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GASTROSAM in Maiduguri, Nigeria

GastroSAM : Réhydratation Intraveineuse pour la Malnutrition Aiguë Sévère avec Gastro-entérite

Une nouvelle étude internationale révèle que la réhydratation intraveineuse est sans danger pour les enfants atteints de malnutrition aiguë sévère et de déshydratation, remettant en cause des recommandations en vigueur depuis longtemps.

Depuis plus de 25 ans, les recommandations thérapeutiques pour les enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère (MAS) et de déshydratation grave due à une gastro-entérite sont très différentes de celles appliquées aux enfants bien nourris. Chez ces derniers, on administre généralement des fluides intraveineux (IV) salés rapidement, sur une durée de 3 à 5 heures, afin de les réhydrater efficacement.

En revanche, les directives actuelles pour les enfants atteints de MAS préconisent l’utilisation de solutions de réhydratation orale (SRO) pauvres en sel, administrées par voie orale, et réservent les fluides IV uniquement aux cas de choc ou d’effondrement circulatoire.

Cette approche prudente repose sur l’idée que le cœur des enfants malnutris est plus fragile et pourrait ne pas supporter les fluides IV. Pourtant, ces recommandations restrictives reposent essentiellement sur des avis d’experts, et non sur des preuves scientifiques solides. Malgré cette prudence, les taux de mortalité restent élevés.

Face à ce constat, des chercheurs de Médecins Sans Frontières (MSF), de l’Imperial College London et de l’University College London (UCL) ont mené une étude approfondie pour évaluer la sécurité et l’efficacité de la réhydratation intraveineuse chez les enfants souffrant de MAS et de déshydratation. Leur objectif : déterminer si des stratégies de réhydratation plus souples pourraient améliorer les résultats.

L’essai GastroSAM, récemment publié dans le New England Journal of Medicine, a été mené au Niger, au Nigeria, en Ouganda et au Kenya. Il a inclus 272 enfants âgés de 6 mois à 12 ans, hospitalisés pour malnutrition aiguë sévère (MAS) et déshydratation grave causée par une diarrhée. La majorité des participants ont été recrutés dans des structures soutenues par Médecins Sans Frontières (MSF) au Nigeria et au Niger.

L’essai a comparé la sécurité de trois stratégies de réhydratation, les enfants étant répartis aléatoirement dans l’un des groupes suivants :

  • Prise en charge standard de l’OMS : réhydratation orale avec recours aux fluides intraveineux uniquement en cas de mauvaise circulation (groupe témoin).
  • Réhydratation IV rapide : la méthode habituellement utilisée chez les enfants bien nourris.
  • Réhydratation IV lente : le même volume que dans le groupe IV rapide, mais administré plus lentement.

Dans le cadre du consortium GastroSAM, LuxOR a joué un rôle essentiel en apportant un soutien à la recherche opérationnelle, notamment à l’hôpital Nilefa Keji de Maiduguri — en coordonnant les équipes, en renforçant les capacités de recherche et en veillant à une mise en œuvre rigoureuse sur l’ensemble des sites de l’étude.

Le Dr Temmy Sunyoto, conseillère principale en recherche opérationnelle, est revenue sur les défis rencontrés et la résilience des équipes :

GASTROSAM in Maiduguri, Nigeria

MSF team in Maiduguri 

Mener un essai clinique dans un contexte comme celui de Maiduguri est un défi : le pic de malnutrition de 2024 a poussé l’hôpital à ses limites, des inondations torrentielles ont coupé l’accès au site, et des manifestations communautaires nous ont même contraints à suspendre temporairement le recrutement. Pourtant, malgré tous ces obstacles, les compétences et la détermination de l’équipe MSF de Maiduguri ont brillé, menant une recherche qui, espérons-le, contribuera à transformer la prise en charge des enfants vulnérables que nous soutenons. Le faible taux de mortalité et le respect remarquable du protocole témoignent de l’excellente conduite de l’essai GastroSAM — fruit d’une collaboration solide entre tous les partenaires.

L’essai n’a révélé aucune différence de mortalité entre les groupes recevant une réhydratation intraveineuse (IV) et ceux traités selon la stratégie standard de réhydratation orale, jusqu’à 96 heures après l’admission. La mortalité globale était également plus faible que prévu, probablement grâce à la surveillance étroite et aux soins attentifs assurés tout au long de l’étude.

Fait crucial, aucun cas d’insuffisance cardiaque ni de surcharge hydrique n’a été observé, ce qui indique que la réhydratation IV est sûre chez les enfants atteints de MAS. À l’inverse, la stratégie de réhydratation orale nécessitait souvent l’utilisation d’une sonde nasogastrique, associée à des taux plus élevés de vomissements et de chocs.

Le Dr Kemi Ogundipe, conseillère en pédiatrie et santé infantile chez MSF Belgique, a souligné l’importance de ces résultats :

La gastro-entérite accompagnée de déshydratation est la cause la plus fréquente d’admission dans de nombreuses unités nutritionnelles hospitalières. Lorsque ces enfants sont gravement déshydratés, leur état est souvent critique et nécessite un traitement rapide. Les résultats de cette étude pourraient lever un obstacle majeur à une réhydratation adéquate en temps voulu, en montrant qu’il existe d’autres options sûres, notamment pour les enfants qui ne parviennent pas à conserver les liquides administrés par voie orale.

Ces résultats suggèrent que les recommandations actuelles pourraient être simplifiées en supprimant la distinction entre enfants sévèrement malnutris et enfants bien nourris dans les protocoles de réhydratation, ce qui permettrait d’améliorer la sécurité de la prise en charge dans des services pédiatriques et nutritionnels souvent surchargés.