LuxOR - Recherche pour l'action humanitaire
LuxOR, l'Unité de Recherche Opérationnelle (RO) basée au Luxembourg, a vécu une année stimulante et passionnante en étant confrontée à des défis complexes, tels que la résistance aux antibiotiques, le mauvais usage d’un médicament en raison d’un manque de formation des prescripteurs ou l’approvisionnement en eau potable de zones reculées d’Afrique.
La RO, la science des meilleures pratiques
Chaque étude en RO menée par l’équipe LuxOR s’interroge sur les aspects qui fonctionnent bien dans un projet et sur ce qui doit être amélioré. Ces études font l’objet de publications dans des revues scientifiques renommées. En 2017, l’équipe a contribué à la publication de 99 articles couvrant 15 thématiques.
Diversité des publications en 2017 (total=99)
Traduire les résultats en améliorations concrètes
Les résultats et recommandations des études permettent d’améliorer les programmes MSF et la qualité des soins prodigués ; par exemple, d’étendre à d’autres projets des solutions identifiées comme des alternatives efficaces (Cf. étude 1), de donner la priorité à des interventions de prévention pour endiguer une épidémie (Cf. étude 2) ou d’élaborer et de mettre en place un plan d'action spécifique afin de faciliter des changements de pratiques (Cf. étude 3).
Luxor 2017 en chiffres
- UNE ÉQUIPE DE 10 PERSONNES QUI SOUTIENT 60 PROJETS DE RECHERCHE DANS LE MONDE ENTIER
- 11 VISITES TERRAIN : EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE, EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (RDC), EN ÉGYPTE, EN ITALIE, AU LIBAN, EN GRÈCE, À MADAGASCAR, AU MALAWI, AU MOZAMBIQUE, EN SERBIE ET EN SUÈDE
- A CO-DIRIGÉ 99 PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES COUVRANT 15 THÉMATIQUES
- A SOUTENU 5 FORMATIONS EN RECHERCHE OPÉRATIONNELLE AUXQUELLES ONT PARTICIPÉ 49 PERSONNES : EN ÉTHIOPIE, EN INDE, AU KENYA, AU LUXEMBOURG, EN AFRIQUE DU SUD ET AU SRI LANKA
Zoom sur 3 études RO
Au Niger, MSF a testé une approche innovante pour fournir de l'eau potable aux communautés : au lieu d’envisager de nouveaux forages plus coûteux, l’organisation a identifié et réhabilité les forages existants, qui étaient inactifs ou endommagés. Une étude de recherche opérationnelle a permis d'évaluer et de documenter ce projet pilote réussi.

