Dr Christos Christou, président international de MSF. Septembre 2019.
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Le président international de MSF exhorte tous les gouvernements à soutenir la suspension des monopoles pendant la pandémie de COVID-19

Le mardi 9 mars 2021

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En tant que président international de Médecins Sans Frontières (MSF), j’écris aux gouvernements qui bloquent ou retardent la décision relative à une proposition historique discutée à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour les exhorter à cesser de faire obstruction. Tous les membres de l'OMC se doivent de soutenir les efforts des pays qui luttent contre la pandémie de COVID-19 avec des technologies médicales d’ordre vital.

Si elle est acceptée, cette demande permettrait d’accorder une dérogation temporaire pour certains droits de propriété intellectuelle dans le cadre de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), levant ainsi les monopoles sur les dispositifs de santé contre la COVID-19 pendant la pandémie.

Proposée à l’origine par l’Inde et l'Afrique du Sud en octobre 2020, la proposition est désormais coparrainée par 58 pays. Une centaine de pays l’accueillent favorablement, et des centaines de groupes de la société civile et d'organisations internationales la soutiennent.

Depuis janvier 2020, MSF a lancé des interventions de lutte contre le COVID-19 dans plus de 70 pays. Elle a ainsi contribué à assurer la continuité des services de santé essentiels et à garantir que les personnes atteintes de COVID-19 reçoivent les soins dont elles avaient besoin. Au début de la pandémie, de nombreux pays ont connu des pénuries dans leurs approvisionnements essentiels et ont dû prendre des décisions difficiles, notamment en limitant certains soins de santé essentiels.

La propriété intellectuelle, la technologie, les données et le savoir liés aux technologies de santé contre le COVID-19 devraient être diffusés sans restriction, facilitant ainsi la production pour les fabricants compétents ainsi que la distribution à l’échelle mondiale.

Les pays doivent cesser de faire obstruction et démontrer leur volonté d’appliquer le principe de « solidarité mondiale » dont ils ont souvent parlé pendant cette pandémie et d’en faire une réalité.
Dr Christos Christou, Président international de Médecins Sans Frontières

Pourtant, un an depuis le début de la pandémie, les sociétés pharmaceutiques continuent de maintenir leurs monopoles commerciaux, y compris sur des technologies ayant bénéficié d'importants investissements publics. Grâce à des accords commerciaux secrets, les entreprises détiennent toujours l’essentiel du pouvoir de décision sur les endroits où les médicaments et les vaccins peuvent être produits, sur les personnes qui les obtiennent en premier et sur les prix à appliquer.

Peu d'entreprises ont pris des initiatives afin d’accroître la fabrication et l'approvisionnement en s'appuyant sur les capacités existantes des pays en développement. Le secteur pharmaceutique n'a pas non plus apporté un soutien concret aux initiatives encourageant le libre partage de la propriété intellectuelle et des technologies de santé contre le COVID-19 à l'échelle mondiale, comme par exemple le Groupement d’accès aux technologies contre le COVID-19 (C-TAP) de l'Organisation mondiale de la Santé.

Outre le manque de collaboration des compagnies pharmaceutiques, de nombreux pays riches se sont déjà procuré la majorité des vaccins disponibles contre le COVID-19. Certains de ces pays reconnaissent l'importance de faire profiter les pays en développement de la technologie afin d'augmenter leur production et la distribution, mais n'ont pris aucune mesure concrète dans ce sens.

Si l'on n’augmente pas le nombre de fournisseurs de dispositifs de santé essentiels dans le monde, les habitants de ces pays seront désavantagés en termes d'accès de manière disproportionnée. Les pays devraient utiliser pleinement les flexibilités juridiques existant actuellement dans les lois sur la propriété intellectuelle pour protéger la santé publique.

Toutefois, au regard des besoins considérables dans le monde, ces flexibilités ne peuvent à elles seules répondre à la pandémie.

La proposition de dérogation offre une solution politique supplémentaire permettant éventuellement d’éliminer plus rapidement les risques juridiques pouvant entraver la production et la distribution de dispositifs de santé contre le COVID-19.

Le temps est venu de défendre l'accès aux outils de santé pour tous, quel que soit l’endroit où ils se trouvent.
Dr Christos Christou, Président international de Médecins Sans Frontières

Cela pourrait favoriser une meilleure collaboration dans le développement, la production et la distribution sans être entravés par les intérêts et les mesures du secteur privé. Cette dérogation donnerait aux gouvernements tous les dispositifs dont ils ont besoin pour favoriser l’accès mondial.

Compte tenu des avantages évidents que la proposition de dérogation concernant les ADPIC offre en matière de santé publique, le petit nombre de pays riches bloquant ou retardant activement les négociations à l’OMC nous inquiète profondément. Incidemment, un grand nombre des pays bloquant ou retardant la dérogation, comme l'Australie, le Brésil, le Canada, l'U.E., le Japon, la Norvège, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis, détiennent la majorité des vaccins disponibles.

À l’heure actuelle et dans l’avenir, tous les médicaments, vaccins, tests diagnostiques et autres dispositifs de santé capables de sauver des vies doivent être considérés comme des biens publics à l’échelle mondiale, exempts de tout monopole privé, et être disponibles et accessibles à tous.

Veuillez agréer mes sincères salutations.

Dr Christos Christou
Président international de Médecins Sans Frontières

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