Bechara Ziadé, Président sortant de MSF Luxembourg. Mai, 2024 © MSF
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« Centrer sur l'humain et agir pour le climat ont été les priorités de mon mandat »

Le vendredi 3 mai 2024

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Alors que son deuxième mandat en tant que Président de Médecins Sans Frontières Luxembourg arrive à terme, le Dr Bechara Ziadé dévoile les principaux défis et accomplissements de sa mission. 
Dr Bechara Ziadé (a gauche) avec Thomas Kauffmann, directeur general de MSF Luxembourg. Mai, 2024 © MSF

À l'ocassion de l’Assemblée générale de Médecins Sans Frontières Luxembourg le 4 mai prochain, Dr Bechara Ziadé quittera la tête du Conseil d’Administration après deux ans de mandat. 

Médecin généraliste, Bechara Ziadé a une longue expérience auprès de MSF, en tant que directeur médical de la section luxembourgeoise de 1991 à 1995 mais aussi Président de 2011 à 2013, et de 2022 au 2024. Récemment retraité du poste de Chef de division au ministère de la santé luxembourgeois pour la « médecine scolaire et la santé des enfants et adolescents », il a décidé de ne pas se représenter à la présidence de l’organe de gouvernance de l’association.

Qu'espériez-vous réaliser lorsque vous êtes devenu Président en 2022, et comment ces espoirs se sont-ils concrétisés ? 

Lorsque j'ai pris mes fonctions de Président en 2022, j'avais plusieurs objectifs pour MSF. Sensibiliser la jeunesse était essentiel, et je constate que nos équipes sur le terrain et au bureau maintiennent un contact étroit avec les jeunes, transmettant ainsi l'importance de notre mission. Une communication accrue sur nos actions a également été une priorité, et je suis satisfait de voir notre équipe dynamique diffuser efficacement notre message, ce qui se traduit par une augmentation notable de notre soutien financier. Recruter davantage d'expatriés était un défi, mais j'ai pu représenter le Luxembourg et la section luxembourgeoise de MSF à l'échelle mondiale, contribuant ainsi activement au développement de notre organisation à travers le monde. Remettre l'humain au centre de nos préoccupations et lutter contre la crise climatique ont été des points essentiels de mon mandat. Pour ce faire, nous avons mis en place des initiatives à travers notre unité de recherche opérationnelle luxembourgeoise (LuxOR) et de la Fondation MSF pour la recherche humanitaire pour contribuer à la recherche et à la sensibilisation sur la crise climatique.

J’ai pu représenter le Luxembourg et la section luxembourgeoise de MSF à l'échelle mondiale, contribuant ainsi activement au développement de notre organisation à travers le monde.

En tant que Président, j'ai toujours défendu l'idée que nous sommes plus forts ensembles, et que chaque individu contribue à la richesse de notre société. Malgré les défis rencontrés et les atrocités observées de par le monde, je continue à croire en la capacité de l'humanité à s'élever vers un avenir meilleur.

Y a-t-il des choses que vous feriez différemment si vous aviez à nouveau le temps ? 

Non. Je ne pense pas que je changerais quelque chose si j'avais l'opportunité. En tant que président, il y a des responsabilités à différents niveaux : national, opérationnel et international. Au Centre Opérationnel de MSF à Bruxelles, par exemple, avec les autres sections membres de MSF, nous sommes confrontés à des événements mondiaux qui influent sur notre action à tous les niveaux de l’organisation. 

Évidemment, il y a toujours moyen de faire mieux, de consacrer plus de temps. En tant que bénévole au sein de cette association, j’ai toujours voulu donner le meilleur de moi-même. J'essaie de m'investir autant que possible. 

Lors de votre second mandat, les attentes ont peut-être été différentes par rapport au premier. Avec l’expérience acquise, un second mandat offre-t-il une perspective et des ambitions plus claires ?

En fait, c'est un peu oui et un peu non, parce qu'au cours de mon premier mandat, le contexte international était différent. Lors de mon second mandat, plusieurs éléments ont changé. 

Nous avons été confrontés à un contexte international marqué par l'émergence de conflits et d'événements majeurs. Cela a entraîné des missions d'urgence fréquentes, des interventions lors de catastrophes naturelles, ainsi qu'un travail accru au sein de MSF International. Pour moi, représenter le Luxembourg impliquait une participation active aux débats internationaux internes à notre mouvement et à la construction de l'avenir de MSF. C'était un effort collectif. Il était donc crucial pour moi d'être présent et engagé. Cela a nécessité un niveau d'engagement international plus élevé, qui n'était pas aussi prononcé lors de mon premier mandat.

Quel a été, selon vous, le moment le plus difficile de votre mandat ?

Parmi les moments les plus difficiles de mon mandat, il y avait la gestion des tensions au sein de certains organes internes. C'est quelque chose qui doit être traité avec diligence, car pour moi, l'essence même de l'humanitaire réside dans notre capacité à avancer ensemble. 

