
Comment les enfants luttent contre le diabète dans les villages reculés au Soudan du Sud
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Au Soudan du Sud, la route menant à Ariath, dans le nord d'Aweil, traverse d'interminables plaines arides du nord de l'État du Bahr el Ghazal. Lorsqu'il pleut, la route se transforme en bourbier, et lorsqu'elle sèche, la chaleur brûle le sol craquelé.
Il faut une heure et demie de voiture pour atteindre ce petit village. Dans une maison aux murs de terre, Aher, onze ans, est assis près d'un pot en argile rempli d'eau, qui fait office de réfrigérateur improvisé pour sa famille.
À l'intérieur se trouve le médicament qui le maintient en vie : l'insuline. Sans elle, son taux de glycémie s'emballe, et son corps est pris de convulsions.

Les parents d'Aher, agriculteurs peinant à nourrir leurs cinq enfants, ont vécu d'innombrables nuits d'angoisse. À peine âgé de deux ans, Aher tombe gravement malade : vomissements, perte de poids et pertes de conscience. Ils écument les dispensaires, vendant leurs maigres possessions pour payer les frais médicaux et de transport, mais l’état de leur fils empire. Finalement, un voyage désespéré à l'hôpital d'État d'Aweil change tout. Les médecins lui diagnostiquent un diabète de type 1, une maladie auto-immune nécessitant des injections quotidiennes d'insuline pour survivre.
À l'échelle mondiale, environ 20 millions de personnes vivent avec un diabète de type 1, dont 1,1 million d'enfants et de jeunes adultes de moins de 20 ans. Dans les pays riches, la maladie peut être gérée à domicile grâce à des stylos à insuline et des lecteurs de glycémie. Mais dans les pays les plus pauvres, la situation est bien différente.
En Afrique, seule une personne sur sept ayant besoin d'insuline peut s'en procurer. Sans insuline, l'organisme s'arrête, ce qui entraîne une acidocétose diabétique (ACD), une urgence médicale potentiellement mortelle si elle n'est pas prise en charge.
À Aweil, Médecins Sans Frontières (MSF) soutient le service de pédiatrie de l'hôpital public, et prend en charge chaque mois une trentaine d'enfants atteints d'acidocétose diabétique (ACD) dans son unité de soins intensifs. La situation est critique : l'ACD est la deuxième cause de mortalité infantile après la malnutrition. Les familles voyagent pendant des heures, souvent à moto ou à pied, pour se rendre dans le seul centre de diabétologie spécialisé de la région. Malheureusement, certaines d’entre elles n’arrivent pas à temps.
Au début, Aher recevait son insuline en flacons et en seringues.
Il les détestait », raconte son père, Lual. « Les injections étaient douloureuses, mais c'était le seul moyen de le maintenir en vie. »
Plus tôt cette année, Aher a participé à un essai clinique de MSF visant à déterminer si l'utilisation de stylos à insuline et de glucomètres pouvait améliorer la vie des enfants. Les changements ont été immédiats. « Depuis qu'il utilise le stylo, il n'a plus été hospitalisé en soins intensifs », explique Lual.
« Maintenant, il joue. Il sourit. »

Mais le transport reste trop coûteux pour la plupart des familles, et la faim complique les soins.
« Nous mangeons une ou deux fois par jour. Les médecins disent qu'il a besoin d'un régime alimentaire spécial, mais comment pouvons-nous nous le procurer ? »
À seulement 90 kilomètres de là, à Marial Baai, Ajou Mayuen, 12 ans, lutte contre la même maladie, mais il n'a pas accès aux stylos à insuline.
« Quand je n'ai plus de médicaments et que je ne trouve pas de moyen de transport pour Aweil, son état s'aggrave », explique sa mère, Rebecca.
« Parfois, je me dis qu'il ne survit que par miracle. »

Rebecca ramasse du bois de chauffage qu'elle vend pour pouvoir acheter de la farine et nourrir son fils. Cependant, pendant la saison des pluies, la forêt est inondée, la coupant à la fois de toute source de revenus et de l'hôpital. Un seul trajet coûte environ 40 000 livres sud-soudanaises, plus que ce qu’elle peut gagner pour des consultations régulières à l’hôpital.
« Si vous n'étiez pas venus aujourd'hui, nous n'aurions pas pu aller à l'hôpital », a-t-elle déclaré à une équipe de MSF en visite. « Mais je veux désespérément que mon fils soit soigné. »
Les bras d'Ajou portent les marques d'innombrables injections. Las de la douleur, il refuse parfois les piqûres.
Il veut abandonner », confie Rebecca d'une voix douce. « Mais je lui rappelle sans cesse que les médicaments sont son seul espoir de survie. »
En 2021, l'Organisation mondiale de la Santé a lancé le Pacte mondial sur le diabète, s'engageant à ce que, d'ici 2030, toute personne atteinte de diabète de type 1 ait accès à une insuline abordable et à l'autosurveillance glycémique. À seulement cinq ans de l'échéance, cet objectif semble encore bien loin dans des endroits comme Aweil, où, pour de nombreux enfants, le cycle entre la maison et les soins intensifs est sans fin.
Les premiers résultats de l'essai mené par MSF montrent que l'accès aux stylos à insuline change des vies. Lual, le père d'Aher, le sait mieux que quiconque. Chaque mois, il craint que le stylo ne se casse ou qu'un jour ils n'en reçoivent plus. « Je ne veux pas revivre l'époque où il était constamment en soins intensifs », dit-il. « Je veux juste qu'il grandisse en bonne santé. »
Les stylos à insuline et les lecteurs de glycémie pourraient changer la donne pour les enfants du Soudan du Sud, mais leur prix les rend inaccessibles.
Alors que le monde se rapproche rapidement de 2030, la question n'est plus de savoir si ces outils sont efficaces, mais si la communauté internationale les rendra abordables pour chaque enfant qui en a besoin.
D'ici là, des enfants comme Ajou et Aher continueront de se retrouver en soins intensifs – et certains, malheureusement, n'auront toujours pas accès à ces traitements vitaux.

