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FOCUS - 50 ANS ASSO

Le Carnet de voyage

Le lundi 2 août 2021

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Toute une vie d'humanitaire : 50 ans de terrain d'un médecin-carnettiste

Pascal Grellety Bosviel, co-fondateur de MSF, a passé près d'une cinquantaine d'années à parcourir le monde lors de différentes missions humanitaires. Au travers des carnets de voyages humanitaires qu'il a pu réaliser (près de 70 au total !), il propose un regard sur quelques-unes de ces années marquantes. Il illustre ses carnets par les photos et les dessins qu'il réalisait sur place, lorsque le temps et les conditions le lui permettaient. 

Années sans frontières : carnets de route

Béatrice Fraiteur, infirmière de terrain dans les années 1980, rédige ses carnets de route sous la forme de témoignages sur les situations tragiques des réfugiés et la réalité quotidienne des équipes de médecins sur le terrain.

[Extrait page 65 à 67]

« Devant la tente de Médecins sans Frontières, la présence de cameramen provoque un attroupement. Nous apprenons qu'hier a eu lieu une « marche pour la survie du Cambodge », organisée par MSF à la frontière cambodgienne. Plusieurs journalistes discutent. Je me mêle à la conversation et j'apprends que Médecins sans Frontières a tenu à organiser cette marche pour sensibiliser l'opinion publique au drame cambodgien. Des milliers de tonnes de riz apportées à Phnom Penh n'arrivent pas au peuple Khmer. Elles sont détournées au profit des envahisseurs ou sont distribuées uniquement à ceux qui soutiennent le régime. Puisque les autorités de Phnom Penh interdisent aux étrangers d'entrer dans le pays, le seul moyen pour forcer les Vietnamiens à distribuer l'aide est de susciter un mouvement d'opinion publique. C'est ce que MSF a tenté en organisant cette marche qui rassemble des hommes venus de tous les horizons, des personnalités et des représentants d'associations.

Dans la cohue, je reconnais Claire. Nous avons appartenu à l'époque à la même organisation de jeunesse. Claire aujourd'hui est médecin. Elle m'explique qu'elle travaille depuis un mois en pédiatrie, avec MSF.

Elle nous fait entrer dans la tente qui abrite sa section. Il n'y a plus une place de libre. Une autre organisation, International Rescue Comittee, s'occupe également de la santé des enfants et une troisième, Catholic Relief Service, prend en charge presque exclusivement les problèmes d'alimentation infantile. Malgré cela, les services sont surpeuplés. Les mères, assises sur leur lit de bambou, essaient de calmer leur enfant en leur donnant le sein. Beaucoup d'enfants sont dans un état lamentable. Affaiblis, mal nourris, ils offrent peu de résistance aux infections telles que la rougeole, la bronchite ou la pneumonie. Claire nous montre deux petits bébés en couveuse. Ils sont nés prématurément il y a deux jours et tentent de survivre. L'un pèse 1 kg 500, l'autre 1 kg 700.

Des aides-soignants cambodgiens, formés sur le tas et appelés « médics », passent entre les lits distribuer les médicaments, donner les soins. Claire me présente Tarn, l'un d'entre eux. Ils sont une dizaine dans le service. La plupart connaissent le français et ont dû abandonner leurs études lors de l'installation du régime de Pol Pot. Nous rejoignons ensuite un médecin occupé à faire sa tournée et nous reconnaissons Philippe qui a, comme Isabelle, suivi les cours de médecine tropicale avec nous. Le monde est décidément bien petit ! Il ausculte un enfant qui hurle. Grande est sa surprise en se retournant. Philippe a gardé son air naturellement ébahi, qui fait d'ailleurs tout son charme. Il est amusé d'apprendre que nous travaillons pour des Américains. Informé de notre problème de logement, il nous propose de loger cette semaine dans sa maison. De toute façon, la maison est envahie en raison de la « marche pour la survie », des journalistes dorment dans le salon, à même le sol.

Philippe achève son tour des malades et nous emmène à la «maison du lac». Un minibus embarque les membres de Médecins sans Frontières. Je suis étonnée par le nombre de « petites sœurs » qui y prennent place. Elles sont venues se joindre à Médecins sans Frontières pour six mois, paraît-il. Arrivé à Aran, le minibus fait le tour des maisons louées par MSF et dépose ses passagers.

- La « maison du lac », c'est notre tour! s'écrie Philippe.

- Quel splendide lac ! dis-je en découvrant une mare boueuse à la surface de laquelle les moustiques semblent s'en donner à cœur joie.

Comme la plupart des maisons thaïlandaises, la «maison du lac» est construite tout en bois, sur pilotis. Philippe nous présente la petite équipe de la maison qui discute autour d'une bonne bière sur la terrasse : Jief, médecin belge, et sa femme Paule qui travaille comme intendante, Joëlle et Danielle, deux infirmières françaises. Manifestement Jief et Philippe font la paire pour ce qui est de prendre la vie avec humour et du bon côté. »

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