L’accès à des sources durables d'eau potable est une préoccupation majeure pour les communautés vulnérables et les acteurs dans le domaine de la santé ; c’est un élément crucial pour la nutrition et la santé des populations. Les régions où les ressources en eau sont rares dépendent le plus souvent de la présence de forages dans les nappes phréatiques. Généralement, les forages endommagés ou dysfonctionnels sont abandonnés et de nouveaux forages sont construits.
Réhabilitation possible à moindre coût
Dans le district de Guidan Roumdji au Niger, MSF a testé une approche différente. En utilisant un équipement mobile comprenant une caméra submersible, une sonde d'enregistrement de données, un spectromètre, un compresseur et des pompes, 50 forages ont été identifiés entre 2013 et 2015. Des canalisations étaient cassées, des tuyaux obstrués, des pompes défectueuses, de l'eau contaminée. Tous ces dommages ont été constatés, puis nettoyés et/ou réparés sur place, avec l’aide de travailleurs formés localement.
34 des 50 forages avaient besoin d'une réhabilitation importante et 31 (91%) pouvaient être réhabilités avec succès. L'étude a montré que la réhabilitation était non seulement une approche possible dans les zones rurales du Niger, mais aussi beaucoup plus économique ; le forage d’un nouveau puits est estimé à 24 euros par bénéficiaire, alors que la réhabilitation d’anciens forages est réalisable pour seulement 1,6 euros par personne bénéficiaire. De plus, l'analyse des échantillons d'eau souterraine prélevée dans les puits a permis de mieux comprendre l'approvisionnement et la qualité de l'eau souterraine de la région, y compris les poches de contamination, donnant ainsi des informations utiles à de futures initiatives de forage.
Extension du projet pilote réussi
Alors que ces résultats prometteurs sont en passe d’être publiés, l'approche est aujourd’hui utilisée en réponse aux épidémies récurrentes de choléra et de typhoïde au Zimbabwe. MSF a également fondé le Groundwater Oriented Project (GO Pro), un programme opérationnel complet pour la réhabilitation et la construction de puits.
Focus sur
Le développement des compétences wash
L'eau, l'assainissement et l'hygiène (WASH = Water, Sanitation and Hygiene) sont un des objectifs adoptés par les Nations unies de l'Agenda 2030 pour un développement durable. L'eau potable, un assainissement et une hygiène adéquats sont essentiels pour prodiguer des soins de qualité dans les contextes humanitaires, qu'il s'agisse de lutter contre les maladies infectieuses, d'assurer une nutrition adéquate, d'offrir des services en santé maternelle et infantile ou de fournir des soins liés au VIH/sida.
Pourtant, les problématiques WASH et leur connexion avec des soins de santé de qualité sont souvent sous-étudiées. Pour combler cette lacune, LuxOR a lancé sa première formation de recherche opérationnelle dédiée aux thèmes de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène. Huit participants d'Afrique, d'Asie et d'Europe ont lancé leurs projets de recherche en septembre 2017 à Luxembourg, soumettront leurs articles pour publication en 2018.
En mars 2017, la maternité MSF des Castors en République centrafricaine a tiré la sonnette d'alarme, suspectant des cas de Klebsiella pneumoniae chez les nouveau-nés. Les antibiotiques disponibles ne fonctionnant pas contre les bactéries résistantes, Julita Gil, membre de LuxOR, s'est rendue à Bangui pour aider à contenir l'épidémie et retracer sa propagation dans la maternité.
La Klebsiella pneumoniae est une bactérie qui provoque des épidémies localisées dans les hôpitaux, tant dans les pays à revenu élevé que ceux à faible revenu. Si elle n'est pas traitée, elle représente un risque grave pour la santé des patients, avec des taux de mortalité allant jusqu'à 76 % dans les contextes de crises humanitaires. À Bangui, 19 nouveau-nés ont été testés positifs à Klebsiella en mars 2017, et quatre d'entre eux sont décédés.
Meilleure utilisation des antibiotiques
La bactérie responsable de l’épidémie a été identifiée comme étant une ESBL Klebsiella, c’est- à-dire résistante aux antibiotiques de routine. Par conséquent, les nouveau-nés infectés ne pouvaient pas être traités, dès le début, avec le médicament habituel ; une ordonnance en urgence d’antibiotiques de deuxième ligne a donc été nécessaire.
L'équipe d'épidémiologistes a également examiné attentivement les normes d'hygiène et la gestion de la clinique à Bangui. Comme la clinique MSF est la seule à offrir des soins maternels et infantiles complets et gratuits à proximité, la maternité est souvent bondée. L'équipe a découvert que les lits des nouveau-nés pouvaient être partagés par trois bébés aux heures de pointe de l'hôpital, ce qui augmenterait le risque de propagation de l'infection.
L'analyse a ensuite révélé une probabilité significativement plus élevée d'une infection à Klebsiella chez les bébés qui ont dû être réanimés après la naissance. Une désinfection méticuleuse de l'équipement de réanimation, comme les concentrateurs d'oxygène, a été immédiatement mise en œuvre pour une meilleure prévention et un meilleur contrôle des infections.
Sur les traces de Klebsiella
Grâce à ces mesures, l’épidémie a été maîtrisée et aucun autre cas de Klebsiella n'a été signalé en avril et mai. Une deuxième campagne de recherche, début 2018, s'est penchée sur le risque potentiel d’introduction et de diffusion des bactéries résistantes telle que Klebsiella dans la clinique via les mères et les membres de la communauté et sur la façon d'éviter de futures épidémies.
Focus sur
