage de la ville, la vie reprend peu à peu son cours à Derna. Les abris temporaires pour les déplacés ont été progressivement fermés, des travaux de reconstruction ont débuté. Lorsque les écoles ont finalement fait leur rentrée, les psychologues de MSF ont été mobilisés pour accompagner certains enseignants à faire face à cette rentrée particulièrement difficile.                

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