L'essence même de l'humanitaire réside dans notre capacité à avancer ensemble.

Bien sûr, nos différences peuvent parfois créer des frictions, mais heureusement, tout a été résolu grâce à un travail concerté avec le conseil d'administration, dans l'intérêt supérieur de Médecins Sans Frontières. Nous avons pu avancer de manière significative dans ce domaine.

Cependant, ce qui demeure le plus difficile, ce sont les catastrophes qui se déroulent autour de nous, en particulier les conflits armés. La situation à Gaza me touche personnellement en raison de mon lien avec la cause palestinienne, ayant vécu au Liban pendant mon enfance, mon adolescence et ma jeunesse. À travers MSF, j'ai tenté d'apporter mon aide à ce niveau.

La crise migratoire est également une source d'inquiétude, tout comme les crises négligées, comme celle du Soudan. Du point de vue du contexte politique, je regrette l’instrumentalisation des ONGs en tant que serviteurs financières, instruments de propagande ou encore des outils pour assurer un mandat politique. Néanmoins, la nature indépendante de MSF nous permet de ne jamais être compromis par une cause politique et de placer l’être humain au cœur de nos actions. Notre mission est de recentrer l'humain au cœur de nos actions, et cela ne doit jamais être compromis.

La nature indépendante de MSF nous permet de ne jamais être compromis par une cause politique et de placer l’être humain au cœur de nos actions.

Dr Bechara Ziadé, président sortant de MSF Luxembourg dans les locaux de l'assotiation à Hollerich. © MSF

Quels conseils donneriez-vous au nouveau Président pour l'aider à assumer son rôle ?

Chaque président imprime sa propre marque, son propre style. Je ne suis pas là pour donner des conseils, mais je suis disponible pour accompagner et aider, si nécessaire, à appréhender ce contexte international dans lequel je m'immerge moi-même. Je cherche à le comprendre à tous les niveaux, mais chacun a sa propre manière de le percevoir.

Heureusement, notre bureau est uni, fonctionnel et efficace. Notre directeur est un rassembleur, et nos équipes sont engagées et dévouées. C'est un aspect crucial. Le conseil d'administration, composé de bénévoles, donne beaucoup de lui-même à tous les niveaux. Je suis convaincu que le nouveau président, la nouvelle présidente, apportera sa propre empreinte, et tout se passera très bien. Je suis là, disponible au cas où il ou elle aurait besoin de moi.

Quels sont vos projets ou aspirations à présent ?

Avec MSF, je vous dis à bientôt. L'engagement continue. Je suis toujours membre, donc vous me verrez sûrement lors des réunions. Je serai là, participant comme je peux. Mais après 33 ans, je pense qu'à mon âge, il est peut-être temps de ralentir un peu. Le rôle de président est très prenant, après tout.

Avec MSF, je vous dis à bientôt. L'engagement continue, même si après 33 ans il est temps de ralentir.

Je laisse la place aux jeunes avec plaisir, sachant que j'ai passé de bons moments. Comme je l'ai dit, si MSF n'avait pas existé, il aurait fallu l'inventer. Je suis surtout fier de ce que MSF réalise. C'est une organisation que je respecte énormément, que j'admire et qui, selon moi, a toutes les qualités nécessaires pour faire la différence.

Quels souvenirs et expériences emportez-vous de votre parcours avec MSF, tant sur le plan professionnel que personnel ?

Sur le plan personnel, ce sont surtout les moments de rencontres qui ont marqué mon expérience. Que ce soit sur le terrain lors de mes petites missions ou ici-même au bureau. Malgré la fatigue, nous avons travaillé ensemble et accompli des actions concrètes. Ces instants restent gravés. Rien ne vaut le sourire d'un enfant, tenant notre main, c'est une image qui résonne en moi.

Rien ne vaut le sourire d'un enfant, tenant notre main, c'est une image qui résonne en moi.

Quant à ma relation avec MSF, c'est une véritable passion. J'aime cette organisation, non seulement pour son nom évocateur, mais surtout pour son essence même, cette idée de transcender les frontières. C'est un mélange unique de personnes dévouées, prêtes à donner leur vie pour autrui, qu'elles soient bénévoles ou non. C'est un dévouement envers la cause humaine qui me touche profondément. Pour moi, il n'y a rien de négatif dans cette expérience. C'est tout simplement merveilleux.

Un dernier message que vous souhaiteriez transmettre ?

Je voudrais dire merci. Vraiment, merci à tous. Merci aux membres du conseil d'administration qui m'ont accompagné. Sans eux, rien de tout cela n'aurait été possible. Merci aussi à toute l'équipe du bureau, aux bénévoles qui donnent sans compter leur temps et leur énergie. Vous êtes l'essence même de MSF, et je vous en suis profondément reconnaissant. Et bien sûr, un immense merci à nos donateurs. 

Sans votre soutien, nos actions ne pourraient pas voir le jour. Merci.

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