La résistance aux antibiotiques
La résistance aux antimicrobiens est une préoccupation croissante pour la santé mondiale, la sécurité alimentaire et les programmes de développement. Les infections comme la pneumonie, la tuberculose ou la salmonellose sont de plus en plus difficiles à traiter, car les antibiotiques et autres médicaments perdent de leur efficacité. Alors que la résistance aux antibiotiques apparaît comme une progression naturelle des microbes au fil du temps, on sait que la surutilisation généralisée des antibiotiques en médecine humaine et dans l’agriculture accélère le processus.
De plus en plus de cas de résistance aux antibiotiques sont signalés aux quatre coins du monde, aussi bien dans les pays riches que dans les pays à faible revenu. Dans les contextes de crises humanitaires, avec un accès aux soins ou une offre de médicaments disponibles limités, le bon traitement est souvent plus complexe à identifier, d’autant plus qu’une réponse d'urgence est nécessaire, ce qui rend la lutte contre la résistance aux antibiotiques encore plus difficile.
Chez MSF, un groupe d'experts se spécialise actuellement dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques dans le cadre des projets MSF et plusieurs études LuxOR en cours promettent de nouvelles perspectives pour relever ce défi sanitaire mondial.
En 2015, une étude menée dans l’hôpital principal de la ville de Timergara au Pakistan a révélé les risques liés à l'utilisation abusive de médicaments déclenchant artificiellement les accouchements, comme l'oxytocine. Aujourd'hui, une stratégie globale permet de mettre en pratique les résultats de cette étude.
L’oxytocine est une hormone largement utilisée pour prévenir les saignements utérins après la naissance. Elle peut également être administrée pour provoquer ou accélérer des accouchements compliqués. Dans de tels cas, le médicament ne devrait être administré que dans un hôpital, où les mères et leurs nouveau-nés peuvent être suivis de près, et par des professionnels de la santé bien formés à l’administration de ce type de traitement.
Risques liés au déclenchement d’un accouchement
Malgré la limitation réglementaire de l'usage de l'oxytocine aux prescripteurs, ce médicament est largement disponible au Pakistan. Les agents sanitaires, les sages-femmes communautaires et les accoucheuses traditionnelles l’utilisent en dehors des instructions d’usage pour traiter ou accélérer à la fois les accouchements compliqués et normaux, souvent sous la pression de la belle-famille ou des membres de la communauté.
En 2015, une étude RO a clairement prouvé la corrélation entre la mauvaise utilisation du médicament et les complications spécifiques en santé maternelle et néonatale : les femmes avec un accouchement compliqué ou prolongé recevant de l'oxytocine d’une façon non régulée étaient trois fois plus susceptibles de souffrir de rupture utérine. La mauvaise utilisation du médicament chez les nouveau-nés entraînerait un risque significativement plus élevé d'asphyxie sévère à la naissance et de mortinatalité. Dans l'ensemble, au sein de l'hôpital soutenu par MSF à Timergara, environ deux cas d'utilisation abusive d’oxytocine ont été recensés par jour.
De la recherche à l’action
S'appuyant sur les résultats de l'étude, MSF a commencé depuis 2017 à élaborer et à mettre en place un plan d'action spécifique. En collaboration avec les autorités locales, MSF s'efforce, au travers d’activités ciblées de promotion de la santé, d'informer les communautés de la région de Khyber Pakhtunkhwa sur les risques et l'utilisation correcte de l'oxytocine. Une campagne de communication va être diffusée simultanément par la radio et les réseaux sociaux.
Dans l'hôpital de Timergara, un projet pilote a été lancé pour la formation des agents de santé travaillant dans les cliniques régionales et dans l'hôpital soutenu par MSF. Un atelier d'une demi-journée portera sur les résultats de l'étude, les accouchements compliqués et normaux et l'utilisation correcte des médicaments déclenchant les accouchements. Plusieurs analyses de suivi avec des partenaires de recherche locaux sont également en cours afin de mieux comprendre la motivation de l'utilisation abusive de l'oxytocine et d'analyser plus en profondeur l'environnement réglementaire et économique complexe du médicament.
Focus sur
La manière de changer concrètement les politiques et pratiques de soins de santé
Les résultats de la recherche opérationnelle contiennent souvent des données indispensables pour comprendre l’origine des problèmes de santé au niveau international ou pour améliorer les modèles de soins. Pourtant, les résultats publiés se traduisent trop rarement en actions concrètes ; pour changer les politiques ou améliorer les pratiques de soins de santé, des efforts de communication et une planification stratégique sont nécessaires.
Avec le nouveau poste de «Policy, Practice and Communication Advisor» créé en 2017, LuxOR met l'accent sur la volonté de concrétiser les résultats de la recherche au bénéfice de l'action humanitaire. Une brève évaluation des politiques et des pratiques dans chaque protocole de recherche aide à planifier et à budgétiser l'utilisation des résultats de la recherche dès le commencement des nouvelles études.
Les dossiers actuels où des changements au niveau des politiques et des pratiques de soins de santé sont attendus rapidement incluent des projets en République démocratique du Congo (RDC), en Guinée, au Pakistan, en Serbie et en Méditerranée.
Aperçu d'autres activités de l'année
L’ENGAGEMENT DES BÉNÉVOLES

