Au cours de son travail au Maroc, Fouzia a rencontré plus de 150 personnes, en groupe ou individuellement, principalement des femmes, des enfants et des jeunes volontaires. 28 septembre 2023
Actualité

Traiter les blessures invisibles alors que les gens reconstruisent leur vie

Le mardi 3 octobre 2023

En 1 clic, aidez-nous à diffuser cette information :

Je suis arrivée le 11 septembre, deux jours après le tremblement de terre qui a frappé la région du Haut Atlas au Maroc. Il s'agissait du plus fort tremblement de terre que le Maroc ait connu depuis des décennies, tuant près de 3 000 personnes et en blessant environ 6 000.

Avec quatre autres équipes MSF, nous avons visité des dizaines de villages.

Plus de 50 000 maisons ont été détruites, l'électricité a été coupée dans plusieurs villages, et certains ont été complètement rasés, rendant l'accès plus difficile.

Malgré la gravité du tremblement de terre, les autorités marocaines ont rapidement lancé une intervention massive, avec le soutien de quelques autres États, pour rechercher des corps sous les décombres et soigner les personnes blessées. Elles ont également envoyé des hélicoptères pour évacuer les personnes se trouvant dans des zones isolées et dans les montagnes. Les autorités ont répondu aux besoins médicaux urgents et immédiats de la population, mais les besoins en matière de santé mentale n'ont pas encore été couverts.

Grâce à la longue expérience de MSF en matière de réponse aux tremblements de terre, nous savons que la santé mentale n'est parfois pas considérée comme une priorité, alors qu'elle est un élément clé pour aider les gens à s'adapter, à se rétablir et à reconstruire leur vie.

La petite ville de Talat Nyakoub, située à 95 km au sud de Marrakech, a été sévèrement touchée. De nombreux bâtiments se sont effondrés, mais quelques dizaines restent debout dans le centre.

En tant que personnel médical parlant l'arabe et le berbère, j'ai pu parler aux gens, écouter leurs histoires, les aider à exprimer leurs émotions et à en parler. En général, pouvoir organiser des séances de premiers secours psychologiques en berbère est un défi car le Maroc manque de psychologues parlant cette langue.

Avec cette compétence, j'ai pu faire des séances de groupe sans traducteur.

J'ai vu à quel point le choc était immense pour les gens, quel que soit leur âge. Ce qui ressortait surtout, c'était la peur et l'anxiété.

Plusieurs personnes ne pouvaient pas parler facilement au début.

Une femme d'un village que j'ai visité près de Tigouga a perdu ses trois enfants. Le plus jeune n'avait qu'un mois. Le jour, elle ne parlait pas, et la nuit elle pleurait constamment et cherchait ses enfants dans le village.

Dans ces zones montagneuses, les gens ont tout perdu en quelques secondes : ils ont perdu leur passé, leur présent et leur avenir. Ce sont des Berbères qui vivaient ici depuis des siècles, et ils ne veulent pas quitter leurs terres, ce qui ajoute une couche d'anxiété et d'incertitude pour l'avenir : comment vais-je reconstruire ma vie ? Reviendra-t-elle un jour à ce qu'elle était avant ? L'hiver arrive et nous vivons sous des tentes. Ce n'est pas viable. Ces questions étaient parmi les plus récurrentes que j'entendais au cours des séances, et elles font toutes partie du chemin de la guérison.

Dans un village de la région de Taroudant, une seule personne a survécu. Auparavant, 70 personnes y vivaient.

Évaluation de MSF dans la province de Chichaoua. 13 septembre 2023.

En plus de la mobilisation massive des autorités marocaines, des centaines de jeunes humanitaires, venus pour la plupart des provinces voisines, sont venus par solidarité et ont participé aux secours. Ils n'ont pas été épargnés par le traumatisme et les besoins étaient aussi importants que ceux des autres personnes que j'ai rencontrées.

Le groupe de jeunes bénévoles avec lesquels j'ai travaillé, âgés de 17 à 24 ans, était sous le choc. Les séances leur ont permis de digérer et de comprendre ce qui se passe dans leur esprit.

Au fil des séances, ils se sont ouverts et ont partagé leurs souffrances qu'ils cachaient ou dont ils n'osaient pas parler auparavant, car ils voulaient rester forts. Cet espace était plus que nécessaire pour que ces jeunes volontaires puissent mieux gérer leurs émotions. Le tremblement de terre a également ravivé de nombreux troubles mentaux latents que les gens avaient eu tendance à enfouir pendant des années, ce qui aggrave leur situation et leurs symptômes.

MSF travaillera dans les semaines à venir avec les autorités et les organisations locales pour fournir des soins de santé mentale gratuits et aider les gens à se rétablir. Des milliers de personnes ont besoin d'être soutenues et cela doit être fait le plus tôt possible, dès que le traumatisme est encore frais pour prévenir les troubles de stress post-traumatique.

Nous travaillons avec des psychologues, des promoteurs de santé et des travailleurs sociaux marocains, nous les formons à identifier les besoins des personnes et à donner les premiers soins psychologiques dans le cadre de séances individuelles ou de groupe. Nous les formerons également à identifier les cas graves qui nécessitent un soutien supplémentaire et doivent être orientés vers des soins spécialisés ou psychiatriques.

Une expérience traumatisante telle que survivre à un tremblement de terre nécessite un soutien immédiat avec un soutien psychologique accru, afin d'éviter les problèmes de santé mentale à long terme - ces soins de santé critiques sont parfois négligés en raison de la priorité donnée à ceux dont les blessures sont visibles.