Justice climatique pour nos patients
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Il y a quelques mois à peine, le Nigeria, le Niger et le Tchad connaissaient leurs plus graves sécheresses depuis des années. Entre-temps, la situation est passée à l'autre extrême : ces mêmes pays sont désormais touchés par de graves inondations. Pour les populations sur place, il n'y a guère de répit entre une crise et la suivante.
La plupart de ces points chauds climatiques sont situés dans les pays où nous opérons. Beaucoup d'entre eux se trouvent sur le continent africain, où se déroule également la Conférence mondiale sur le climat de cette année. Dans nos projets, nous voyons des personnes subir directement les effets de la crise climatique sur leur santé.
Plus de soutien pour les personnes dans le besoin !
La crise climatique est une menace pour la santé humaine, mais toutes les personnes ne sont pas touchées de la même manière. Comme c'est souvent le cas, les personnes dont le comportement contribue le moins à la crise climatique en supportent le plus lourd fardeau. Ils le paient de leur santé et, dans certains cas, de leur vie.
Nous considérons donc qu'il est de notre devoir de témoigner cette année encore à la COP27 de ce que nous voyons dans nos projets, et de plaider auprès des décideurs pour un meilleur soutien aux populations dans le besoin.
La crise climatique frappe les plus vulnérables
Une différence de 1,5 à 2°C, voire 2,7°C, de réchauffement de la planète d'ici 2030, comme le prévoyait l’an passé le programme des Nations unies pour l'environnement, met en danger la vie de nombreuses personnes dans le monde :
La sécheresse est synonyme de malnutrition. En 2020, les vagues de chaleur ont entraîné une insécurité alimentaire modérée à sévère pour plus de 98 millions de personnes. [1] Les sécheresses prolongées, comme celles qui ont touché la région du Sahel cette année, impliquent qu'il n'y a pas assez d'eau potable pour les personnes et les animaux ni assez d'irrigation pour les champs, de sorte que les sols s'assèchent et que les récoltes sont plus faibles. Les réserves alimentaires sont alors épuisées en début d'année, ce qui peut conduire à la malnutrition.
Un temps plus chaud favorise les moustiques et les maladies. Avec la modification des précipitations et l'augmentation de la température, la période de propagation du paludisme, par exemple, est prolongée. Au Mozambique notamment, le risque de contracter le paludisme s’étale désormais toute l'année dans certaines régions du pays, et plus seulement pendant la saison des pluies.
Destruction par des conditions météorologiques extrêmes. Les cyclones tropicaux peuvent devenir plus fréquents et plus forts, comme ce fut le cas à Madagascar au début de l'année avec deux cyclones successifs. Les hôpitaux furent détruits et de nombreux patients n’eurent temporairement plus accès aux soins.
La perte des moyens de subsistance oblige les gens à fuir. Parfois, cependant, les gens n'ont pas d'autre choix que de fuir, comme dans le sud de la Somalie, où beaucoup ont été contraints de quitter leur foyer en raison de la sécheresse et d'un conflit prolongé. Pour les personnes vivant dans des contextes de pauvreté et de conflit, les personnes sans protection sociale et celles qui n'ont pas accès aux soins de santé de base ou en sont exclues - en d'autres termes, nos patients -, il est possible de faire une différence qui changera leur vie.
Chaque fraction de réchauffement évitée réduit la mort et la souffrance dans les contextes humanitaires où nous opérons.
Nous sommes déjà témoins de pertes et de dommages - les responsables doivent agir maintenant.
L'action climatique, c'est-à-dire l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, aurait dû être entamée il y a longtemps. Les dommages et les pertes qui en ont découlé sont irréversibles dans certains endroits. Ici, les conséquences sont déjà une réalité : de nombreuses vies humaines, des infrastructures (dont celles de santé), des maisons, des écoles, des terres agricoles, des lieux culturels et spirituels ont été détruits.
Dans ces régions, il ne s'agit plus seulement d'arrêter le changement climatique. Partout où nous le pouvons, nous devons atténuer les conséquences pour les populations et leur santé, notamment par des mesures d'adaptation simples, telles que la construction d'un barrage ou l'assainissement des sources d'eau.
S'il est trop tard pour cela, nous devrons payer pour la reconstruction après la destruction. Ainsi, ce sont surtout les pays qui contribuent le plus à la crise climatique, les pays du G7 par exemple, qui doivent être tenus pour responsables.
Ce que nous demandons
Les besoins humanitaires vont croître au-delà de ce que Médecins Sans Frontières et les autres acteurs humanitaires peuvent gérer. Une action climatique ambitieuse, des mesures d'adaptation durables et un soutien concret et complet pour faire face aux dommages et aux pertes sont nécessaires.
Nous exigeons des représentants politiques à la Conférence mondiale sur le climat, dont les décisions affecteront la santé de millions de personnes :
- Un soutien financier et technique suffisant pour faire face aux dommages et aux pertes, en particulier pour les pays et les personnes les plus touchés. Cela ne doit pas impliquer l'utilisation de fonds d'aide humanitaire [2].
- Des engagements plus ambitieux et contraignants de la part des États, des entreprises et des secteurs principalement responsables des émissions historiques, actuelles et futures, afin de maintenir le réchauffement climatique en-dessous de 1,5°C.
La crise climatique ne doit pas devenir une crise humanitaire encore plus grave. Nous avons besoin d'une véritable justice climatique pour nos patients dès maintenant.
[1] The Lancet Countdown 2022.
[2] Médecins Sans Frontières est une organisation indépendante, financée uniquement par des dons privés.
Article d'Elisa de Siqueira, Chargée de plaidoyer humanitaire Crise climatique et action humanitaire, MSF Berlin