DES SUPPORTERS AU GRAND CŒUR

Quelques exemples...
- Soutien fidèle à MSF, André Urbing a organisé une vente de t-shirts au profit de l’association pour fêter son prix au World Fairplay Awards.
- En organisant une vente de journaux, les élèves de l’école de Beckerich ont réalisé une belle collecte au profit de MSF !
- En juillet 2017, les jeunes aventuriers de Fiasco de Gama ont collecté des fonds pour MSF, à l’occasion d’une course de 1000 km le long des côtes de l’océan Indien, à bord d’un voilier traditionnel !
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

DÉFI SOLIDAIRE MSF

JOURNÉE DE LA RECHERCHE OPÉRATIONNELLE À BRUXELLES

Situation sanitaire et humanitaire extrêmement fragile au Soudan du Sud

LANCEMENT DE LA VERSION ALLEMANDE DU SITE

LUXOR S'ENGAGE DANS LA LUTTE CONTRE L'ÉPIDÉMIE DE PESTE À MADAGASCAR

La principale difficulté de la mission a été, pour Julita, d’instaurer un système de triage sûr et efficace à proximité de l’hôpital et du centre de traitement de Tamatave. Les premiers symptômes de la peste pulmonaire ne sont pas spécifiques à la maladie et il y a un véritable risque, pour les médecins, d’administrer de puissants antibiotiques à des patients qui ne sont pas infectés.
Administrés précocement, les différentes antibiothérapies disponibles permettent de guérir la plupart des malades. Afin de prévenir la maladie, il est nécessaire d’informer les communautés des symptômes de la peste et des manières de se protéger contre tout risque de contamination.
Les patients atteints de peste pulmonaire ont 100% de chance de se rétablir si le traitement commence à temps. Près de 250 personnes ont été traitées et guéries dans le centre de traitement MSF dans la ville portuaire de Tamatave, à l'est de Madagascar.
UNE FORMATION DÉDIÉE À LA RECHERCHE QUALITATIVE

Les nouveaux instantanés de la recherche opérationnelle en format carte postale, qui expliquent les projets LuxOR de façon claire et didactique, sont maintenant disponible.
Découvrez les cartes postales sur le site web or.msf.lu dans la rubrique Projets.
CAMPAGNE L'URGENCE N'ATTEND PAS

Un grand merci aux ambassadeurs MSF qui ont porté notre campagne avec tant de dévouement. Ainsi qu'à notre partenaire Digicash qui a généreusement reversé 5 euros par don effectué via son application.