Bangladesh : les conditions de vie des réfugiés rohingyas de plus en plus alarmantes
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À quoi ressemble la vie dans les camps ?
Il y a eu une forte détérioration des conditions de vie dans les camps de réfugiés au cours des 12 derniers mois. La présence de la police et de l'armée s'est accrue ; les groupes armés ont gagné du pouvoir dans les camps. Nous entendons parler de plus d'enlèvements, de violence et d'extorsion.
L’arrivée de la Covid-19 a entraîné davantage de restrictions, qui affectent aussi bien la liberté de mouvement des réfugiés que l’accès des organisations humanitaires internationales au camp. En 2020, les services à l'intérieur des camps ont été réduits au strict minimum et certaines organisations ont dû cesser complètement de travailler. Durant les premiers mois de la pandémie, les équipes MSF ont été contraintes de réduire le nombre et l’étendue des services de santé proposés à la population rohingya.
Cette situation pèse beaucoup sur les Rohingyas, qui sont de plus en plus désespérés. Pour s’échapper de Cox’s Bazar, certains choisissent de tenter un voyage périlleux depuis la Malaisie en s’embarquant sur des bateaux affrétés par des trafiquants d’êtres humains. D’autres s’inscrivent pour être transférés sur l'île reculée de Bhasan Char, malgré les nombreux points d'interrogation sur leur avenir là-bas.
La relocalisation à Bhasan Char est une conséquence de l'échec de la communauté internationale à apporter une solution à ce qui est devenu une crise de réfugiés prolongée.
Bernard Wiseman, chef de mission dans le district de Cox’s Bazar
Que pouvez-vous nous dire sur l'île de Bhasan Char ?
L'île de Bhasan Char est un banc de sable, au milieu de la baie du Bengale, qui n’existe que depuis 2006 et qui n’a jamais été habité.
Après l’arrivée massive de réfugiés rohingyas en 2017, les autorités bangladaises ont imaginé que Bhasan Char pourrait devenir un lieu de relocalisation pour certains des réfugiés. Environ 14 000 réfugiés y ont été réinstallés depuis décembre 2020 et le gouvernement prévoit à terme de relocaliser environ 100 000 personnes.
Cependant, on ne sait pas si l’île est adaptée aux besoins des réfugiés et si elle va perdurer. De plus, elle est située à environ 60 km du continent et le seul moyen de s’y rendre est une navette gérée par l'armée bangladaise.
Il y a actuellement une vingtaine d'anciens patients MSF sur l'île et nous sommes toujours en contact avec eux. Leur première réaction aux conditions de vie sur l'île a été généralement positive. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi : les bâtiments sont en béton avec des toits métalliques, ce qui est certainement une amélioration par rapport aux petites structures de boue et de bambou dans lesquelles ils vivaient depuis trois ans.
Quelles sont les préoccupations de MSF concernant les délocalisations à Bhasan Char ?
D'un point de vue médical, nous sommes très inquiets. Nous avons appris que seuls des soins de santé primaires très basiques sont fournis par des ONG locales. À notre connaissance, les services de santé secondaires et spécialisés ne sont pas disponibles.
Nous ne savons pas comment les patients nécessitant des soins médicaux d’urgence sont transférés à l’hôpital, qui se trouve à plus de trois heures de l’île. Il y a eu très peu de discussions engagées avec les réfugiés rohingyas ou les prestataires de soins dans les camps de Cox’s Bazar pour discuter de la manière d’assurer l’accès aux soins médicaux sur l’île.
Nous essayons d'établir des réseaux de référence pour assurer une continuité des soins à nos anciens patients souffrant de maladies chroniques, qui nécessitent un suivi et des médicaments continus.
Dans l'ensemble, la situation de Bhasan Char est un symptôme de la détérioration générale des conditions de vie dans les camps de réfugiés au Bangladesh. C'est aussi l'un des nombreux problèmes auxquels les Rohingyas sont confrontés depuis des décennies.
Bernard Wiseman, chef de mission dans le district de Cox’s Bazar